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Les dessous de l’entrepreneuriat féminin

Le Fonds de participation publie une étude éclairante sur l’entrepreneuriat féminin. En Belgique, trois entrepreneurs sur dix sont des femmes, ce qui représenteun peu plus de 230 000 « cheffes » d’entreprises. Statistiques et pistes de réflexions pour améliorer le ratio.

06-11-2007 Alter Échos n° 239

Le Fonds de participation publie une étude éclairante sur l’entrepreneuriat féminin. En Belgique, trois entrepreneurs sur dix sont des femmes, ce qui représenteun peu plus de 230 000 « cheffes » d’entreprises. Statistiques et pistes de réflexions pour améliorer le ratio.

La Proximity Finance Foundation1 vient de clôturer six matinées d’information, soit deux par région linguistique, sur l’entrepreneuriat féminin enBelgique, rebondissant sur l’enquête très exhaustive menée par le Fonds de participation sur la promotion de l’égalité des hommes et desfemmes2.

Selon cette enquête, la Belgique n’a pas à rougir de sa politique de promotion de l’égalité hommes-femmes, parvenant même à se situer dans lepeloton de tête des bons élèves en 2007 pour la dimension « égalité des hommes et des femmes dans la société », grimpant en 5eposition derrière les traditionnels champions scandinaves que sont la Norvège, la Suède, l’Islande, le Danemark et juste devant la Finlande. Pour autant, cesrésultats ne doivent pas faire oublier que, si la population active belge est composée à 50 % de femmes, celles-ci ne représentent que 42 % de l’ensemble dessalariés et seulement 30 % des indépendants. Pour appuyer encore cette « anomalie statistique », l’enquête a démontré que la Belgique a obtenu undes plus mauvais résultats pour la dimension « égalité des hommes et des femmes par rapport à l’entrepreneuriat et au statut d’indépendant». Sur ce volet, plusieurs aspects ont été étudiés, comme la présence des femmes entrepreneurs dans les médias spécialisés –estimée à 15 % en moyenne dans les publications soumises à l’enquête – ou encore l’étendue des projets. Sur ce point, l’étude constateque plus le nombre d’employés croît dans une entreprise, plus le nombre de femmes à la tête de l’entreprise, diminue. Et l’effet est identique avecl’accroissement du chiffre d’affaires.

Des secteurs encore très sexués

Pour décoder les chiffres, Annie Cornet3, a retracé le cadre général de l’entrepreneuriat féminin en Belgique. Au rayon statistiques, il en estdeux particulièrement interpellantes : 90 % des conjoints aidants et 12 % des actionnaires à titre principal des sociétés, sont des femmes. Par ailleurs, les femmesentrepreneurs se retrouvent essentiellement dans les activités de services aux personnes, dans le commerce et dans les professions libérales. « Alors que leursous-représentation est très frappante dans les nouveaux secteurs industriels comme les TIC où elles ne sont que 14 %. ». Le poids des stéréotypessexués pèse donc encore beaucoup sur le choix des femmes quant à leur secteur d’activité – y compris chez les femmes de moins de trente ans – puisqu’elles vontprivilégier les secteurs de la santé, de l’artisanat, de la confection ou de la vente et du bien-être. « Ce sont des activités qui sont perçues comme unprolongement naturel de leur savoir-faire. Ces choix ne sont pas problématiques en soi. Ils le deviennent lorsqu’il s’agit d’obtenir un financement. On constatequ’aucun de ces secteurs ne se retrouve dans les pôles d’activités soutenus par le Plan Marshall, par exemple », poursuit Annie Cornet.

Autre constat avancé par les chercheurs : pour la femme entrepreneur qui a des enfants, la manière d’envisager le développement de ses activités professionnellesest fortement influencée par la situation familiale, dans le sens d’une prise de risques plus limitée et de la stagnation du chiffre d’affaires à un niveaujugé suffisant pour l’équilibre budgétaire familial. Un parallèle peut ici être établi avec la situation des salariés : « On constate quel’arrivée d’un enfant a un impact négatif sur l’emploi pour la femme, mais positif pour les hommes qui deviennent pères4 », note Jean-PierreWatthy, manager au département Études du Fonds de participation.

Une fiscalité misogyne ?

