La Ville de Rotterdam a décidé d’activer ses allocataires sociaux par le biais de deux programmes. L’un d’eux se nomme Werkloont – «Le travail paie». Les allocataires, eux, n’ont pas vraiment le choix.
À Rotterdam, les allocataires sociaux ont intérêt à bouger. Deux programmes, sans liens apparents, sont là pour y veiller. Le premier est nommé Tegenprestaties – «Contreparties» – et s’adresse aux allocataires de longue durée (voir notre reportage dans ce même numéro: «Actif comme un allocataire à Rotterdam»). Le second s’appelle Werkloont et se concentre sur les personnes ayant introduit une demande d’allocations. Celles-ci sont alors tenues de participer au programme. Sous peine de voir leurs allocations coupées. Petite précision: on parle bien d’individus bénéficiant d’une assistance financière en provenance de la municipalité et non pas de chômeurs.
Le programme Werkloont dure 15 semaines, à raison de 20 heures hebdomadaires. Le cursus est composé notamment de jobcoaching – il s’agit d’apprendre à réaliser un CV, à écrire une lettre de motivation – et d’un job. Les participants sont tenus de travailler minimum huit heures par semaine. Cela peut se faire dans le cadre d’un emploi qu’ils auraient trouvé eux-mêmes. S’ils n’ont pas trouvé de travail, ils officient alors pour le Roteb, le service de nettoyage de la Ville de Rotterdam.
En octobre 2014, une étude a été publiée par trois organisations hollandaises. Elle concerne notamment le programme Werkloont et ses effets. Ce document a été commandé par le ministère des Affaires sociales et de l’Emploi des Pays-Bas à la suite d’une demande du Parlement. Ses conclusions sont claires: Werkloont produit des effets, mais assez marginaux. Après un an, les personnes ayant suivi le programme seraient 6% de plus à avoir trouvé un emploi que celles qui ne l’ont pas fait. Les personnes estampillées «Werkloont» seraient aussi 7,1% de plus à sortir du système des allocations après un an.
Nous avons interrogé Jaap de Koning, directeur du SEOR (Erasmus School of Economics) de Rotterdam. Il est un des auteurs de l’étude.
Alter Échos: Pourquoi avoir réalisé cette étude?
Jaap de Koning: Il existe beaucoup de questionnements sur le fait de savoir si des programmes tels que Werkloont sont vraiment efficaces.
A.É.: Pourtant votre étude semble démontrer que Werkloont produit des effets, notamment préventifs. Les gens se «frottant» à Werkloont demanderaient moins d’allocations.
J.D.K.: Il y a des effets, mais ils ne sont pas énormes. Pour la prévention, le phénomène peut être expliqué par le fait que les allocataires savent qu’ils vont devoir faire un boulot pénible au Roteb. Cela peut les dissuader de demander une allocation et les inciter à chercher du travail.
A.É.: Quelle suite va être donnée à votre rapport?
J.D.K.: Le Parlement n’a pas encore tiré ses conclusions. Mais son opinion est qu’il faut continuer à réaliser des études afin de voir si ce genre de programmes est vraiment effectif. Les municipalités s’imaginent souvent qu’ils produisent des effets alors que ce n’est pas souvent le cas. Et quand ils en produisent, ils ne sont pas énormes.
A.É.: Comment la Ville de Rotterdam a-t-elle accueilli vos conclusions?
J.D.K.: Plutôt bien. Ils pensaient vraiment que Werkloont avait plus d’effets. Cela a changé leur attitude vis-à-vis du programme.
A.É.: Et comment le programme Werkloont a-t-il été accueilli par l’opinion publique?
J.D.K.: Ce type de programme est en général plutôt bien accepté, ce n’est pas vraiment une controverse. Le fait de dire qu’une personne doive donner quelque chose en échange de ce qu’elle reçoit se trouve dans «l’humeur générale» aux Pays-Bas. Cela dit, les opinions changent tout doucement. Il existe aussi des effets pervers. Tout le monde, par exemple, n’est pas capable de trouver un emploi. Ce genre de programmes «incitants» est intéressant, mais on ne peut pas baser toute une politique d’intégration sociale et professionnelle là-dessus. Il est raisonnable d’attendre des gens qu’ils soient actifs. Mais cela doit être proportionné. Or ici, après les 15 semaines, il ne se passe plus rien. Il faudrait plus de formations professionnalisantes.