Le tribunal de la famille va enfin voir le jour. Visite guidée avec Isabelle Schyns, juge au tribunal de première instance à Bruxelles. Elle le confirme, ce tribunal nouveau, s’il ne garantit pas forcément de réaliser des économies, permettra de rendre la justice plus simple et accessible.
Cette fois, c’est fait : le tribunal de la famille et de la jeunesse va voir le jour. Cela faisait quarante ans qu’il était espéré. Le Sénat a voté cette réforme majeure le 18 juillet dernier.
L’idée première d’une telle réforme – résumée par le slogan « une famille, un dossier, un juge » – est bien de rendre l’accès à la justice plus simple. Simplification et… rationalisation sont les deux mamelles du tribunal nouveau. L’objectif étant d’en finir avec une justice faite de morcellements, de redondances voire de chevauchements.
Petit rappel des éléments essentiels de la loi en compagnie d’Isabelle Schyns. En plus d’être juge au tribunal de première instance de Bruxelles, elle a lancé, en 2012, dans ce même tribunal, une « mini-section civile familiale », anticipant les réformes à venir.
Selon elle, la situation, jusqu’ici, était très complexe : « Dans le cadre des divorces et des séparations, les personnes étaient confrontées à une panoplie de juges, successivement et parfois simultanément pour régler une seule situation ». Prenons l’exemple d’un couple avec enfants souhaitant divorcer. Premier pas : s’adresser au juge de paix. Celui-ci pourra décider d’une série de mesures dans le cadre d’une séparation provisoire concernant notamment le sort des enfants. Pendant cette procédure, l’un des deux membres du couple peut demander le divorce. Direction le juge des référés qui décidera d’une série de mesures provisoires concernant aussi… les enfants. Pendant ce temps, le juge du divorce se penche sur le fond du dossier. Après le divorce, pour examiner les éventuels problèmes liés à la pension alimentaire, c’est à nouveau vers le juge de paix qu’il faut se tourner. Le juge de la jeunesse intervient aussi, pour tout ce qui concerne l’hébergement des enfants. Un labyrinthe juridique touffu.
« Pas forcément d’économies »
Tout ça devrait donc changer. Un juge suivra le dossier en changeant de casquette – tantôt il sera juge des référés, tantôt juge du divorce, tantôt juge de la jeunesse. Pour Isabelle Schyns, une plus-value de la réforme est de rationaliser « la dépense d’énergie du service public de la Justice ». Mais attention, avertit-elle, « il n’y aura pas forcément d’économies pour l’État ». D’ailleurs, rappelons-nous qu’en 2011, un précédent projet de loi créant un tribunal de la famille avait été bloqué par la ministre de la Justice qui craignait que ce changement n’entraîne un surcoût trop important.
Comme toute restructuration, celle d’une grosse machine comme l’appareil judiciaire implique des dépenses. C’est tout le tribunal de première instance qu’il faut réorganiser. Séparer l’actuel tribunal de la jeunesse en deux. D’un côté les juges qui seront englobés dans le tribunal de la famille pour les matières civiles, de l’autre ceux qui suivent les matières protectionnelles (mineurs en danger et mineurs délinquants). Même chose pour les juges des référés. Certains devront intégrer l’entité « familiale ».
Certes, les juges de paix auront moins de dossiers familiaux, mais les tribunaux de la famille devront s’étoffer, car le grand défi, selon Isabelle Schyns, « est que le tribunal de la famille traite les affaires dans un délai raisonnable. »
Pour notre juge, « le nombre de dossiers, globalement, devrait rester le même ». Donc pas vraiment d’économies au programme, « à moins que les gens introduisent moins de demandes au tribunal de première instance qu’au juge de paix, car ce dernier est plus proche des gens. Bien sûr, cette organisation évitera les chevauchements de dossiers. Là aussi, cela pourrait engendrer quelques gains, mais qui resteront anecdotiques. »
Ce n’est donc pas dans le budget qu’il faut chercher les avantages de cette réforme de la Justice, mais bien dans la volonté d’avancer vers une justice plus simple, et plus accessible. Un bémol tout de même, pointé par Thierry Marchandise, ancien président de l’Association syndicale des magistrats : « Si vous tombez sur un juge caractériel, vous aurez affaire à ce même juge. On pourrait imaginer que le juge soit entouré de professionnels issus des sciences humaines, avec qui il partagerait la prise de décision. »