Les CPAS sont-ils trop intrusifs dans leurs enquêtes sociales? Un rapport de l’inspection du SPP Intégration sociale a mis récemment le CPAS de Namur sur la sellette pour ses contrôles jugés trop inquisiteurs. Son président, Philippe Defeyt, parle d’injonctions paradoxales de la part du SPP et du gouvernement fédéral. Il n’est pas le seul. Mais des questions demeurent sur la manière d’agir de la part de certains CPAS.
Quelle appréciation le service Inspection du SPP Intégration sociale donne-t-il du CPAS de votre commune? C’est simple. Il suffit de consulter le site du SPP, tout est publié centre par centre. Certains font du «CPAS bashing», estime Jacques Taymans, président de la Fédération wallonne des assistants sociaux des CPAS (Fewasc), et épluchent les rapports pour épingler des CPAS bien précis. Le CPAS de Namur en a fait les frais au cours de ce mois de mars. Il n’empêche. Le rapport de l’inspection parle de visites à domicile «parfois intrusives» et surtout dénonce l’obligation pour la personne contrôlée de produire l’ensemble de ses extraits de compte bancaires pour avoir éventuellement droit au RIS. «Exiger la production systématique des trois derniers mois d’extraits de compte complets constitue une ingérence dans la vie privée de l’usager qui n’est pas acceptable», dit le rapport. Philippe Defeyt en a pris bonne note. Les assistants sociaux de Namur ne les demanderont plus mais il s’interroge tout de même sur la manière de contrôler désormais «toutes les ressources» d’un éventuel bénéficiaire du RIS, comme l’exige le SPP Intégration sociale.
«L’enquête sociale des CPAS a pour objectif de cerner les besoins de la personne, explique Julien Van Geerstom, président du SPP. On n’est pas dans un objectif de lutte contre la fraude sociale. Pour cela, d’autres moyens existent via la banque Carrefour. Quand le CPAS a fait son enquête pour examiner si une personne a droit au RIS, nous faisons un second contrôle où nous pouvons vérifier si la personne n’a pas d’autres revenus. Si c’est le cas, nous le signalons alors au CPAS.» Pour Julien Van Geerstom, on ne peut pas conclure, comme le font certaines associations de défense des allocataires sociaux, que les CPAS sont dans leur ensemble devenus plus intrusifs et répressifs. Mais, ajoute-t-il, lors des visites à domicile, certains vont trop loin et il s’agit alors d’une intrusion dans la vie privée. Les rapports servent à cela: «Vérifier que les CPAS respectent la loi.»
Excès de zèle ?
«Il y a des rapports d’inspection sociale qui reprochent au CPAS ce qu’eux-mêmes ont exigé», constate Jacques Taymans, qui est également chef du service social du CPAS de Braine-le-Château. Mais je perçois tout de même une sorte de ‘retrait’ de la part du SPP par rapport aux visites à domicile. Ce n’est pas le message qui avait été donné jusqu’ici. Quant à la question des extraits de compte, c’est effectivement rajouter une condition à la loi sur le RIS si on les exige au préalable. Pour faire une enquête sur les revenus, on a certes besoin de vérifier et on ne peut souvent pas le faire sans demander les extraits de compte. Comment voir en effet si une personne bénéficie de dons? Mais attention de ne pas en profiter pour juger la manière dont les gens dépensent leur revenu. Cela ne regarde pas le travailleur social.»
Pour Michèle, c’est bien là le problème: l’esprit dans lequel se fait la vérification des revenus. Le travailleur social est-il dans une logique de lutte contre la fraude? De conditionner l’octroi du RIS à un mode de vie déterminé par l’AS? «Certains assistants sociaux vont poser des questions sur toutes les dépenses de la personne: pourquoi fait-elle ses courses chez Deli Traiteur plutôt que chez Aldi? Est-ce cela notre mission? D’écrire ce genre de remarques dans un rapport social?» Et Daniel Hanquet de conclure: «L’assistant social doit agir avec discernement. Il n’est pas obligé de tout dire au Comité de l’aide sociale. Il a un rôle d’instructeur mais aussi d’avocat.»
Alter Echos n°421, «Avis de tempête sur le travail social», Martine Vandemeulebroucke, avril 2016
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