Repenser le syndicalisme urbain et le travail d’insertion à l’aune de l’État social actif (ESA). Un colloque réunissant FGTB, Orbem et CPAS s’est penché sur le sujet le15 décembre à Bruxelles. Même si les griefs restaient plus nombreux que les propositions.
Les travailleurs sociaux urbains perdent leurs repères. C’est en substance le message que sont venus délivrer, le 15 décembre à Bruxelles, plusieursreprésentants de la FGTB, de l’Orbem ou de CPAS. Leur problème ? La responsabilisation accrue du chômeur et du travailleur social depuis la mise en place des politiquesd’activation de l’emploi, ceci dans le cadre de l’État social actif (ESA), cet État très en vogue gardant sa vocation sociale traditionnelle mais demandant davantage d’effortsd’intégration au chômeur.
Des efforts qui sont davantage perçus aujourd’hui comme une culpabilisation du chômeur, via la contractualisation de l’aide sociale, « faisant de ce fait peser sur lui de plus en plus decontrôles et le traitant comme objet plutôt que sujet », expliquait Eddy Courtheoux, directeur de l’Orbem.
L’accompagnement personnel passe au second plan
Une évolution encore plus nette et visible selon eux dans « une ville qui se marchandise de plus en plus et place les services sociaux dans un système de concurrence ». Et ça nepasse pas du tout du côté de l’Orbem ou des syndicats, pas plus qu’auprès des CPAS : « Ils se retrouvent avec une somme de documents administratifs à remplir et statistiquesà encoder, au détriment de l’accompagnement personnel », renchérissait Claire Debouny, assistante sociale de CPAS, pointant elle-aussi un « vrai malaise des travailleurssociaux ».
Se justifier sur le nombre de chômeurs aidés, rendre des comptes sur les coûts d’accompagnement des sans-emploi, « parcelliser » les métiers de l’insertion plutôt quede les placer dans une logique globale… Les travailleurs sociaux n’en peuvent plus et ils l’ont fait savoir le 15 décembre, préparant par là même leur riposte.
Cette riposte ? « Des partenariats plus solides entre services publics de l’emploi et acteurs de terrain », repensant l’action sociale en concertation avec les bénéficiaireseux-mêmes, comme l’expliquait Gabriel Maissin, administrateur délégué de la Fédération bruxelloise des opérateurs d’insertion socioprofessionnelle(Febisp). Tout comme la Febisp, l’Orbem et les syndicats aimeraient par ailleurs voir se constituer un « organisme bruxellois unique regroupant les compétences Emploi » . Desrevendications encore peu concrètes mais qui reflètent, quoi qu’il en soit, « le sentiment accru de dépossession des missions d’insertion chez les travailleurs sociaux »,poursuivait encore Eddy Courtheoux.
En route vers la simplification administrative
Contestation, donc. Pourtant, si griefs il y a, Alexandre Lesiw, du SPP Intégration sociale était là lui-aussi le 15 décembre pour pointer les responsabilitésdes travailleurs sociaux eux-mêmes dans l’échec de certaines politiques d’insertion. S’il reconnaît qu’entre 2000 et 2006, une somme de statistiques et de données mensuellessur les chômeurs et les missions d’insertion ont bien été demandées aux différents organismes car « rien n’était à jour », ce temps est désormaisrévolu et « on ne peut plus nous accuser en 2007 de faire peser cette pression », poursuit le directeur, qui admet que « CPAS et autres organismes de l’emploi ont mal vécu ce tutorat ».
Alexandre Lesiw reconnaît également qu’en dix ans, « les CPAS ont eu une somme de nouvelles missions à gérer » comme le Fonds Mazout, les garanties locatives ou lamédiation de dettes et que cela s’est traduit par de nombreux formulaires administratifs mais « l’un de nos objectifs aujourd’hui est la simplification et on l’a fait savoir, notamment via lavolonté de mettre en place le dossier unique de remboursement ».
L’échec de la mesure « 500 euros » serait due au manque de collaboration des travailleurs sociaux
Et le problème n’est pas vraiment là pour Alexandre Lesiw, en ce qui concerne le malaise des travailleurs sociaux. Ce qui cloche ? Le fait que les pouvoirs publics auraient surtout,selon lui, décidé de décloisonner leur travail et de changer les habitudes des acteurs de l’insertion « ayant trop longtemps opté pour le vase clos ». Or, ils rechignenttoujours à le faire, selon le directeur. « On le voit à la mesure que nous avons lancée en 2004, dite des « 500 euros »1, qui est un échec deux ans plus tard. Etnous en sommes nulle part pour le moment. Cela peut s’expliquer par les difficultés qu’elle présente, peut-être, car elle fait intervenir plusieurs autoritéscompétentes, mais surtout par la psychologie des organismes d’insertion qui craignent trop souvent de travailler avec d’autres partenaires « . Et ont, dit Alexandre Lesiw, du mal às’adapter à d’autres méthodes.
Un problème de fond tout aussi dommageable pour le travail d’insertion, selon lui, qui se manifeste également avec la mesure dite « Article 60 » qui a permis aux CPAS d’embaucher desayants droit au sein de leur structure ou dans des asbl « mais n’a en rien réglé le problème de l’accès du chômeur au monde de l’entreprise ». Alexandre Lesiw conclut: « Or c’est quand même la réinsertion à long terme du chômeur qu’il faut viser. Et pas seulement sa réinsertion au sein du CPAS »
1. Cette mesure (appelée aussi « Dossier 500 € ») vise la mise en place de module de guidance et d’accompagnement pour des bénéficiaires des CPAS quis’engagent dans un processus de « recherche d’emploi ». Chaque plan s’inscrit dans un « partenariat-pont » impliquant, d’une part, le CPAS et,d’autre part, l’Orbem ou le Forem et/ou les partenaires agréés par l’Orbem ou le Forem. Cf. circulaire du 8 mars 2006 : le dossier est téléchargeable en ligne sur le site de l’Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale a.s.b.l.