En Belgique francophone, le droit à l’éducation inclusive des élèves porteurs de handicap intellectuel n’est pas respecté. C’est la conclusion, sans détours, à laquelle a abouti le Comité européen aux droits sociaux, en charge de veiller à la bonne application de la charte sociale européenne. Ce genre de condamnation «n’a pas de force contraignante mais aura une force normative importante, car cette décision pourra éclairer l’avis d’un juge et compléter l’arsenal juridique», pense Thomas Dabeux, de l’association «Inclusion» qui avait introduit cette réclamation collective, au nom de parents d’élèves, aux côtés de la Fédération internationale des droits de l’Homme.
Au cœur de la démonstration des associations plaignantes, qui furent épaulées par le délégué général aux droits de l’enfant et Unia, on trouve l’idée que l’école ordinaire pour des enfants porteurs de handicap intellectuel modéré à sévère (type 2) est quasiment inaccessible en Fédération Wallonie-Bruxelles, à moins d’y mettre le prix. Le non-remboursement de la logopédie pour les enfants ayant un quotient intellectuel inférieur à 86 est d’ailleurs considéré par le comité d’expert comme l’un des obstacles majeurs à l’accès à un enseignement inclusif, aux côtés de l’exclusion d’élèves qui ne peuvent pas suivre le programme. Le comité estime qu’il s’agit là de «graves et nombreuses restrictions au droit à une éducation de qualité». Les experts européens constatent que les élèves «présentant une déficience intellectuelle modérée ou sévère sont traités de manière moins favorable».
Si le nombre d’inclusions de personnes porteuses d’un handicap dans l’enseignement augmente très lentement, celui des élèves dits «de type 2», lui, reste quasiment nul.
L’asbl Inclusion rappelle qu’en 2019 seuls 98 élèves à déficience dite de type 2 ont bénéficié d’un projet d’intégration. Ces élèves sont quasi-automatiquement orientés vers l’enseignement spécialisé. Le Comité aux droits sociaux rappelle pourtant que l’éducation inclusive exige «de fournir aux enfants handicapés l’accompagnement et les aménagements auxquels ils ont droit pour accéder aux établissements». En Belgique francophone, les cohortes d’enfants orientés vers l’enseignement spécialisés ne cessent de grossir; +21% depuis 2004 dans le secondaire par exemple. Si le nombre d’inclusions de personnes porteuses d’un handicap dans l’enseignement augmente très lentement, celui des élèves dits «de type 2», lui, reste quasiment nul. «Une école inclusive garantit le droit de l’enfant de fréquenter l’école ordinaire», rappelle le comité. «Les familles qui ont porté l’affaire devant le comité voudraient que leurs enfants soient à l’école avec les autres enfants, tout en bénéficiant d’un accompagnement spécifique», récapitule Thomas Dabeux.
Dans un communiqué de presse, le délégué général aux droits de l’enfant rappelle que le pacte d’excellence prévoit «de créer des pôles territoriaux attachés à une école de l’enseignement spécialisé pour accompagner concrètement et activement les équipes de l’enseignement ordinaire qui accueillent le public actuellement visé par le mécanisme d’intégration» (donc des personnes porteuses de handicap). Des pôles territoriaux aux contours encore flous et qui suscitent bien des interrogations dans les associations spécialisées.
Lors d’une conférence de presse, la ministre de l’Education, Caroline Désir a affirmé que le changement de mentalité ne pourrait pas venir uniquement de décrets et de feuilles de route. Elle promis de mettre en place une «table ronde» sur l’inclusion des enfants déficients intellectuels, «tant dans l’enseignement ordinaire que dans l’enseignement spécialisé, tout en tenant compte des réalités de terrain».
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Relisez notre enquête «Bientôt une ‘école pour tous et pour chacun’?», Alter Échos n° 488, novembre 2020, Clara Van Reeth.