L’Observatoire du crédit et de l’endettement a mis en place une formation ouverte aux entreprises désireuses de gérer la problématique du surendettement deleurs salariés. Une formation spécialement conçue pour répondre aux besoins des directeurs des ressources humaines, mais aussi des délégués syndicaux,de plus en plus nombreux à y assister.
Si les patrons ont plus ou moins rapidement compris l’intérêt à se saisir de la problématique du surendettement dans leur entreprise, ne fût-ce que parl’influence sur le rendement au travail ou sur le taux d’absentéisme, les syndicats ne s’y sont guère trompés non plus. Il se révèle souventtrès difficile de pouvoir faire participer les salariés endettés à des actions collectives, leur situation financière les rend en effet trèsvulnérables face aux éventuelles représailles de la direction. Mais soyons de bon compte, le principe utilitariste n’est pas seul à guider l’implication dessyndicats dans ce combat, ils réalisent au quotidien un vrai travail social de terrain et permettent parfois de prévenir des situations qui sans leur intervention auraient pu,très vite, dégénérer.
Les demandes affluent
L’Observatoire du crédit et de l’endettement (OCE)1, qui organise depuis 2001, avec l’appui du Fonds social européen, un programme intitulé «Prévenir et lutter contre le surendettement sur le lieu de travail » pointe une nette augmentation des demandes de participation de la part des syndicats à ses formations. «Nous avons développé au sein de l’Observatoire une journée d’information à destination des personnes-relais dans les entreprises : assistants sociaux, service dupersonnel, service de paiement des salaires, personnes de confiance, psychologues et syndicats, ainsi que des outils (brochure, grille budgétaire, affiche), explique Matthieu Bruyndonckx,chercheur au pôle prévention et éducation de l’OCE. Cette journée a pour but de sensibiliser ces personnes-relais à la problématique du surendettement,à les inciter à faire de la prévention auprès du personnel. On sait qu’un tiers des personnes surendettées travaillent et perçoivent unerémunération. Par le passé, il fallait relancer les entreprises pour qu’elles participent à ces formations. Aujourd’hui, les demandes affluent, les futurs AS noussollicitent aussi plus que par le passé. Nous avons déjà douze formations dispensées cette année pour à chaque fois des groupes de quinze à trentepersonnes et encore quatorze à venir et l’agenda 2010 se remplit. Les syndicats, notamment, semblent extrêmement demandeurs. »
Le contexte actuel de crise n’y est sans doute pas étranger. Ainsi, Ruddy Danthine, permanent interprofessionnel à la FGTB et responsable du Cenforsoc2, centre deformation sociale et culturelle pour travailleurs, constate une augmentation des cas de surendettement parmi les salariés affiliés. « Outre l’augmentation de ce qu’onappelle les travailleurs pauvres, avec la crise, de plus en plus sont en chômage économique. La fiscalité d’application n’est pas la même que lorsqu’ilstouchent leur salaire. Ils sont moins taxés à la source mais doivent rembourser au fisc par après. Et cela joue des tours à certains qui n’anticipent pas. Oncommence à en ressentir les effets. Nous avons donc décidé pour pouvoir renforcer l’accueil de première ligne dans nos centrales de faire suivre auxdélégués et permanents la formation de l’Observatoire du crédit. Trois journées sont programmées cet automne avec chacune vingt à vingt-cinqpersonnes. »
Si la FGTB attend la fin des trois formations pour évaluer la nécessité de mettre en place ses propres outils à destination de ses délégués, ellen’a cependant pas attendu la formation pour faire de la prévention. « Les délégués sont à la fois des assistants sociaux, des conseillers matrimoniaux,des facteurs, … Ils sont souvent en première ligne, servent de relais avec la direction, entre autres au sein du conseil d’entreprise. Quand dans une entreprise, par exemple, undélégué constate qu’un travailleur sur trois a une saisie sur salaire, on met en route des campagnes de prévention. Il est vrai qu’il n’est pas toujoursfacile de détecter le problème. Le surendettement reste tabou, tout comme l’illettrisme, et souvent les gens vous interpellent quand c’est trop tard. Il est donc essentielque nos délégués puissent détecter les premiers signes et guider les affiliés touchés par le surendettement. »
À la CGSLB3, le syndicat libéral, on reconnaît que la thématique n’est pas prioritaire, « puisqu’il existe des professionnels pours’en occuper », mais on trouve la prévention suffisamment importante pour inciter les délégués à suivre les formations dispensées parl’OCE. Ils étaient ainsi quelque 275 personnes à participer l’année passée à la formation, pourtant optionnelle. Ils devraient être un peu plus de400 pour 2009-2010, nous confirme Christian Lochet, secrétaire régional adjoint de la CGSLB, responsable des formations, puisque la formation est rendue obligatoire pour tous lesdélégués. » Une formation de niveau 2 pour ceux qui ont suivi la première, consacrée à l’assistance et au développement d’outils, aégalement été demandée par le syndicat à l’OCE.
