Quelle est la place du droit au logement dans les textes juridiques ? Comment le faire appliquer ? Telles étaient les questions placées au centre d’un colloque organisé ce 19octobre au Sénat et réunissant bon nombre d’avocats.
« La consécration du droit au logement par des textes internationaux ne suffit pas à garantir l’accès au logement », a souligné le constitutionnalisteFrancis Delpérée, en ouverture du colloque international organisé par l’Institut international des droits de l’homme des avocats européens et l’Institut des droits del’homme du barreau de Bruxelles1. Dès lors, la concrétisation du droit au logement s’impose comme enjeu majeur des pouvoirs publics.
Pour Bertrand Favreau, président de l’Institut international des droits de l’homme des avocats européens, « le droit au logement est un droit « mou » qui ne donne pasd’obligations positives aux États membres ». Il rappelle que le droit au logement est né en 1948 à travers la Déclaration universelle des droits de l’homme. Et deremarquer que « par opposition aux textes de l’Union européenne, les textes internationaux ont été les premiers à préciser qu’il n’y avait pas de jouissanceeffective des droits de l’homme sans un respect d’autres droits : le droit à la santé, le droit à la vie, le droit à l’eau ou encore le droit au logement ». Ilconstate que « étrangement, le droit au logement est proclamé, invoqué, reproclamé, mais qu’il n’a, à ce jour, toujours pas de réalité ».Néanmoins, il reste persuadé que, bientôt, le droit au logement sera un droit effectif dans les pays de l’Union européenne.
Droit au logement ou à la dignité humaine?
D’autres orateurs ont insisté sur le rôle des juges dans la concrétisation du droit au logement. En effet, le droit au logement ne peut être invoqué en justice, sil’on s’en tient à la Constitution. En revanche, le droit à la dignité humaine peut l’être. Et il semble que c’est sur ce dernier que nombre de juges se basent pour faireappliquer le droit au logement. C’est souvent le cas dans le cadre d’expulsions.
Nicolas Bernard, professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis, note que « ces dernières années, de nombreux plaideurs ont demandé et obtenu du juge qu’ilsursoie à autoriser l’expulsion, au nom essentiellement du droit au logement inséré en 1993 dans la Constitution ». Et de citer quelques exemples :
• refus d’une demande d’expulsion faisant suite à un arrêté d’insalubrité, aucune solution alternative en matière de relogement n’ayant étéproposée par l’autorité publique (Tribunal civil de Namur, 11 mai 1994) ;
• refus d’une demande d’indemnités pour prorogation illégale de bail, au motif que « l’exercice du droit de propriété doit être limité, eu égardaux considérations d’humanité et de respect de la dignité de la personne humaine ». En l’espèce, il s’agissait pour une vieille dame de déménager en pleinhiver (Justice de Paix d’Ixelles, 6 mars 1995);
• obligation faite au bourgmestre, bien que ce ne soit pas expressément prévu par la loi, d’entendre les habitants d’un immeuble avant d’adopter un arrêté desuroccupation (laquelle implique une évacuation des lieux) (Justice de Paix de Charleroi, 13 juillet 1998);
• refus opposé à une demande d’expulsion (pour occupation sans titre ni droit de locaux appartenant à un CPAS) en l’absence d’une solution alternative de relogement(proposée par ledit CPAS) (Tribunal civil de Bruxelles, 19 juin 2002).
Précisons qu’il ne s’agit que d’un échantillon puisé dans l’ensemble, constitué de nombreux exemples.
Le relogement, éternel problème
Comme on peut le constater, les divers exemples évoqués soulèvent la question du relogement par les pouvoirs publics. Et c’est là que le bât blesse. Les pouvoirspublics doivent veiller à ce que les personnes vivent dans des logements décents, ils doivent donc évacuer les logements inhabitables. Mais, dans le même temps, lescommunes ont le devoir d’assurer le relogement des personnes. Selon Nicolas Bernard, cela expliquerait les réticences manifestées par certaines communes à prononcer desarrêtés d’inhabitabilité. Tout simplement parce qu’il n’y a pas de solution de relogement. Il note encore que bon nombre d’expulsions se résolvent d’elles-mêmes etque la meilleure solution reste la médiation.
1. Institut des droits de l’homme du barreau de Bruxelles c/o Frédéric Krenc :
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