Dans sa réforme de la politique de lutte contre le surendettement avalisée début 2007, l’ex-ministre wallonne de l’Action sociale, Christiane Vienne, a introduitun nouveau dispositif : les groupes d’appui. Des groupes censés remplacer les écoles de consommateurs, passées à la trappe, et mieux cibler leur public. Un anaprès la mise en place de ce nouveau dispositif, petit tour d’horizon.
Les écoles de consommateurs sont depuis 2007 remplacées par des groupes d’appui créés uniquement par des services de médiation de dettesagréés, qu’ils soient publics ou privés. Si l’objectif est clairement la prévention, celle-ci est désormais rattachée au volet curatif de lapolitique de lutte contre le surendettement. Un plus pour Geneviève Lacroix du cabinet Donfut (PS)1, nouveau ministre wallon de l’Action sociale. Pour l’attachée,en effet, « les écoles de consommateurs n’étaient pas très professionnelles en termes de méthode de travail et n’atteignaient pas toujours leur publiccible. »
Ces groupes d’appui assurent aujourd’hui une mission de prévention du surendettement au travers d’animations pédagogiques régulières, organisées « envue d’améliorer la situation sociale de personnes surendettées, ou l’ayant été, ainsi que de toute autre personne intéressée, essentiellement sur lesproblèmes de gestion budgétaire, de surendettement et de thèmes ayant une incidence sur cette gestion ». On y retrouve des animations telles que « Comprendre unefiche de paie », « Lecture et analyse des factures », « Rôle de l’huissier de justice », « Téléphone, GSM, ADSL », etc. Le subsideattribué par groupe d’appui se monte à 1 500 euros, avec pour obligation la tenue de dix animations par an (pour plus d’infos, cf. Alter Échos 226 « Réforme du décret surle surendettement : des écoles de consommateurs aux groupes d’appui »).
Peu d’enthousiasme…
Les groupes d’appui ont donc démarré en 2007, un peu tardivement car il a fallu attendre la circulaire relative à la médiation de dettes du 26 mars 2007(publiée au Moniteur le 20 avril) et puis se presser pour arriver à organiser les dix animations demandées avant la fin de l’année. Trente-deux groupesd’appui, anciennes écoles de consommateurs, ont ainsi été créés et subventionnés pour 2007 : 13 pour la province du Hainaut, 9 pour la province deLiège, 6 pour le Luxembourg, 4 pour Namur. D’autres groupes d’appui, qui n’étaient pas en 2006 écoles de consommateurs, ont également étécréés en 2007 mais ceux-ci ne seront subsidiés qu’à partir de cette année.
Dans les centres de référence, chargés entre autres, sur le plan de la prévention, d’accompagner ces groupes d’appui et d’organiser avec eux desréunions d’intervision, on reste dans l’ensemble un peu sceptique quant à la nouvelle mesure. Au Groupe action surendettement (GAS)2, centre deréférence pour la province de Luxembourg, on note la diminution d’intérêt : « Nous avions auparavant entre douze et seize écoles de consommateurs surnotre territoire. Nous avons aujourd’hui six groupes d’appui, constate Damien Libert, médiateur de dettes et agent de prévention. La frilosité des anciennesécoles de consommateurs s’explique notamment par le recentrage des thématiques, sans doute nécessaire pour certaines écoles qui s’éloignaient de l’objectifinitial mais qui limite quand même assez fort le type d’animations qui peut être organisé. Autre explication, ces groupes d’appui ne peuvent désormais plusêtre organisés que par des services de médiation de dettes agréés, ce qui réduit également les possibilités. Et puis l’informationn’est pas toujours bien passée auprès de services de médiation de dettes qui ignorent encore, pour certains, qu’ils peuvent créer un groupe d’appui !»
