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Les entreprises de travail adapté face au vieillissement

Conséquence du vieillissement global de la population en Belgique, le nombre de travailleurs handicapés de plus de quarante ans en entreprise de travail adapté (ETA) ne cessede croître. Une tendance qui pose question en matière d’aménagement des postes de travail et de préparation à la pension pour une population souventfragilisée.

25-09-2008 Alter Échos n° 259

Conséquence du vieillissement global de la population en Belgique, le nombre de travailleurs handicapés de plus de quarante ans en entreprise de travail adapté (ETA) ne cessede croître. Une tendance qui pose question en matière d’aménagement des postes de travail et de préparation à la pension pour une population souventfragilisée.

Un appel à projets de la Fondation Roi Baudouin concernant la mise en place de projets innovants en matière d’accompagnement des travailleurs handicapés âgés enentreprises de travail adapté se clôturera le 6 octobre prochain. L’initiative ne tombe bien entendu pas par hasard, mais fait écho à la hausse du nombre de personnesâgées en ETA. Une situation qui a tendance à prendre de l’ampleur depuis quelques années… Ainsi, en Wallonie, la tranche d’âge des travailleursâgés de 40 à 49 ans, qui constituait 27,42 % du nombre total de travailleurs en ETA en 1998, est passée à 34,89 % en 2006. La tranche des 50-59 ans estquant à elle passée à 18,74 % du nombre total de travailleurs en 2006, alors qu’elle stagnait sous la barre des 10 % en 1998. Une tendance qui pourraitégalement, selon certains, se manifester en Région de Bruxelles-Capitale et qui, si elle peut être envisagée comme une conséquence positive de l’augmentation del’espérance de vie des personnes handicapées, pose néanmoins quelques questions en ce qui concerne un éventuel aménagement des postes de travail et lapréparation à la pension d’une population considérée comme plus fragile… Axel Godin, directeur de l’ETA bruxelloise « Travail etVie »1 en témoigne : « Le problème du vieillissement des travailleurs en ETA se pose plus vite que dans les entreprises employant du personnel nonhandicapé. En effet, avec l’âge, le handicap s’accroît souvent assez vite et les questions portant sur l’aménagement du rythme de travail et la préparation àla pension se posent dès lors avec insistance. De plus, il faut savoir que dans notre ETA, une partie non négligeable des 340 travailleurs sont des handicapés lourds dont la miseau travail pose déjà problème à la base. Ces questions nous touchent donc au plus près. »

Or à l’heure actuelle, les solutions à disposition des ETA pour répondre à cette situation semblent manquer. « Il faut savoir que l’ETA est aussi biensouvent un lieu de vie, d’appartenance et de prise en charge pour les travailleurs. Dès lors, le vieillissement et l’approche de la pension génèrent toutes sortes de questionspour les employés. Ils se demandent bien souvent ce qu’ils vont faire après leur sortie de l’ETA. Or à ce niveau, peu de choses existent pour les préparer à cettesortie de même que pour les accueillir une fois au dehors. » Et effectivement, les alternatives semblent réduites. Partir en maison de repos ? Difficile alors que l’on aà peine 60 ans… Les centres de jour ? Ici, le problème s’inverse puisque ceux-ci semblent parfois peu adaptés à un public plus âgé. Quant àla famille, toute la question est de savoir s’il y en a encore une.

