Lourdeur de la tâche, faiblesse de la rétribution, ingratitude de la mission. Comment s’étonner du manque de vocation pour devenir tuteur de Mena ?
« Fedasil est submergé, les tuteurs aussi ! » C’est un cri du cœur, sans fioriture. Claude Fonteyne a effectivement l’air épuisé. Nousl’avions rencontré il y a presque deux ans, lorsqu’il avait lancé son association A&A (Aide et Assistance aux Mena et à leurs tuteurs). L’idéeétait d’informer les tuteurs de l’actualité du secteur, essentiellement par newsletter, mais aussi de créer une dynamique d’entraide entre tuteurs ets’échanger les « bons tuyaux »1. À l’époque, il débordait d’idées pour améliorer le quotidien des tuteurs etgérait personnellement cinq à six tutelles. Parce que « si l’on veut s’occuper correctement d’un jeune, les aspects de ‘gestion’ nereprésentent que 20 % du travail. Être tuteur de cinq à dix Mena par an représente déjà un investissement en temps énorme. Je ne comprends pas commentil est humainement possible de mener de front trente ou quarante tutelles », s’interrogeait-il alors. Aujourd’hui, le quotidien l’a définitivement rattrapé : ils’occupe de vingt jeunes ! « Et je fais des passages de plus en plus fréquents devant les juges de la jeunesse. Ce matin, j’étais convoqué à Arlon : legamin a été envoyé à Everberg pour un vol. Il sortira le 30 décembre. Pour aller où ? Fedasil ne veut plus de lui à cause de son comportement. On vaencore devoir s’arracher les cheveux pour lui trouver une place et à pareille date, c’est pas gagné ! » Épuisé et excédé, donc.Adieu les nobles ambitions pour développer son association : « Les problèmes sont tels qu’on n’a plus le temps de s’en occuper correctement et dedévelopper les informations. Nous sommes dans l’urgence, en permanence. »
Un encadrement insuffisant
Pour ce qui est de la délinquance des Mena, Claude Fonteyne tient à relativiser, si ce n’est excuser le comportement des adolescents. « Ce n’est pas de la grandecriminalité. La plupart de ces enfants n’ont pas choisi d’être ici. Ils n’ont parfois même pas choisi de partir ! Il y a une perte d’équilibrepsychologique. Souvent, quand ils font une bêtise, c’est simplement qu’ils se trouvent au mauvais endroit au mauvais moment », estime le tuteur. Selon lui, la pénuriede places crée également un gros problème au niveau de l’encadrement. « On les loge dans des structures adultes de Fedasil car il n’y a plus assez de placespour les mineurs. Là, on se retrouve avec un assistant social pour cent personnes et avec un personnel qui n’a pas du tout l’habitude des ados. Les jeunes se laissententraîner par des adultes, ils n’ont pas de contrainte horaire comme dans les centres pour mineurs et ils font des conneries. Rien de grave, mais que voulez-vous : avec 6,50 €d’argent de poche par semaine, ça devient tentant de chaparder le gsm qu’ils ne peuvent s’offrir. »
On sent énormément de frustration et d’amertume dans les propos du tuteur. Pas de quoi encourager les vocations. Entre les volte-face de Fedasil – qui ne voulait plusassurer l’hébergement des Mena non demandeurs d’asile, avant de revenir sur sa décision2 – et les difficultés inhérentes au suivi de jeunessouvent déboussolés, Claude Fonteyne se dit « coincé par la réalité ». Ce qui le chagrine également, c’est le manque d’investissementscolaire de nombreux Mena. Selon son expérience, un tiers d’entre eux décroche de l’école, ne suit pas en classe ou chahute. Mais quand l’un de ses ancienspupilles l’appelle pour lui dire qu’il a réussi son année ou qu’il s’inscrit dans une école supérieure, on se dit que ça doit quandmême le conforter sur la pertinence de son travail.
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1. Pour recevoir la newsletter ou toute autre information sur A&A, envoyer un e-mail à a-e-a@tvcablenet.be.
L’association ne demande ni cotisation ni affiliation pour devenir membre.
Éditeur responsable : Claude Fonteyne. A&A, rue de l’Argayon, 5 à 1400 Nivelles, tél. : 067 84 04 89.
2. La plate-forme Mineurs en exil a interpellé à ce sujet le secrétaire d’État, Courard, car bien qu’officiellement, cette instruction ait étéretirée, dans la pratique, Fedasil continue de ne pas accueillir les mineurs non demandeurs d’asile, « sauf les plus vulnérables selon des critères fixésunilatéralement par eux », précise la Plate-forme.