Autre problème soulevé, les médiateurs sont bien souvent eux-mêmes animateurs des groupes d’appui, excepté pour les groupes qui ont établi uneconvention avec une asbl extérieure pour l’animation. Un rôle que les médiateurs ne semblent pas toujours apprécier et pour lequel certains ne se sentent pas lescompétences requises. Une double casquette aussi qui peut s’avérer parfois gênante. « Ainsi, raconte Danièle Bovy, juriste au Gils3, nouveau centrede référence pour la province de Liège, il est parfois des choses qu’on peut dire lors de ce type d’animation, qu’on n’a pas nécessairement envieque son médiateur entende, je songe par exemple aux revenus que procure un travail au noir. »
Un public difficile à convaincre
Les trois centres de référence (Liège, Hainaut et Luxembourg) pointent également une grande difficulté à faire venir les gens aux animations. Si lacirculaire est très explicite quant à la libre participation des personnes dans les faits, il en va parfois autrement. « Ainsi, pointe Orlane Vanderbeken du Centre deréférence du Hainaut4, dans certains services de médiation de dettes, on n’hésite pas à insister lourdement pour que le‘médié’ participe aux séances organisées par les groupes d’appui. Un moyen sans doute de remplir la salle mais il est difficile de faire de laprévention efficace avec un public contraint… Les groupes d’appui nous interpellent souvent sur cette question : comment faire venir les gens ? Je dois dire qu’on n’apas encore trouvé de réponse. »
« Les gens n’ont pas non plus nécessairement envie de faire étalage de leurs problèmes et éprouvent parfois de la honte, complète Fabienne Jamaigne duGils, le centre de référence de Liège. C’est sans doute un frein à la participation à ce genre d’animations. »
Parmi les réflexions souvent entendues chez les médiateurs, deux reviennent régulièrement, confie Orlane Vanderbeken : « Les thématiques sont tropcadenassées et nous devons assister à un nombre de réunions inversement proportionnel à notre subside de … 1 500 euros ! » Des critiques qui s’ajoutentparfois au découragement lié au temps passé à organiser une animation qui ne rassemble, au final, qu’une petite poignée d’intéressés.« Il faut envoyer des courriers, retéléphoner la veille, témoigne Damien Libert. Ca
demande énormément d’énergie pour, parfois, bien peu derésultats. » « On constate que les animations qui rassemblent le plus de personnes, explique Danièle Bovy du Gils, sont souvent là où il y avaitdéjà un noyau existant lors des écoles de consommateurs. » Sans compter les animations qui se passent, à quelques exceptions près, souvent en journée,pendant les heures de bureau, ce qui constitue un sérieux obstacle pour les gens qui travaillent…
Les réunions d’intervision
Christiane Vienne, une des précédentes ministres de l’Action sociale avait également annoncé que trois auto-évaluations annuelles devraient êtreréalisées par les groupes d’appui, une exigence qui n’est apparemment plus d’actualité, seul subsiste le rapport d’activités annuel du service demédiation de dettes avec un volet réservé pour les groupes d’appui. Les centres de référence sont toutefois, depuis 2007, chargés d’organiser desréunions d’intervision auxquelles les groupes d’appui sont tenus d’assister5. Des réunions qui se tiennent au minimum deux fois par an et qui ont pour butde réfléchir à la pratique professionnelle. Il s’agit en premier lieu d’un échange sur les expériences mutuelles permettant au groupe de rechercherdifférentes pistes de solutions à des situations concrètes tirées du travail quotidien. Pour le centre de référence du Hainaut, quatre réunionsd’intervision ont été organisées en 2007 pour le GAS, trois et pour Liège, le centre de référence étant tout neuf et encore sans agent deprévention, la première réunion d’intervision a eu lieu à la mi-mars.
Des réunions d’intervision qui ont permis au centre de référence du Hainaut de commencer avec quelques médiateurs un sous-groupe de création d’outilsd’animation. « Il s’agit en quelque sorte, explique Orlane Vanderbeken, d’animations ‘clé sur porte’, qui seront par la suite partagées avec lesautres médiateurs.» Mais les réunions d’intervision ne sont pas non plus toutes accueillies avec le sourire : « Si certains médiateurs apprécient cetespace de parole qui leur permet de partager leurs expériences, leurs interrogations et de se ‘lâcher’ un peu, d’autres regardent leur montre, attendant impatiemment la fin parceque leurs dossiers les attendent… »
Malgré ces nombreux bémols, nos interlocuteurs reconnaissent unanimement le bénéfice apporté en termes de socialisation pour les participants des groupesd’appui. « Souvent les gens sont isolés, témoigne Orlane Vanderbeken. Leur surendettement les a éloignés de la famille ou des amis, ils sont alors trèsheureux de profiter de cet espace qui leur est laissé pour rencontrer d’autres personnes dans la même situation, pour recréer le lien social qui s’étaitdistendu. »
1. Cabinet Donfut :
– adresse : rue des Brigades d’Irlande, 4 à 5100 Jambes (Namur)
– tél. : 081 32 34 33.
2. Groupe action surendettement :
– adresse : Grand’Rue, 4 à 6630 Martelange
– tél. : 063 60 20 86.
3. Groupement d’initiative pour la lutte contre le surendettement (Gils) :
– adresse : rue Edouard Colson, 148 à 4431 Loncin
– tél. : 04 246 52 14.
4. Centre de référence du Hainaut, Association de la Communauté urbaine du Centre (CuC) :
– adresse :chaussée de Jolimont, 263 à 7100 Haine-Saint-Paul
– contact : Orlane Vanderbeken (tél. : 064 4 22 91 – courriel : centreref.vanderbeken@hotmail.com)
5. Le centre de référence leur délivre les attestations de présence qui doivent être jointes au rapport d’activités annuel.