Cet article est issu du dernier numéro des Échos du Crédit et de l’Endettement n°68 (janvier 2021).
Citons d’abord des sources internationales, comme ces chiffres de l’OIT datant de mai dernier: «La pandémie a fait de lourds dégâts chez les jeunes en détruisant leurs emplois et en compromettant leurs perspectives de carrière.» Un jeune sur six (17%), travaillant avant le début de la crise, a perdu son emploi, plus particulièrement les jeunes travailleurs entre 18 et 29 ans, ainsi que ceux qui occupent des postes de personnel de bureau, de services, de ventes et dans les métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat. Le temps de travail des jeunes travailleurs a diminué d’environ 25% (c’est-à-dire de deux heures par jour en moyenne) et deux jeunes sur cinq (42%) font état d’une baisse de leurs revenus.
L’OIT rappelle que, déjà hors période Covid, en 2019, déjà près de 14% des jeunes étaient sans emploi. Autre constat de l’Organisation internationale du travail: le fait que cette crise «a affecté les jeunes hommes et les jeunes femmes de manière inégale, les femmes indiquant des diminutions plus importantes de leur productivité que les hommes».
Le temps de travail des jeunes travailleurs a diminué d’environ 25% deux jeunes sur cinq (42%) font état d’une baisse de leurs revenus (Chiffres OIT).
Et en Belgique?
Les chiffres du Forem et d’Actiris de juillet dernier ne disaient rien d’autre: +10% en Wallonie et +17% pour Bruxelles de jeunes de moins de 25 ans au chômage, par rapport à juillet 2019. Le nombre de jeunes inscrits comme demandeurs d’emploi pour la première fois, soit les jeunes en stage d’attente, a bondi en un an de près de 30% dans le sud du pays et de 50% dans la capitale.
Des données que l’économiste Philippe Defeyt a commentées sur les ondes de la RTBF: «Les jeunes vont particulièrement souffrir lors de cette crise, à la fois parce qu’ils vont perdre plus rapidement leur emploi parce qu’ils travaillent dans certains secteurs comme l’horeca, parce qu’ils ont des contrats à durée déterminée et intérimaires et qu’il est plus facile de mettre fin à de tels contrats. De plus, le marché du travail étant mauvais pour le moment, les jeunes vont avoir encore plus de mal à trouver un job, en raison de la baisse manifeste des opportunités. Ceux qui viennent de s’inscrire pour la première fois comme demandeurs d’emploi vont entrer en concurrence avec ceux qui ont déjà travaillé et justifient d’une expérience.»
+10% en Wallonie et +17% pour Bruxelles de jeunes de moins de 25 ans au chômage, par rapport à juillet 2019 (chiffres du Forem et Actiris).
Parmi ces pertes d’emploi chez les jeunes figurent également les jobs étudiants qui concernent environ la moitié de cette catégorie de la population et qui équivalent à près de 65.000 emplois salariés. Selon les chiffres de la Fédération des étudiants francophones (FEF), près de 32% des étudiants ont perdu complètement ou partiellement leur emploi et 27% d’entre eux ont besoin de ces rentrées financières pour subvenir à leurs besoins vitaux et payer leur logement. Et cette perte de leur job ne leur donne pas forcément accès à la sécurité sociale pour un revenu de remplacement, vu le nombre insuffisant de jours de travail ou comme ce peut être le cas pour des jeunes occupant massivement des emplois précaires (50% des CDD et 70% des emplois intérimaires, occupés par des jeunes de moins de 35 ans – chiffres des Jeunes CSC).
Des aides sociales ont été allouées aux conseils sociaux des établissements scolaires, mais les étudiants ne sont, dans une grande majorité (75%) des cas, pas au courant de l’existence de ces aides, tout comme des aides Covid pouvant être demandées aux CPAS. Quant aux demandes de revenu d’intégration, l’Enquête Impact Covid-19 d’octobre 2020, publiée par le SPP Intégration sociale, ne semble pas montrer d’augmentation significative du public étudiant.
Selon la Fédération des étudiants francophones (FEF), près de 32% des étudiants ont perdu complètement ou partiellement leur emploi.
