Les circuits courts ont la cote au nord du pays. Les Flamands se rendent de plus en plus à la ferme pour y acheter directement leurs légumes. Les agriculteurs reçoivent un prix correct et les consommateurs, des produits frais et locaux. Tout le monde y gagne!
Imaginez-vous dans le rayon fruits et légumes d’un supermarché. Vous décidez d’acheter un kilo de pommes et prenez les premières que vous voyez. Après être passé à la caisse, vous regardez l’emballage et voyez qu’il est écrit: «Pays d’origine: Chili». Ces pommes ont parcouru des dizaines de milliers de kilomètres alors qu’un fermier en vend à deux pas de chez vous.
Un secteur en croissance (surtout en Flandre)
En 2015, le Belge achetait en moyenne neuf fois par an des produits à la ferme ou aux marchés fermiers pour un montant total de 116 euros, révèle une étude du groupe GfK (Gesellschaft für Konsumforschung, «société pour la recherche sur la consommation»). Cela représente une hausse de 0,5% par rapport à l’année précédente. Cette augmentation est due entièrement à la filière des fermes (+1,5%) alors que les marchés fermiers ont connu une chute de 6,5%.
La vente en filière directe représentait plus de 92 millions d’euros, dont 82 millions dans les fermes. Septante pour cent des ventes ont eu lieu en Flandre. Dans le nord du pays, le circuit court ne cesse de gagner du terrain: +2,6% en un an. En Wallonie, seulement 1 habitant sur 10 va acheter des produits dans les circuits courts.
Le manque de collaboration entre agriculteurs de Flandre et de Wallonie est d’ailleurs criant. «Nous avons très peu de contacts, bien que nous soyons allés quelques fois sur place, explique Tom Troonbeeckx, initiateur de la ferme Open Veld près de Louvain. Même s’ils sont rares, des échanges existent: les étudiants de la formation wallonne pour le pôle bio, le ‘CRABE’ viennent chaque année nous rendre visite.»
Que des avantages
La principale clientèle des fermes est constituée de pensionnés. Avec les familles aisées, ils forment 60% du chiffre d’affaires. On y achète aussi plus souvent des produits biologiques que dans les autres chaînes d’approvisionnement: 18% des dépenses sont consacrées au bio contre 2 à 3% sur l’ensemble du marché alimentaire.
Les avantages des circuits courts sont multiples. Tout se passe au niveau local, il n’y a donc pas d’intermédiaires et les répercussions pour l’environnement liées au transport sont moindres. Les agriculteurs peuvent aussi déterminer eux-mêmes le prix de vente et les consommateurs se rendent compte de la manière dont sont cultivés les produits.
Pour Tom Troonbeeckx, il s’agit d’un marché où tout le monde sort gagnant: «L’agriculteur reçoit un meilleur prix, connaît ses clients et sensibilise les personnes des environs. De leur côté, les consommateurs ont des produits frais, connaissent l’agriculteur et ont le contrôle de leur chaîne alimentaire.»
Pas qu’une seule manière de faire
Dans le nord du pays, de nombreuses associations organisent des circuits courts. Elles peuvent prendre de multiples formes: que ce soit un panier hebdomadaire, un abonnement ou un accès aux champs pour aller cueillir soi-même les légumes (cf. ci-dessous l’encadré «Les options sont légion»).
Sur le site rechtvanbijdeboer.be, financé par le ministère flamand de l’Agriculture (VLAM), on peut retrouver une bonne partie des initiatives dans sa région. «Chaque producteur qui veut figurer sur le site peut s’y inscrire gratuitement. Pour le moment, environ 800 producteurs du circuit court se sont inscrits sur un total probable de 1.700», assure Sara De Preter, collaboratrice au sein de l’unité «Circuit court» au VLAM.
