Au départ, le développement du système des titres-services (T-S) avait été pensé comme une mesure de soutien à l’emploi et de lutte contre letravail clandestin, mais aussi de soutien à l’économie sociale. Force est cependant de constater qu’il a également profité à d’autres secteurs – etsingulièrement à celui de l’intérim. La part de marché de ce dernier semble en effet s’être fixée autour des 35 % (après avoir connu, en 2004, un picmensuel à 70 %). Une importance relative qui justifie la constitution d’un nouveau département (« Services aux particuliers » – FSP), le septième, au sein deFedergon, la fédération des partenaires – privés – de l’Emploi1. Cette fédération n’entend toutefois pas « mordre sur les autresfédérations sectorielles » – une précision qui n’est pas qu’oratoire puisque Federgon entend, avec ce nouveau département, fédérer non seulementles entreprises d’intérim mais également l’ensemble des autres sociétés commerciales actives dans le service aux personnes.
Des revendications communes aux sociétés commerciales
Si cette fédération se veut élargie, c’est qu’elle voit des intérêts communs à ses différentes composantes sur certaines questions. À titred’exemple, la concurrence déloyale de la partie non commerciale du secteur (asbl, Agences locales pour l’emploi, communes,…) qui serait « sursubsidiée », lapréférence pour une « dématérialisation » des titres, ou encore une demande d’élargissement des activités achetables avec un titre-services.Federgon souhaite en effet que les T-S puissent permettre d’acheter le même éventail de services que ceux actuellement offerts par les ALE (en dehors des activités T-S de cesdernières) : jardinage et bricolage, en plus des activités d’aide ménagère. Sur ce dernier point, il est vraisemblable, selon Eric Buyssens, directeur du serviced’études de la FGTB Bruxelles, qu’on assiste d’ores et déjà à un élargissement de fait : « Il est très difficile de contrôler que ce qui passepour des travaux ménagers ne se transforme pas, parfois, en menus travaux de réparation – voire en garde d’enfants si l’aide ménagère vient prester ses heures unmercredi après-midi. Si les ALE qui engagent des travailleurs sous contrat T-S sont vigilantes sur cette question, on peut imaginer qu les agences d’intérim ou les asbl opérantdans le secteur le soient moins. »
Les revendications de Federgon portent également sur les contrats de travail. La fédération en souhaite un assouplissement : il s’agirait par exemple de faire sauterl’obligation de fournir un contrat minimum de mi-temps aux travailleurs qui perçoivent une allocation de chômage ou du CPAS à côté de leur occupation titres-services(travailleurs de catégorie A). Une obligation qui, selon les employeurs, irait à l’encontre des désirs de nombreux travailleurs qui « préfèrent travailler 13ou 14 heures par exemple ». Federgon insiste par ailleurs sur la création nette d’emplois qu’ont pu apporter ses membres. Dans la mesure où ils procèdent de nouvellesinitiatives plutôt que de l’intégration, au sein du dispositif T-S, d’activités préexistantes, les emplois créés par l’intérim et lessociétés commerciales participeraient d’une véritable création d’emplois plutôt que d’une simple réorientation d’activités. Ce sont ainsi 14.400« nouveaux travailleurs » qui seraient employés par les membres de Federgon (avec une moyenne de travail hebdomadaire de 19,7 heures).
Pour un financement public mixte fédéral-Communautés-Régions
Federgon souhaiterait en outre une intervention des Communautés et Régions, en sus de ce que fournit le fédéral. Cette revendication s’appuie entre autres sur leconstat que 30 % des T-S sont achetés par des personnes âgées. Or, l’aide à ces dernières constitue une compétence communautaire du côté flamandet régionale du côté francophone. Il serait donc juste, selon Federgon, que ces entités interviennent dans le financement du système. Une intervention qui pourraitse faire sur le principe du tiers-payant qui avait été discuté – et abandonné – lors du lancement du dispositif : il aurait permis aux CPAS et àd’autres organes publics, d’offrir gratuitement des T-S à leurs usagers2. Signalons que les T-S connaissent déjà, avec le seul financement fédéral unesubsidiation très forte : les particuliers ne payent en effet que 6,7 euros sur les 21 euros que coûte réellement le chèque – payement « marchand » auquelil convient encore de soustraire 30 % de déduction fiscale.
Au-delà de la nature même de ces revendications, la constitution d’une fédération d’employeurs commerciaux prouve, si besoin en était, l’institutionnalisationd’un secteur naguère presque exclusivement réservé au marché noir. En témoigne également la mise en place l’année dernière d’une commissionparitaire (322.01) pour les entreprises agréées T-S. Y sont actuellement négociées des avancées comme l’octroi d’une prime annuelle ou le payement des frais dedéplacement.
Les titres-services : un rappel
Le système des T-S – refédéralisé depuis janvier 2004 – permet aux particuliers d’acheter des services dont la liste est strictement arrêtée.À domicile : nettoyage, lavage de vitres, lessive et repassage, préparation de repas, petits travaux de couture occasionnels ; en dehors du domicile : courses ménagères,service extérieur de repassage et petits travaux de couture occasionnels, transport accompagné de personnes âgées ou à mobilitéréduite1.
Ces services doivent être prestés par une entrepise agréée – en janvier 2006, elles étaient 981. Parmi ces dernières, 27,4 % sont dessociétés privées commerciales (auxquelles s’ajoutent, 3,1 % de sociétés d’intérim qui pèsent à elles seules, près de 35 % dumarché). Le solde se répartissant en 21,2 % d’ALE, 18,8 % de CPAS, 17,1 % d’asbl, 7,6 % de particuliers et 4,2 % d’entreprises d’économie sociale. Au total, la nouvellefédération regrouperait donc 30,5 % des acteurs pesant environ 45 % du marché.
Outre la croissance exponentielle des heures vendues par les sociétés d’intérim (+ 160 % au cours de l’année 2005), les chiffres révèlent égalementune ventilation régionale très différenciée d’un dispositif qui reste financé au niveau fédéral. Ainsi, 75 % des heures prestées le seraient enFlandre, pour 17 % en Wallonie et 8 % à Bruxelles. Pour 2004, le coût total de la mesure a été chiffré par Idea Consult, dans le cadre d’une évaluationcommandée par le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale2. Il se distingue en coût brut (intervention du fédéral dans le coût des T-S proprement dits,frais d’encadrement et coût de la déduction fiscale) et en coût net (qui tient compte de la diminution d’indemnités de chômage, de l’accroissement des cotisationssociales et de l’impôt des personnes physiques qui résultent de la mise au travail dans le cadre des T-S). Le premier s’est monté, en 2004, à 105,1 millions d’euros et lesecond à 72,6 millions. Des chiffres qui ont évidemment fortement augmenté depuis lors – en proportion de l’augmentation du recours aux T-S : pour 2005, c’est un budgetprovisionnel de 164 millions d’euros qui aurait été dégagé pour la mesure – en filigrane duquel, peut donc se lire un exemple de transfert Sud-Nord.
1. L’ensemble des détails pratiques est consultable sur le site : www.dienstencheques.be
2. Télécharger les 120 pages du rapport d’Idea Consult disponibles
1. Federgon, Tour & Taxis, Avenue du Port 86 C, bte 302, à 1000 Bruxelles – tél. : 02 203 38 03 –fax: 02 203 42 68 – courriel : info@federgon.be
2. En décembre 2005, suivant une logique similaire, le gouvernement fédéral a décidé d’octroyer 70 T-S aux travailleuses indépendantes lors de chaquenaissance d’enfant. Plus d’infos