Le « Projet genre » est le premier-né des amours complexes d’une dizaine d’AMO bruxelloises réunies en Plate-forme. Une mallette pédagogique àdestination des secteurs éducatif et associatif pour aborder le sexisme chez les jeunes est désormais disponible.
Fin 2004, dans la foulée des programmes de prévention générale dans le secteur de l’aide à la jeunesse1, quelques AMO (associations d’aide enmilieu ouvert) étudient l’opportunité de réunir leurs forces et d’approfondir leur réflexion au sein d’un organe commun. L’idée estd’abord de faire connaître et de valoriser les spécificités d’un secteur qui se sent parfois incompris, pour ne pas dire mal aimé. Ensuite, il s’agit demieux cerner les demandes du public afin d’y apporter des réponses adéquates. Enfin, l’objectif ultime est de parvenir à développer des actions et des projetscommuns. Ce qui pourrait sembler une idée de bon sens, à première vue, n’est pas si simple à mettre en œuvre. Si la méthodologie et ladéontologie sont communes, chaque association a son histoire propre, ses spécificités, ses priorités, son public. Au fil des ans, et même s’il n’y aaucune volonté d’uniformisation, certaines AMO se sont spécialisées auprès de publics en décrochage, d’autres, auprès de primo-arrivants ou dejeunes en conflits familiaux, d’autres encore ont accentué leur démarche auprès des jeunes filles. Les AMO ont chacune, peu ou prou, développé un «créneau », des méthodes et des projets particuliers. « Il existe autant de priorités que d’AMO », confie un animateur. D’où ladifficulté de sortir du débat sur l’intérêt de développer telle approche plutôt qu’une autre, pour se lancer concrètement dans une actioncommune…
Finalement, la Plate-forme bruxelloise sera créée par une dizaine d’AMO, début 2005. Au cours des discussions collectives, la question du genre émerge : elle serale cœur du premier projet transversal des équipes. Toutes ont été, un jour ou l’autre, confrontées à des problématiques de « sexismeordinaire chez les jeunes » : stéréotypes éducatifs dès le plus jeune âge, consommation précoce d’images pornographiques, jusqu’auxviolences sexuelles entre jeunes, il y a, sans conteste, matière à prévention. Et celle-ci concerne aussi bien les filles que les garçons. « Un gamin m’a unjour dit qu’il ne se marierait jamais parce qu’il n’aurait jamais les moyens d’entretenir une femme », raconte un animateur. Une adolescente avoue, pour sa part,utiliser les films pornographiques comme manuel d’apprentissage sexuel… Sur la base de ces témoignages ou des expériences de terrain, chaque AMO a doncdéveloppé son propre projet avant de le présenter au CAAJ2 sous le label commun de « Projet genre ».
La mallette pédagogique
L’aboutissement du projet vient de se concrétiser sous forme d’une mallette pédagogique intelligemment remplie – une brochure, des vidéos, un CD audiod’interviews de jeunes, des fiches d’animations, des jeux et un répertoire des ressources. Actuellement, les différents outils pédagogiques ont ététestés auprès des jeunes ou dans les écoles par les AMO, mais pas encore de manière uniformisée : la mallette sera officiellement présentée auxsecteurs intéressés le 19 septembre lors de la 2e journée de l’Aide à la jeunesse3 et du 15 au 19 octobre au Salon de l’éducationà Namur4. Signalons aussi que les deux films de la mallette seront diffusés lors d’une matinée thématique « Vidéo, genre et identité», le 30 septembre à Bruxelles5.
Actuellement, il existe deux cents exemplaires de cette mallette. Le projet devrait logiquement intéresser les écoles, les associations en relation avec les jeunes et lesbibliothèques. « J’ai testé les jeux avec les jeunes et ça donne de bons résultats. L’intérêt de ceux-ci, c’est qu’ilsn’enferment pas : ce sont des outils de réflexion et d’incitation au dialogue. Il ne s’agit pas de faire la morale aux jeunes ou de leur donner du prêt-à-penser.En fonction de l’animation, on peut vraiment pousser la démarche de réflexion très loin », explique Soufiane, animateur à l’AMO saint-gilloiseItinéraires. Au rayon animation, justement, une journée de présentation et de formation est programmée le 3 octobre6 à destination des travailleurs AMOqui souhaiteraient se familiariser avec l’outil. Son intérêt devrait achever de convaincre les plus sceptiques quant à l’opportunité de réunir les forceset les idées autour d’actions communes.