Le délégué qui a l’oreille et les relais
Andres Huergo est magasinier depuis dix ans chez Autographe4, une entreprise spécialisée en transformation et aménagement de véhicules à Wavre. Il estégalement délégué syndical CSC au sein de l’entreprise. Le surendettement, il connaît. « Comme délégué syndical, je suis souventconfronté à une multitude de questions concernant la législation sociale. Mais certaines questions reviennent plus fréquemment que d’autres comme les conditions pourles avances sur salaire, que peut faire ou ne pas faire l’huissier, etc. Nous sommes 50 dans notre entreprise dont 12 % ont un jour ou l’autre été surendettés et lamajorité pas nécessairement pour des crédits non honorés mais pour des factures qu’ils n’arrivent plus à payer : gaz, eau, électricité,soins de santé, etc. Ils sont tous passés par la médiation de dettes ou le règlement collectif de dettes (RCD). Sept personnes dans mon entreprise subissent des saisiessur salaire et quatre sont actuellement en RCD. Modestement, j’essaie, à mon niveau, de les aider. Je me
suis formé petit à petit. Mon épouse est juriste, j’aidans mon entourage des connaissances qui sont avocat ou huissier et j’ai ainsi pu collecter pas mal d’infos que j’essaie de mettre à disposition de mes collègues.»
Guidance et préparation
Andres suit aussi des cours du soir à l’Isco (service de formation du Mouvement ouvrier chrétien) où il termine un graduat en sciences sociales du travail. Il metactuellement la dernière main à son mémoire de fin d’études consacré à une question qu’il connaît bien : « Comment ladélégation syndicale peut elle intervenir dans un cas de surendettement d’un travailleur dans l’entreprise ? ». Un thème qu’il explore depuis quatre à cinq ansau sein de son entreprise, et qui lui a permis d’élaborer quelques outils à destination des salariés d’Autographe comme des petits prospectus qui abordent desquestions telles que les quotités saisissables sur salaire, le règlement collectif de dettes, etc. « Pour aider les travailleurs surendettés, il faut pouvoir leur donner lesoutils adéquats car les causes du surendettement sont très variées. Mais j’insiste pour que chacun soit responsable, il n’est pas question ici de faire le boulotà la place des salariés. Les demandes d’assistance varient aussi selon les capacités et l’autonomie de la personne (la réalisation d’une grille budgétaire, unelettre type, une adresse etc.). En quelque sorte, je prémâche le travail pour gagner du temps, une fois que la personne sera reçue par un professionnel. Elle arrive avec sa grillebudgétaire déjà remplie, les papiers, les factures, elle a la documentation, ça facilite le travail des médiateurs. »
Une expérience qui s’est affinée au fil des ans et a permis à Andres d’avoir aujourd’hui l’oreille des salariés. Si souvent le sujet reste taboudans nombre de grandes entreprises, chez Autographe, il est difficile de cacher ses problèmes. « Nous sommes cinquante, c’est une entreprise familiale, tout le monde seconnaît. On voit quand ça ne va pas. Souvent, on me demande d’intervenir auprès du patron pour une avance sur salaire. Quand la demande se répète, je constatevite qu’il y a un problème qui se cache là-dessous et on en discute, on essaye d’aiguiller. »
Andres, à la demande de la CSC, a participé comme intervenant à la formation dispensée par l’Observatoire du crédit et de l’endettement. « Ilest plus facile comme délégué ayant une expérience de terrain de parler à d’autres délégués. »
Et d’espérer que, comme lui, d’autres puissent à leur tout devenir de véritables relais au sein de leur entreprise…
1. OCE (Observatoire du crédit et de l’endettement) :
– adresse : place Albert 1er 38 à 6030 Marchienne-au-Pont
– contact : Matthieu Bruyndonck
-tél. : 071 36 60 59
– courriel : m_bruyndonckx@observatoire-credit.be
– site : www.observatoire-credit.be
2. FGTB (Charleroi & Sud-Hainaut) :
contact : Ruddy Danthine, permanent Interprofessionel, responsable formations au Cenforsoc
– adresse : bd Devreux, 36-38 à 6000 Charleroi
– tél. : 071/64 12 57
– courriel : ruddy.danthine@fgtb.be
– site : www.cenforsocasbl.be
3. CGSLB (Régionale wallonne) :
– contact Christian Lochet, secrétaire régional adjoint, responsable des formations
– adresse : bd Poincaré, 72-74 à 1070 Bruxelles
– tél. : 02/558 51 70
– courriel : christian.lochet@cgslb.be
– site : www.cgslb.be
4. Andres Huergo, délégué syndical chez Autographe – GSM : 0495 79 98 17 – courriel : ahuergo@hotmail.com