Dans notre précédente édition, nous avions présenté les constats et les pratiques de onze AIS (agences immobilières sociales) en vue de convaincre lespropriétaires de réaliser des investissements efficients sur le plan énergétique au bénéfice du locataire. Cette fois, nous abordons le travail desensibilisation mené à l’égard des locataires de logements AIS. L’objectif est le même, réduire la consommation d’énergie mais les outils disponibles sont,ici, de moindre ampleur. On notera toutefois que la meilleure prévention passe par le propriétaire, parce qu’elle inclut implicitement la prévention avec le locataire.
Au sein des AIS, l’accompagnement social des locataires tient une place importante. Il s’agit d’assurer l’insertion des personnes par le logement. À cette fin, les AIS sont amenéesà développer une « pédagogie de l’habiter » qui prévoit, outre le paiement régulier du loyer, l’utilisation adéquate du logement– soit en « bon père de famille ». Avec la libéralisation du marché du gaz et de l’électricité et la hausse des coûts del’énergie, il s’avère de plus en plus nécessaire d’apprendre aux locataires AIS à gérer leur consommation d’énergie.
Plaintes et premières réponses
De plus en plus de locataires AIS se plaignent de la hausse de leur facture énergétique. Parfois, ils apportent leurs propres solutions à ce problème, même s’ils’agit de réponses à court terme et inadéquates. « Cette année, on a commencé à voir des locataires qui ont des problèmes avec leursfactures, commente Catherine Lassoie de l’AIS des Rivières à Saint-Ghislain1. Dans notre travail, on constate que de plus en plus de gens utilisent des petits chauffages aupétrole. On leur signale que c’est mauvais pour leur santé, surtout s’il y a des enfants en bas âge – pas seulement à cause du CO, mais aussi des toxiques que celadégage : les oxydes d’azote et l’anhydride sulfureux – ainsi que pour le bâtiment, à cause de la condensation. »
De son côté, Joël Schallenbergh de Gestion logement Namur2 constate que « tous les locataires se plaignent de la hausse de leur factureénergétique. Mais toute personne qui a des revenus limités a tendance à se plaindre : lors des régularisations de facture énergétique, les genspayent, mais ils discutent. Pour les factures de mazout, on a appris à provisionner mensuellement, parce que les locataires n’arrivent pas à prévoir suffisamment pour payer unecommande. Nous avons essayé de faire cela avec eux, mais ça n’a pas marché. On fait donc un travail social à l’inverse de la responsabilisation. »
À Saint-Ghislain aussi, l’AIS provisionne quand les gens se chauffent au mazout, tout comme l’AIS Logement gestion Dinant-Philippeville3, où Magali Collignon observequ’actuellement, suite au décompte annuel, les provisions sont revues à la hausse. Une solution consiste parfois à installer un poêle à bois, quand celas’avère possible. À Iris4, on distingue trois types de consommation énergétique. Isabelle Jennes, gestionnaire : « On ne peut pas avoir de vision dela consommation en ce qui concerne les compteurs électriques de ses locataires, parce qu’ils sont individuels. De même, on ne peut pas avoir de vision chez ceux qui ont un compteurà gaz à leur nom. En revanche, on peut agir auprès des locataires qui sont dans les logements équipés d’une chaudière commune, soit dans une bonne partie denotre parc locatif – constitué de grandes entités et de maisons unifamiliales subdivisées – et aussi pour les compteurs d’eau. »
Là où l’AIS ne peut pas contrôler la consommation énergétique, les locataires trouvent des solutions immédiates comme l’explique StéphaneGérard de l’AIS Nord Luxembourg5 : « Chez nous, les locataires ne se plaignent pas de leur facture énergétique, même si elle leur poseproblème. On s’en rend compte quand ils ne paient pas leur loyer. Il y a peu de cas mais quand on les contacte, ils nous l’expliquent. Ils savent qu’ils peuvent négocier avec nous etqu’ils ne peuvent pas avec leur fournisseur d’énergie. »
Dès lors, si les AIS veulent apprendre à leurs locataires à gérer leur consommation, elles doivent idéalement avoir accès à leurs compteurs. Et ce,même si la démarche s’inscrit, parfois, en porte-à-faux avec une responsabilisation des locataires.