La ferme «Open Veld» dans la région de Louvain figure également sur le site. Open Veld est la première ferme en Flandre à avoir lancé le principe d’«agriculture soutenue par la communauté» («CSA»). Les consommateurs paient un forfait annuel entre 210 et 290 €. Du coup, les agriculteurs sont sûrs d’avoir des revenus fixes et peuvent voir l’avenir plus sereinement. Tom Troonbeeckx, l’initiateur du projet, revient sur les origines: «J’ai découvert ce concept aux Pays-Bas où il existait depuis longtemps et je l’ai importé en 2007. Depuis, 40 entreprises ont passé le pas. Au total, on compte actuellement un peu plus de 6.000 consommateurs.»
En échange de leur contribution forfaitaire, les consommateurs du «Open Veld» ne reçoivent, non pas des paniers de légumes, mais le droit d’aller cueillir eux-mêmes les fruits et légumes dont ils ont besoin. Mais Tom Troonbeeckx met en garde: le but est de les manger frais et de ne pas les congeler. Les légumes sont destinés à leur propre consommation ou à celle de leur famille. Il se réjouit du succès: «Cela fait des années que nous sommes complets, nous avons déjà doublé la surface d’exploitation.»
Avenir
Selon le Centre d’information sur l’agriculture (VILT), en mai 2015, on comptait 7.140 d’abonnés aux paniers légumes, 5.672 membres du CSA, 3.130 membres des voedselteams et 12.719 utilisateurs de Buren & Boeren (cf. encadré «Les options sont légion»). Depuis, les chiffres ont encore augmenté. Tom Troonbeeckx trouve que le secteur se porte bien, mais ne cède pas à l’euphorie: «Nous sommes très positifs sur la manière dont ça fonctionne: de plus en plus d’entreprises se créent, de plus en plus de consommateurs les rejoignent. Mais je pense qu’il y a encore de nombreux points à améliorer. Par exemple, certaines fermes à la campagne ont dû arrêter leurs activités, car elles ne trouvaient pas suffisamment de consommateurs.»
Dans la législation flamande, pas de trace de mesures spécifiques aux circuits courts. «C’est très difficile de définir un produit de ferme, il y a toujours des produits qui vont passer à la trappe. C’est tellement divers qu’il est difficile d’établir une définition», justifie Sara De Preter.
Avec la crise agricole, de plus en plus d’agriculteurs se tournent vers le circuit court pour la totalité ou une partie de leur production. Tom Troonbeeckx confirme: «Nous recevons également des demandes de la part d’agriculteurs traditionnels qui risquent la faillite et viennent en observation chez nous.» Le défi est de trouver des agriculteurs opportunistes qui voient dans le CSA une perspective économique plus qu’une structure porteuse de valeurs. «Les consommateurs sentent rapidement s’il s’agit d’une stratégie marketing ou d’un engagement social/écologique.»
Les options sont légion
Les magasins à la ferme («hoevewinkels») représentent près de 90% des ventes dans le secteur du circuit court et les marchés fermiers («boerenmarkten») les 10% restants. Voici une liste de projets en Flandre:
Voedselteams: c’est l’équivalent des groupes d’achats communs. Un groupe de personnes du quartier décident d’acheter ensemble des produits à un agriculteur. Ils peuvent commander en ligne et ils sont livrés dans un point de collecte. Tout est coordonné par les personnes du quartier.
Buurderij: les consommateurs commandent en ligne et, une fois par semaine, on organise un marché fermier où les consommateurs peuvent aller chercher leur commande. Au contraire des voedselteams, vous avez le contact avec l’agriculteur. En Flandre, l’initiative Buren & Boeren en fait partie. En Wallonie, on connaît par exemple «La Ruche qui dit oui».
Abonnements de légumes: vous payez X € et vous recevez chaque semaine un paquet de légumes (surtout bio).
Agriculture urbaine: un certain nombre de villes (Gand, Louvain) créent des espaces pour des initiatives autour des associations alimentaires.