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Administrations

Les débats se tendent autour de la DG Personnes handicapées

La situation au sein de la DG Personnes handicapées ne s’arrange pas. Toujours aussi peu joignable par téléphone, l’administration traîne également la patte dans le traitement des dossiers introduits par les personnes porteuses de handicaps. Le débat s’envenime.

Copyright Philippe Leroyer

La situation au sein de la DG Personnes handicapées ne s’arrange pas. Toujours aussi peu joignable par téléphone, l’administration traîne également la patte dans le traitement des dossiers introduits par les personnes porteuses de handicaps. Le débat se tend.

Vu que la situation ne s’améliore pas, on cherche des responsables. Publiée par 22 professeurs d’université dans les pages des quotidiens Le Soir et De Standaard le 7 janvier, une lettre ouverte intitulée «La ‘Vierge noire’ toujours aux abonnés absents» a remis le dossier de celle qu’on appelle aussi la «DG Personnes handicapées» sur le devant de la scène. Quasi injoignable par téléphone, cette administration accuse aussi de gros retards dans le traitement des dossiers déposés par les personnes handicapées.

Il y a un an (voir Alter Échos n°456-457 du 19 décembre 2017: «Allô la DG Personnes handicapées? Pourquoi tu tousses?»), l’origine de ce dysfonctionnement semblait d’ordre matériel: nouveau logiciel interne catastrophique, diminution du nombre de travailleurs, nouvelle organisation interne… Aujourd’hui, alors que certains aménagements ont été effectués – retour sur l’ancien programme informatique, engagement de personnel –, les problèmes perdurent. Dès lors, on commence à chercher l’homme, à discuter sur les chiffres.

La guerre des chiffres

Comme dans toute bonne polémique, c’est d’abord sur les chiffres que l’on s’affronte. Quelques constats semblent néanmoins partagés par tout le monde. Estimé à 177.688 en octobre 2017, le nombre de dossiers en attente – concernant des demandes d’allocation, mais aussi de cartes de stationnement, etc. – serait aujourd’hui passé à 125.000. Un bon point, mais qui a son revers de la médaille: l’accessibilité par téléphone de la DG s’est dégradée. Auparavant joignable cinq jours semaine de 8 h 30 à 12 h 30, l’administration a depuis «fermé» le mercredi. Pire: comme il y a un an, le téléphone sonnerait trop souvent occupé, même lors des jours supposés «ouverts». «Notre capacité à répondre au téléphone ne s’est pas améliorée», admet André Gubbels, le directeur de la DG. D’après lui, la DG a dû faire des choix. En manque de personnel, elle aurait donc décidé de se centrer sur le traitement des dossiers plutôt que sur l’accessibilité par téléphone…

Mais pour le reste, on peine à s’y retrouver. Des chiffres, souvent difficiles à vérifier, circulent dans tous les sens. «Pour le nombre de dossiers en attente, on parle parfois de 170.000, puis j’entends 125.000, se désole Gisèle Marlière, présidente du Conseil supérieur national des personnes handicapées (CSNPH). Idem pour les dossiers de plus d’un an où on évoque un chiffre de 23.000 – NDLR: un document interne à la DG que nous avons pu nous procurer évoque le chiffre de 19.905… –, mais sans que l’on puisse vérifier. Où est la vérité?» Détail cocasse, qui illustre cette situation: dans un avis daté de février 2018, le Conseil évoque un délai de traitement des dossiers «qui varie entre une et deux années». Une affirmation reprise par les 22 professeurs dans leur lettre ouverte… et qui fait bondir André Gubbels. «C’est faux», souligne-t-il en évoquant des délais de 1,6 mois pour Bruges ou 8,7 mois pour Mons. Avant de renvoyer vers le site de la DG qui mentionne onze mois pour le Hainaut et trois mois pour la Flandre occidentale en ce qui concerne les demandes d’allocation de remplacement.