Sensibiliser à la consommation
Une fois la plainte entendue, il faut tenter d’y apporter une réponse. Celle-ci peut-être ponctuelle ou faire l’objet d’un travail de sensibilisation plus soutenu. ÀLiège logement6, quand les locataires se plaignent de la hausse du coût de leurs factures de chauffage, une assistante sociale va les voir et leur conseille de diminuer lechauffage – notamment pendant la nuit – et de ne pas laisser les fenêtres ouvertes quand ils chauffent… « Mais il n’y a pas de sensibilisation URE (utilisation rationnelle del’énergie) délivrée par l’assistante sociale », signale Yves Konen. Le fait d’être une petite équipe n’arrange pas les choses. L’AIS de Jette7a adopté la même attitude, étant donné qu’ils sont en sous-effectif pour le moment. Chez Logicentre8, on sensibilise à certaines démarches mais onsignale aussi que, sur le terrain, on manque de moyens pour assurer l’accompagnement. « Il en faudrait davantage pour assurer le suivi des locataires qui prend du temps »,insiste Olivier Destrebecq (MR), président de l’AIS Logicentre et, depuis peu, échevin du Logement à La Louvière.
D’autres AIS conseillent leurs locataires quant à l’utilisation du chauffage et en fonction du type de chauffage. « Il arrive que certains propriétaires installent deschauffages électriques, explique Catherine Lassoie de l’AIS des Rivières. On suggère alors aux locataires d’être prudents par rapport à leurconsommation. » Chez Logement gestion Dinant-Philippeville, on procède de même : « On les informe sur comment se chauffer, explique Magali Collignon, gestionnairede l’AIS. Quand le décompte est exorbitant, on voit avec eux comment faire pour réduire leur consommation. » Et les réponses apportées par Iris sont similaires: « si l’on constate une surconsommation, on en parle à nos locataires. On peut travailler cela pour le chauffage et on leur donne des conseils (fermer les portes, etc.). On enparle également au service social avec lequel nous travaillons. »
Mais la hausse des factures de chauffage ne résulte pas forcément d’une surconsom
mation. Ainsi, à Namur, l’AIS mène un travail d’information auprès deslocataires sur la raison pour laquelle leur facture énergétique augmente. « On leur explique que ce n’est pas forcément lié à laconsommation », dit Joël Schallenbergh. Cela peut être tout simplement la conséquence de la hausse des coûts de l’énergie. Dans tous les cas, Gestionlogement Namur pratique la guidance sociale énergétique (GSE) : « On mène un travail sur les chaudières communes et les habitudes de vie de chacun. Commentsatisfaire tout le monde ? Par exemple, on décide de mettre la chaudière sur 20° C entre 8h et 21h et de diminuer entre 21h et 8h. Mais, pour le moment, on est dans unsystème curatif : on travaille surtout avec les gens qui ont des grosses factures. » Ce qui est également le cas ailleurs. Il faut que les gens puissent observer deschangements notables dans leur consommation pour que l’intervention de l’AIS soit efficace. La confiance joue aussi un rôle important. « Chez nous, la GSE est assurée par leservice social et par le technicien, qui ont été formés à la GSE par le CPAS, explique Stéphane Gérard de l’AIS Nord Luxembourg. On obtient desrésultats en fonction de la relation de confiance avec les locataires et de la réceptivité. Dire au locataire : « il ne faut pas mettre le fauteuil devant le radiateur » est unechose. Ensuite, soit il accepte soit il refuse. »
Basé à Anderlecht, Logement pour tous9 assure déjà depuis plusieurs années une sensibilisation à l’URE. L’AIS avait même collaboréavec Bruxelles-Environnement (ex-IBGE) dans ce cadre. Depuis, le travail de sensibilisation se poursuit et l’AIS continue à inciter ses locataires à surveiller leurs compteurs. ChezHabitat et rénovation10, c’est au travers d’un projet habitat santé (« Ma Casa. Bon vivre ») que la sensibilisation aux économiesd’énergie a pris corps. Le projet visait non seulement des locataires AIS mais aussi des locataires de logements sociaux ou privés.
Réflexions
Les problèmes de factures énergétiques des locataires AIS sont réels. Les réponses apportées sont souvent (toujours ?) curatives et ne touchent que despersonnes ayant de gros montants à payer. Amener les locataires à gérer leur consommation exige aussi un suivi régulier et du temps. Et il faut aussi prendre en comptel’efficience énergétique du logement, comme nous l’avons vu dans notre précédente édition.
