Ils ont été conçus pour encourager le retour volontaire des demandeurs d’asile déboutés mais c’est un fiasco politique, financier, humain. Dans un rapport publié par le Ciré et Vluchtelingwerk Vlaanderen, des accompagnateurs sociaux témoignent de la brutalité d’une approche purement administrative du retour qui traite les gens comme de simples dossiers.
Depuis août 2012, les demandeurs d’asile déboutés doivent quitter le centre d’accueil qui les héberge pour être transférés dans un centre de retour. Ils ont cinq jours pour vider les lieux. Et dans les centres de retour, le séjour ne peut dépasser les trente jours. Des délais stricts qui mettent une pression énorme tant sur le demandeur d’asile que sur les accompagnateurs sociaux des centres d’accueil. Pour des personnes déjà fragilisées, ce déménagement rapide, sans avoir le temps de comprendre, de faire le deuil du projet migratoire, a des effets désastreux : tentatives de suicide, disparitions, déscolarisation des enfants. Les accompagnateurs sociaux estiment qu’il est urgent de revoir la politique de retour. Ils ont le sentiment de ne plus pouvoir exercer convenablement leur travail.
Le gouvernement a conçu le transfert vers les centres de retour comme un signal fort donné au demandeur d’asile pour qu’il accepte le retour volontaire. Cela ne fonctionne pas. Le transfert choque et bloque les demandeurs d’asile parce que la logique est celle d’une gestion administrative qui nie les fragilités humaines. Les chiffres le prouvent : la majorité des demandeurs d’asile disparaissent avant le transfert ou dans les jours qui suivent. En septembre 2013, 87 % des demandeurs d’asile ont disparu dans la nature. Fedasil est aussi accusée d’avoir une gestion trop rigide des centres de retour. La loi a prévu un retour dans les trente jours ? Aucune prolongation n’est possible et au terme du délai prévu, l’administration met les gens à la rue. Le demandeur a introduit une nouvelle demande d’asile et recouvre donc son droit d’accueil ? Rien à faire. Fedasil refuse toute réintégration dans le centre d’accueil précédent.
« Ce sont des personnes, pas des dossiers », disent les accompagnateurs sociaux. Une politique de retour volontaire ne peut être efficace que si elle est flexible, concluent le Ciré et Vluchtelingwerk Vlaanderen. Les centres d’accueil ne sont plus débordés comme ils l’étaient lors de la crise de l’accueil. Rien ne s’oppose donc à concevoir dans ces centres un accompagnement au retour sur mesure qui tiendrait compte des besoins des personnes.
ENCADRE
Témoignage
« Ahmadullah et Harifa et leurs trois enfants sont originaires d’Afghanistan. Cinq mois après leur arrivée dans un de nos logements, ils ont reçu une deuxième décision négative sur leur demande d’asile. On leur a fait savoir qu’ils devaient aller en place de retour à Saint-Trond. Dès ce moment, c’était une véritable course contre la montre qui était lancée. Cette famille a complètement perdu pied et ne comprenait pas pourquoi elle devait subir un déménagement en trois jours (…). Sous le choc et le stress, les problèmes de santé d’Harifa se sont aggravés et elle a dû être hospitalisée en urgence. Fedasil a fini par accepter que la famille soit toujours accueillie dans un de nos logements pour raisons médicales.
Ce compte à rebours m’a empêchée de faire du travail de qualité. J’étais totalement désarmée, je manquais de temps pour assurer un réel accompagnement social (…). Le degré de violence dans cette mesure se situe dans le manque de marge de manœuvre. Cette mesure a de lourdes conséquences sur l’état mental des familles mais aussi des accompagnateurs. » (Sonia D’Elia, Caritas International, Charleroi)
FIN ENCADRE
Alter Échos n° 349 du 19.11.2012 : Maisons de retour : une drôle de liberté
En savoir plus
Ce sont des personnes, pas des dossiers. Récits et visions d’accompagnateurs sociaux au trajet de retour des demandeurs d’asile déboutés, Ciré, Vluchtelingenwerk Vlaanderen, octobre 2013. Disponible sur http://www.cire.be