Au travail jusqu’à 65 ans

Dans ce contexte, il n’est pas rare de voir les travailleurs jouer les prolongations et continuer à travailler bien au delà de la prépension. « La prépension peutse prendre dès l’âge de 58 ans mais peu de travailleurs optent pour cette solution. La plupart continuent à travailler jusqu’à 65 ans par peur de sortir del’ETA », poursuit Axel Godin. Une situation qui, combinée au vieillissement prématuré des travailleurs handicapés, finit par poser certains problèmes auxentreprises de travail adapté tant certains employés éprouvent des difficultés à suivre le rythme de travail. Si certaines ETA tentent d’adapter les postes detravail à la nouvelle condition physique de leurs travailleurs vieillissants, ceci ne se fait pas sans difficulté. En effet, aux difficultés engendrées parl’aménagement vient également s’ajouter un problème en terme de productivité et de compétitivité comme le confirme Benoît Ceysens, directeur de laFerme Nos Pilifs2, située à Bruxelles, et président de la Fédération bruxelloise des entreprises de travail adapté (FEBRAP)3.« L’une des solutions pour répondre à ce problème de charge de travail devenue trop lourde [NDLR : et pour répondre également au problème depréparation à la pension] est, par exemple, de faire passer les travailleurs à un régime horaire plus léger et de leur confier des boulots moins fatigants. Lespersonnes handicapées peuvent ainsi mettre un pied en dehors de l’entreprise tout en gardant un contact avec le milieu de l’ETA. Le problème est que nous sommes limités par unsystème de quotas de travailleurs subsidiés que chaque ETA peut accueillir. Et dans ce cadre, une personne travaillant à mi-temps compte autant dans ces quotas qu’une personnetravaillant à temps plein. Garder un travailleur à mi-temps est donc pénalisant pour une entreprise de travail adapté. » Ainsi, à la Ferme Nos Pilifs, cesont 110 employés, quel que soit le nombre d’heures qu’ils prestent, qui se voient subsidiés par la Cocof. Si l’entreprise désire engager plus de personnel, elle doit le fairesur fonds propres. Dans ce contexte, il y a fort à craindre que certaines ETA soient tentées de licencier un travailleur ne sachant plus suivre le rythme afin d’éviter de lefaire passer à un régime horaire plus léger, peu avantageux puisque monopolisant une place subsidiée qui pourrait être occupée par un temps plein. Unemanière pour l’ETA d’« optimaliser » son quota afin de conserver une certaine compétitivité.

Notons que pour la Région de Bruxelles-Capitale, le quota total de places subsidiées pour l’ensemble des ETA s’élève à 1 450 places. En Régionwallonne, ce chiffre atteignait, à la fin mars 2008, le chiffre de 5 826 places pour les postes de production et de 203 places pour les postes de « cadres »occupés par des personnes handicapées. Il faut cependant constater à ce propos que la situation en Région wallonne semble moins tendue qu’en Région deBruxelles-Capitale, le sud du pays ayant bénéficié récemment d’un élargissement de 400 places de ces mêmes quotas dans le cadre du Plan stratégiquetransversal 3 (PST 3).

Une absence de solutions institutionnelles ?

Face à cette situation, les solutions institutionnelles semblent pour l’heure relativement maigres. Il faut dire qu’aux balbutiements de la loi relative àla « formation et à la réadaptation professionnelle ainsi qu’au reclassement social des handicapés », à l’aube des années ’60, personnen’avait imaginé que l’espéra
nce de vie de ces mêmes handicapés serait ce qu’elle est aujourd’hui. « Personne, à cette époque, n’a pris en compte »l’après travail » car l’espérance de vie des personnes handicapées n’était pas très élevée, déclare à ce sujet Guy Niset, directeur del’Entente wallonne des entreprises de travail adapté (Eweta)4. De plus, les ateliers protégés étaient à cette époque considéréscomme des lieux de passage et non comme des lieux d’intégration définitive, ce qui est souvent le cas des ETA aujourd’hui. »

Plus de quarante ans après, la situation a donc bien changé. Si, on l’a dit, les solutions institutionnelles ne sont pas légion, certaines mesures ont néanmoinsété mises en place (ou sont en voie de l’être) afin de répondre à la conjoncture actuelle. Ainsi, du côté de l’Agence wallonne pour l’intégrationdes personnes handicapées (Awiph)5, Philippe d’Hollander, directeur faisant fonction à la Division emploi formation, détaille le dispositif de maintien au travailactuellement en place en Région wallonne. « À l’heure actuelle, un dispositif de maintien à l’emploi pour personnes âgées est en place dans les ETA de laRégion wallonne et permet à certaines personnes de disposer de postes aménagés. Cent places sont ainsi financées dans ce cadre. Des places auxquelles viennents’ajouter soixante autres postes négociés dans le cadre des accords du non-marchand, ce qui fait un total de cent-soixante postes. »