Eric Damanet de Gestion logement Gembloux-Fosses11 résume très bien la situation : « En gros, pas mal de gens se plaignent de leur factureénergétique. Il y a plusieurs aspects liés à cela : le logement est intrinsèquement énergivore et les comportements du locataire sont intrinsèquementénergivores. Et pour couronner le tout, il est aussi difficile d’identifier ce qui est lié intrinsèquement au bâtiment ou au comportement du locataire. Par exemple, destâches d’humidité apparaissent d’un locataire à l’autre. Ou alors il y a des problèmes de ventilation. Pour en venir à bout, il faut aérer. Mais il faut aussichauffer pour sécher. Trop souvent, on oublie qu’une partie de la chaleur produite sert à évacuer l’humidité inhérente à un bâtiment. Or, cela peutévoluer avec le temps : si le bâtiment est plus hermétique, il sera plus difficile d’évacuer l’humidité. Les vieux bâtiments sont aussi parfois malconçus, ils vieillissent mal et le développement d’annexes est peu réfléchi, ce qui entraîne des problèmes de chauffage. Enfin, l’URE demande aussi unecertaine rigueur qu’il est difficile d’exiger de la part de nos locataires qui, pour une bonne moitié, sont précarisés sur le plan financier, culturel… On ne peut pasrefaire toute l’éducation de quelqu’un à travers l’usage d’un logement. » Sur ce dernier point, il est rejoint par le président de l’AIS Logicentre, qui souligneégalement cette difficulté « d’éduquer » les locataires.
Pour Yves Konen de Liège logement, un début de solution serait peut-être de « donner une formation URE aux assistantes sociales pour qu’elles puissent faire oeuvreutile chez les locataires et que ces derniers jouent le jeu. »
Quoi qu’il en soit, la problématique ne laisse pas les AIS indifférentes. Et ce d’autant plus que cela s’inscrit dans leur mission d’accompagnement des locataires. JoëlSchallenbergh rappelle toutefois que « la prévention est à faire tant avec le propriétaire que le locataire » et que « la prévention avec lepropriétaire inclut implicitement la prévention avec le locataire. Dans le dialogue avec le propriétaire, l’AIS se substitue en fait au locataire pour faire valoir ses arguments.»
1. AIS des Rivières :
– adresse : Cité des Aubépines, 5 à 7330 Saint-Ghislain
– tél. : 065 61 19 07
– courriel : info@aisdesrivieres.be
2. Gestion logement Namur :
– adresse : rue Saint Nicolas, 71 à 5000 Namur
– tél. : 081 22 59 66
– courriel : gestionlogementnamur@skynet.be
3. AIS Logement gestion Dinant-Philippeville :
– adresse : rue Edouard Dupont, 8 à 5500 Dinant
– tél. : 082 22 64 94
– courriel : aislogdphi@skynet.be
4. Iris :
– adresse : rue du Vieux Marché aux Grains, 20/10 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 514 18 49
– courriel : asbliris@freegates.be
5. AIS Nord Luxembourg :
– adresse : chaussée de Rochefort, 90 à 6900 Marloie
– tél. : 0497 13 98 51
– courriel : ais-nordlux@skynet.be
6. AIS Liège Logement :
– adresse : rue Velbruck, 4 à 4000 Liège
– tél. : 04 250 50 78
– courriel : liegelogement@skynet.be
7. AIS de Jette, résidence Esseghem II :
– adresse : rue Jules Lahaye, 288 à 1090 Bruxelles
– tél. : 02 421 70 90
– courriel : info@ais-jette.be
8. Logicentre :
– adresse : rue Kéramis, 26 à 7100 La Louvière
– tél. : 064 27 80 22
– courriel : logicentre@lalouviere.be
9. Logement pour Tous :
– adresse : rue du Chimiste, 34-36 bte 10 à 1070 Bruxelles
– tél. : 02 524 54 30
– courriel : lpt.izw@misc.irisnet.be
10. Habitat et r&ea
cute;novation (AIS) :
– adresse : rue Sans-Souci, 110 A à 1050 Ixelles
– tél. : 02 639 60 16
– courriel : ais.hr@misc.irisnet.be
11. Gestion logement Gembloux-Fosses :
– adresse : rue Victor Lagneaux, 40/1 à 5060 Tamines
– tél. : 071 74 33 74
– courriel : aisglgf@perso.be