Dans le domaine de la santé mentale, les réflexions constructives sur l’importance de l’outil audiovisuel n’en finissent pas de se développer. Martine Lombaers, à travers un engagement intellectuel et thérapeutique, anime des ateliers d’écriture et de vidéo au Code, le centre de réadaptation fonctionnelle de l’asbl L’Equipe1. Elle a également initié le projet Psymages, axé sur la création par l’image et le son, dans le milieu francophone de la psychiatrie.
Il y a dans son regard, une étincelle constante, celle propre aux gens qui se savent à leur place. Martine Lombaers est arrivée dans le milieu de la santé mentale par hasard, portée par son amour des mots et de l’image. « En tant que scénariste, j’ai commencé à travailler avec ces gens en grande souffrance psychique, le Code privilégiant l’expression via des artistes professionnels, metteur en scène, sculpteur, céramiste, plasticien, aux côtés du personnel soignant. En montrant les réalisations de ces personnes fragilisées, en les aidant à sortir de leur milieu fermé, il y a le désir de casser cette image du fou dangereux avec un entonnoir sur la tête ! Au départ, les petits films réalisés n’étaient montrés qu’en France, dans le circuit des festivals spécialisés. Il n’existait donc rien à ce niveau-là en Belgique. L’idée de créer le festival “Images mentales” est née de ce constat, avec cette année, une quatrième édition qui a connu un succès considérable. Il faut savoir qu’il y a de plus en plus d’ateliers vidéo dans les institutions psychiatriques belges et c’est enthousiasmant de voir la profusion de films diffusés en une journée lors de ce festival. Sans compter la fierté des patients et des équipes. »
« Il y a des patients que je connais depuis plus de vingt ans »
Ce qui interpelle par-dessus tout dans le travail que fournit au quotidien Martine Lombaers, c’est le contact humain et la diversité des projets. « Le langage cinéma nous permet d’aller toujours plus loin. Au début, la fiction était le vecteur principal car plus rassurant. Nous n’osions pas aborder frontalement la question de la folie. Avec le temps, nous avons appris à mettre en scène la souffrance sans tomber dans le voyeurisme. Je garde le souvenir d’un film intitulé [i]La triste vie d’un mal bouffeur[/i], réalisé il y a trois ans avec un monsieur qui allait vraiment très mal. Nous avons vécu une grande expérience, il est décédé peu après, mais nous savons qu’il était très fier de ce film. Il est mort en paix car il a pu “déposer” une œuvre, son témoignage. Il y a deux types d’atelier, individuel et en groupe. Et dans les ateliers de groupe, il nous arrive souvent de rire énormément. Nous travaillons actuellement sur le thème de la normalité, c’est vous dire si leur parole, mise en forme et en images, nous pousse autant à la réflexion qu’à l’humour. »
Ces ateliers d’expression n’ont pas de fonction thérapeutique mais d’ouverture et de reconnaissance. Pour les ateliers d’écriture, la notion d’évolution et de partage est plus significative. « Ils sont ouverts à tous les patients, à ceux qui ont envie d’écrire tout un texte comme à ceux qui n’écriront que deux lignes. Par la pratique, je vois un plaisir de l’écriture se développer chez certains. Et à la fin de chaque séance, il y a ce moment de partage très important qui est la lecture des textes avec la possibilité pour chacun d’apporter un commentaire. En vidéo, c’est un travail sur la longueur, pendant plusieurs mois, avec l’objectif de réaliser un produit, en l’occurrence un film. Il y a des patients qui participent aux deux types d’atelier. »
Peu importe la forme (texte, fiction, docu, film d’animation…), chaque mode d’expression permet aux patients comme aux équipes d’encadrement de casser les clichés, de développer les échanges entre différentes institutions et de pousser toujours plus loin la réflexion quant à la folie. « L’actualité nous a confrontés récemment à des actes de violence extrême commis par des “fous furieux”. Nous refusons cette dérive médiatique et les amalgames, pour proposer autre chose. »
http://www.psymages.be
1. [b]L’Equipe[/b] :
– adresse : rue de Veeweyde, 60 à 1070 Anderlecht
– tél. : 02 523 50 36