Du côté de la Cocof, Véronique Gailly, conseillère pour la politique d’aide aux handicapés d’Évelyne Huytebroeck (Écolo), la ministre de laRégion de Bruxelles-Capitale en charge de l’Environnement, de l’Énergie, de l’Aide aux personnes et du Tourisme6 déclare qu’« un travail vient de commencerafin de voir s’il est possible de soulager les ETA au niveau du « carcan » que constituent les quotas. L’idée serait de permettre de « compenser » les travailleurs plus fragiles par lapossibilité d’engager des personnes porteuses de handicaps moins lourds, voire des personnes non handicapées. Du côté du fédéral, un groupe de travailconcernant l’emploi des personnes handicapées a été institué par la conférence inter-ministérielle et va tenter de trouver des solutions afin de permettreune « sortie douce » des ETA aux personnes handicapées relativement âgées. »

La Febrap et l’Eweta proposent

Quoiqu’il en soit de ces initiatives, la Febrap et l’Eweta ont, elles aussi, quelques projets dans leurs cartons. Ainsi, au niveau de l’Eweta, l’Entente a l’intention de rentrer un projetsectoriel auprès du Fonds de l’expérience professionnelle7. Selon Guy Niset, le but de l’opération serait d’« obtenir des dotations qui permettraientd’accompagner et de démultiplier les demandes individuelles de dotations faites par les ETA auprès de ce même Fonds de l’expérience professionnelle. » La Febrap,quant à elle, s’est décidée à faire réaliser une étude destinée à « objectiver la notion de vieillissement en ETA et à dessinerdes possibilités de solutions », d’après Benoît Ceysen. L’ambition de la Fédération serait de pouvoir s’adresser à la ministre de tutelle,Évelyne Huytebroeck, et de lui proposer une série de réponses institutionnelles à cette problématique du vieillissement en ETA.

Enfin, les deux organisations ont invité l’ensemble de leurs membres à répondre à l’appel de la Fondation Roi Baudouin. Dans l’espoir que cette dernière recensed’éventuelles bonnes pratiques en matière d’aménagement des postes de travail et de préparation à la pension dans les ETA et, surtout, permette àd’éventuels projets novateurs dans ce domaine d’être disséminés…

1. Travail & Vie :
– adresse : digue du canal, 40 à 1070 Bruxelles
– tél. : 02 526 20 00
– courriel : travie@travie.be
– site : www.travie.be
2. La ferme Nos Pilifs :
– adresse : Trassersweg, 347 à 1120 Bruxelles
– tél. : 02 262 11 06
– courriel : info@pilifs.be
– site : www.nospilifs.be
3. Febrap :
– adresse : Trassersweg, 347 à 1120 Bruxelles
– tél. : 02 262 47 02
– courriel : info@febrap.be
– site : www.febrap.be
4. Eweta:
– adresse : route de Philippeville, 196 à 6010 Couillet
– tél. : 071 29 89 20
– site : www.eweta.be
5. Awiph :
– adresse : rue de la Rivelaine, 21 à 6061 Charleroi
– tél. : 071 20 57 11
– courriel : brcharleroi@awiph.be
– site www.awiph.be
6. Cabinet d’Évelyne Huytebroeck, ministre de la Région de Bruxelles-Capitale en charge de l’Environnement, de l’Énergie, de l’Aide aux personnes et du Tourisme
:
– adresse : rue du Marais, 49-53 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 517 12 00
– site : www.evelyne.huytebroeck.be
7. Fonds dont la fonction est de soutenir l’entreprise déployant des actions en faveur de son personnel âgé de 55 ans et plus. Dans ce cadre, le Fonds peut octroyer desdotations à une entreprise afin de l’aider à aménager le poste d’un travailleur défini.

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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