«Si tous les travailleurs répondaient au téléphone pendant les heures qu’ils ne prestent pas, cela irait mieux.» Didier Coeurnelle, fonctionnaire de l’information.

À qui la faute?

Malgré ces polémiques, il reste un constat partagé: quelque chose cloche au sein de la DG. Mais quoi? Et qui croire? Il y a tout d’abord Didier Cœurnelle, fonctionnaire d’information. C’est par lui que les premières alertes sur l’état de la DG ont fait surface il y a quelques années. C’est lui aussi qui a mis la puce à l’oreille de Daniel Dumont, professeur de droit social à l’ULB, qui a rédigé la lettre «des 22». Aujourd’hui, Didier Cœurnelle serait, selon ses propres propos, «regardé de travers» par certains travailleurs de la DG. Il faut dire que l’homme n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, «suite à tout ce qui a été fait par l’autorité – NDLR: Nouveau programme informatique, réorganisation… – et qui décourage les travailleurs, il faut bien avouer que, ‘à la grosse louche’, 50% des employés de la DG travaillent ce qu’ils devraient, les autres pas. Si tous les travailleurs répondaient au téléphone pendant les heures qu’ils ne prestent pas, cela irait mieux».

Il y a ensuite André Gubbels pour qui les propos de Didier Cœurnelle sont «diffamatoires». «Didier Cœurnelle a fait une obsession de la situation au sein de la DG», affirme-t-il. Pour André Gubbels, l’origine du problème est claire: son administration est en sous-effectif. «Avec le personnel à ma disposition, je pense que nous sommes organisés de la meilleure manière possible», lâche-t-il en regardant dans la direction de Daniel Dumont et des 21 autres professeurs d’université signataires de la lettre ouverte. Si le professeur de l’ULB se défend de «vouloir donner des leçons de management public», exposant n’avoir pas de légitimité pour cela, il justifie sa démarche par «la situation choquante» générée par la DG au détriment des droits des personnes handicapées «déjà fragilisées, des sans-voix». «Si ce problème avait lieu au Service fédéral des pensions, il n’aurait pas fallu trois mois avant que la situation ne soit réglée, s’indigne encore Daniel Dumont. Toutes les administrations de la sécurité sociale ont connu des coupes ces derniers temps, mais je pense qu’on peut dire qu’elles restent malgré tout très bien tenues. La situation de la DG Personnes handicapées est clairement un cas à part.»

Enfin, il y a le politique. Avant que le gouvernement fédéral ne tombe, Zuhal Demir (N-VA), la secrétaire fédérale aux Personnes handicapées d’alors, avait promis de dégager des budgets pour l’engagement de 28 travailleurs supplémentaires en plus des 38 autres déjà enrôlés il y a un peu plus d’un an. «Avec cela, nous serions à même d’effectuer notre travail», affirme André Gubbels. Mais depuis, le gouvernement est tombé et c’est Kris Peeters (CD&V) qui a repris le portefeuille. Dans un communiqué de presse daté du 21 janvier, il a déclaré avoir été capable de débloquer les fonds nécessaires aux engagements, qui devraient être finalisés en mai. Les personnes engagées seront affectées principalement au téléphone. Quant aux 38 personnes déjà engagées il y a un an, elles verront leurs contrats changer de statut: on passera de CDD et des CDI. Enfin, un plan d’action plus structurel sera établi sur la base d’un audit qui a été réalisé par le Service fédéral d’audit interne. Jusqu’ici ses résultats n’ont pas encore été communiqués. Mais d’après certaines informations que nous avons pu obtenir, l’organisation de la DG y serait pointée du doigt.

Cela suffira-t-il à mettre de la clarté dans le dossier? Pour Gisèle Marlière, il est en tout cas temps. «La situation n’est plus tenable, lâche-t-elle. Est-ce un problème d’organisation? Ce n’est pas mon rôle de le dire. Que chacun prenne ses responsabilités. Il faut commencer à travailler maintenant. Si on attend les élections, il sera trop tard.»

 

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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