Si les secteurs majoritairement féminins restent peu valorisés en termes de financement – car considérés comme peu porteurs et peu créateursd’emplois –, les chercheurs n’ont pas pu établir de discrimination sexuée au niveau de l’accès aux prêts bancaires. En revanche, « iln’est pas rare d’entendre le comptable de la famille déconseiller à madame de se lancer dans une activité indépendante, car « fiscalement », ce ne serait « pasintéressant ». Le système fiscal actuel encourage effectivement les femmes à demeurer dans une situation de dépendance », souligne Annie Cornet. Au risque de seretrouver « doublement larguées » en cas de séparation…

Le Réseau Diane5, créé en 2005 à Charleroi, a apporté quelques pistes pour répondre à l’écueil de lasous-représentation des femmes entrepreneurs et des difficultés particulières qu’elles éprouvent dans le lancement de leurs activités, notamment en ce quiconcerne les formations en gestion existantes, souvent exclusivement construites autour de modèles typiquement masculins. « Le Réseau a développé des formationsspécifiques et du coaching individuel avec des programmes de « mentorat ». La demande est importante, mais nous avons encore des difficultés à trouver des mentors »,souligne Virginie Blanquet du réseau Diane.
Le développement de places d’accueil pour les enfants de trois à douze ans en dehors des heures scolaires et la mise en place d’un système de remplacement pour lesfemmes indépendantes en période de congé de maternité ou de maladie, sont deux autres axes d’étude du Réseau. Une réflexion qui accompagneidéalement la nouvelle campagne de promotion du Fonds de participation pour encourager l’entrepreneuriat féminin (voir ci-après).

Un folder pour convaincre

L’actrice principale adopte une pose volontaire et un sourire plein de confiance en l’avenir : elle vient de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale grâce au coup depouce financier du Fonds de participation. Elle a raison de sourire : le microfinancement qu’elle a obtenu est du « sur-mesure » et les conditions de remboursement sontparticulièrement avantageuses. Son credo : « Osez votre activité professionn’elle ! ». Tel est le scénario de la nouvelle campagne de sensibilisationlancée par Fonds de participation, depuis fin octobre, dans le cadre du
projet « Fostering Gender Equality », pour encourager les femmes à se lancer commeindépendantes. Les outils proposés aux prétendantes chefs d’entreprise ne sont pourtant pas spécifiques puisqu’ils font partie de la panoplie d’aides audémarrage d’une entreprise dont dispose l’institution et s’adressent donc aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Soit le tout nouveau « prêt solidaire »de 12 000 euros au maximum et le « prêt lancement » de 30 000 euros maximum. Outre que le taux d’intérêt fixe est relativement bas – 3 ou 4 %- cesfinancements sont accessibles à des personnes écartées des possibilités de prêts bancaires traditionnels, demandeurs d’emplois, chômeurs et lesbénéficiaires de revenus d’attente ou d’intégration. Et aucune garantie n’est exigée, même si elle reste bienvenue dans le cadre d’unedemande de prêt. Autre atout non négligeable de la formule : l’apprenti(e) entrepreneur(e) bénéficie d’un appui professionnel gratuit du Fonds de participation.Un appui qui se traduit concrètement par une aide à la mise au point du dossier pour la demande de crédit et un soutien lors de la phase de démarrage du projet, sur un anet demi. Et pour que, vraiment, il n’y ait aucune entrave aux envies de se lancer, même pour celles qui se trouvent dans des situations de grande précaritéfinancière, un numéro vert est mis à leur disposition pour toute information utile.

En savoir plus : http://www.fonds.org section « activités de crédit ».
Numéro vert : 0800 84 426

1. Proximity Finance Foundation, cette fondation privée est constituée du Fonds de participation et de l’ASBL Pro Millenium.
Pour en savoir plus : http://www.proximityfinance.org/
2. L’enquête « Fostering Gender Equality: Meeting the Entrepreneurship and Microfinance Challenge » est disponible dans sa version intégrale, en anglais sur le sitehttp://www.fonds.org
3. Professeure à l’ULG et responsable de l’unité de recherche EGID (Études sur le genre et la diversité en gestion).
4. Voir page 51 de l’enquête pour les données statistiques de 2001 à 2005.
5. Réseau lancé par l’UCM Hainaut pour le « Développement et intégration par l’arrivée des nouvelles entrepreneures ». Informations sur lesactivités du réseau : www.reseaudiane.com

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