Poursuivre les échanges malgré les turbulences
En 2006-2007, le CAAJ de Bruxelles entre dans une période de turbulences avant de laisser place à un nouveau CAAJ. Dans l’intervalle, la prévention générale,telle qu’originellement conçue par l’ancienne ministre de l’Aide à la jeunesse, Nicole Maréchal (Écolo), est complètement repensée et lesbudgets répartis différemment. Or ces budgets avaient servi, entre autres, à engager le coordinateur de la Plate-forme et à construire une méthode de dialogue entreles différentes associations. Quoi qu’il en soit, la Plate-forme a survécu à la tempête. Actuellement, les AMO membres assument à tour de rôle lacoordination et continuent à se rencontrer.
Le développement de projets n’a donc jamais cessé et les associations travaillent sur plusieurs fronts en même temps : la création d’un outil statistiquepour déterminer quelles sont les demandes et quelles sont leurs prévalences ; le développement d’un « kit infos» répertoriant les outilsd’informations disponibles pour répondre aux demandes des jeunes de manière optimale ; et un outil informatique destiné à rendre la gestion des dossiers plusefficace. L’outil statistique a permis d’élaborer un rapport de recherche exhaustif sur les publics, les demandes, la représentativité des thématiques enfonction de l’âge des jeunes, etc. En bref, de dresser une cartographie assez précise du public des AMO et partant, d’éclairer d’un jour nouveau le travaileffectué par les associations. Elles ont également démontré la pertinence de concevoir le fameux « Kit infos » qui sera
mis en chantier dans lafoulée. Quelles sont les AMO parties prenantes de ces différents projets ? « Les engagements sont variables. Certaines AMO participent à tous les chantiers, d’autress’engagent dans un projet en particulier. Certaines AMO sont membres de la Plate-forme sans s’engager dans un projet et inversement », explique le sociologue Bastian Petter,animateur à AtMOsphères7 et auteur du rapport de recherche. Notre objectif, c’est de collaborer, de dépasser les clivages. D’en finir avec les logiques deconcurrence pour aller vers une logique de complémentarité. C’est pourquoi la Plate-forme est une structure évolutive et ouverte. Je crois qu’elle a montréqu’il y avait moyen de s’unir tout en respectant les spécificités et compétences de chacun. »
1. Les Programmes de prévention générale dans le secteur de l’Aide à la jeunesse ont été mis en œuvre par l’arrêté du 15juin 2004 de la Communauté française.
2. Le Conseil d’arrondissement de l’Aide à la jeunesse.
3. Journées d’automne de l’Aide à la jeunesse, les 18 et 19 septembre à Namur – renseignements et inscriptions : www.aidealajeunesse.cfwb.be
4. 15e Salon de l’éducation à Namur :
– renseignements sur www.saloneducation.be
5. « Vidéo, genre & identité » :
• Date : mardi 30 septembre 2008 de 9h à 14h
• Lieu : Théâtre « Le Molière », Galerie de la Porte de Namur, square du Bastion, 3 à 1050 Bruxelles
• Organisation : Fédération laïque des centres de planning familial, Centre vidéo de Bruxelles, Vidéo éducation permanente, Groupe santé Josaphatet Plate-forme des AMO
• Info et inscription : 02 502 82 03 – site : www.planningfamilial.net
6. Journée de présentation des outils à destination des professionnels et ateliers pratiques, suivis d’un débat de clôture • info et inscription :
– « TCC Accueil », rue Saint Guidon, 19 à 1070 Anderlecht – tél. : 02 521 18 30 ou
– « Atouts jeunes », chaussée de Gand, 431 à 1080 Molenbeek.
7. AtMOsphères AMO :
– adresse : place de la Reine, 35 à 1030 Bruxelles
– tél./fax : 02 218 87 88
– site : www.atmospheres-amo.be