Par un autre bout de la lorgnette
D’autres enquêtes ont été menées, notamment par le secteur bancaire, permettant d’évaluer la manière dont les jeunes ont vécu la crise du coronavirus sur le plan financier. C’est ce que révèle l’enquête réalisée par le bureau d’étude et de conseil Indiville, à la demande de Febelfin, auprès de 1.000 jeunes de 16 à 30 ans: les jeunes perçoivent nettement l’impact de la pandémie sur leurs finances. Environ 45% des jeunes Belges rencontrent des difficultés financières et pour 13% d’entre eux, il s’agit de problèmes financiers sérieux. Les causes: la perte de leur job étudiant, pour 41% d’entre eux, le chômage temporaire (6%), la baisse de l’argent de poche d’au moins 50 euros (16%), ou le fait de devoir soutenir financièrement leurs parents (12%). 35% des jeunes pensent effectivement que leurs parents éprouvent des difficultés financières.
Environ 45% des jeunes Belges rencontrent des difficultés financières et pour 13% d’entre eux, il s’agit de problèmes financiers sérieux (enquête Febelfin).
En matière d’épargne, 48% des jeunes estiment que cette dernière a été amoindrie en raison de la crise économique liée au Covid, 15% ne peuvent plus rien mettre de côté et 5% entament leurs réserves. Mais, en creux, 52% des jeunes peuvent épargner suffisamment et 36% d’entre eux économisent même plus qu’avant la crise. Quoi qu’il en soit, l’inquiétude est présente chez 39% des jeunes et pour 56% des jeunes qui subissent financièrement l’impact du Covid.
Autre donnée prise en compte dans cette enquête: leurs connaissances financières. Seuls 27% s’attribuent une note élevée (entre 8 et 10/10). En revanche, 24% des jeunes se donnent un très mauvais score (entre 0 et 5/10). Leur méconnaissance porte notamment sur les emprunts, les assurances, l’épargne-pension et les impôts. Mais, plus grave, 48% des jeunes ne savent pas comment gérer un budget. Par voie de conséquence, les jeunes qui rencontrent des problèmes financiers ont un niveau d’implication faible par rapport à leurs finances et ceux qui ne connaissent pas de difficultés sont plus souvent impliqués, ce qui peut creuser encore davantage les difficultés, faute de réaction adéquate.
Des aides plus importantes pour les jeunes?
En France, lors de la conférence de presse du 26 novembre 2020, Jean Castex, le Premier ministre français, et Élisabeth Borne, ministre de l’Emploi et du Travail, ont annoncé des mesures de soutien pour les 18-25 ans. Une aide financière jusqu’à 500 euros par mois pour les jeunes diplômés sans ressources et sans soutien financier de leurs parents, mais aussi ceux ne pouvant plus financer leurs études ou leur recherche ou encore les jeunes faisant l’objet d’un accompagnement par un conseiller de Pôle Emploi ou de l’APEC (Association pour l’emploi des cadres). Par ailleurs, en 2021, la Garantie Jeunes qui s’adresse aux jeunes de 16 à 26 ans, en précarité, sans emploi ni formation, va être étendue au double des jeunes concernés jusqu’ici (100.000 au lieu de 50.000): elle permet un accompagnement personnalisé et donne droit à une aide financière de 497 euros par mois maximum.Des primes à l’embauche, la création de 20.000 jobs «étudiants tuteurs» ou encore une aide exceptionnelle accordée aux boursiers de 150 euros complètent ce dispositif.
Et en Belgique, qu’est-ce qui est prévu? Si La FEF a revendiqué dès mars 2020 la création d’un Fonds social pour les étudiants jobistes, étant donné qu’ils ne sont en général pas concernés par le chômage temporaire, mais cette option n’a pas été retenue. Le gouvernement a préféré neutraliser les heures prestées par les étudiants de manière à permettre à cette catégorie de travailleurs de venir renforcer les effectifs dans les secteurs dits essentiels comme la grande distribution, mais cela ne concerne certainement pas tous les étudiants, notamment ceux, nombreux, qui travaillaient par exemple dans l’horeca et qui ont perdu leurs jobs. Des fonds ont été alloués aux services sociaux des universités et hautes écoles, tout comme les aides Covid pouvant être obtenues auprès des CPAS. Mais ils restent mal connus et, pour certains besoins, insuffisants. Début décembre, l’UCLouvain en appelait aux dons pour acheter du matériel informatique pour les étudiants dans le besoin…
Le dernier numéro des Échos du Crédit et de l’Endettement est sorti !
Cet article est issu des Échos du Crédit et de l’Endettement (n°68 – janvier 2021). Les jeunes ont été touchés financièrement lors de la crise du Covid-19. Mais hors de la crise, certains étaient déjà mal embarqués. A peine lancés dans la vie, certains sont déjà en règlement collectif de dettes. Plusieurs articles font le point sur les difficultés financières des jeunes.