La mobilisation des magistrats francophones de la jeunesse, ce mardi 24 avril à Bruxelles, avait des accents d’exceptionnel. Une manifestation de magistrats, ce n’estdéjà pas légion. Mais en plus, celle-ci comptait sur une participation massive. Juges et substituts de la jeunesse étaient là en nombre, renforcés par laprésence de représentants d’autres secteurs, de l’aide à la jeunesse notamment. Rassemblés à l’initiative de l’Union des magistratsfrancophones de la jeunesse1, ils citent à comparaître les pouvoirs publics et les partis politiques, tirant ainsi « un signal d’alarme cinglant (…)concernant les enfants et les familles à l’égard desquels les magistrats sont trop souvent mis dans l’impossibilité de prendre leurs responsabilitéslégales ».
Rassemblement exceptionnel
L’Union francophone des magistrats de la jeunesse, si elle devait compter l’ensemble de ceux-ci, regrouperait 85 à 90 personnes. Si tous n’y sont pasreprésentés, n’y sont pas actifs, la manifestation de ce 24 avril a pu compter sur la présence des uns et des autres, constate Vincent Macq, substitut jeunesse au Parquetde Namur. Une force pour porter les revendications énoncées. La préparation des allocutions s’est voulue collective : les textes ont été transmis àtous, laissant à chacun la possibilité de réagir, d’interférer sur le débat. Et même si l’on connaît quelques divergences, sans doute le tongénéral convenait-il à la majorité.
Ce qui coince…
Qu’est-ce qui a motivé leur interpellation ? Récemment la loi de protection de la jeunesse a été réformée. Mais certaines situations restent sansréponse, dénonce l’Union des magistrats. Tandis que d’autres se voient définir des réponses insuffisantes, tenant de l’effet d’annonce, ouprivées des moyens ad hoc pour leurs mises en place.
Parmi les situations rencontrées et qui, en termes de réponse, font face à des vides, l’Union cite par exemple les fugues à répétition sansdélits ou la prostitution. « Un mineur même en péril extrême, ne peut être ‘enfermé’, ou plutôt contenu, fût-ce pour tenter del’arracher à la traite des êtres humains ». Autre exemple : les toxicomanies lourdes.
Parmi les « réponses insuffisantes », l’Union aborde les « cas psychiatriques » : « le manque cruel de prises en charge se fait sentir chaque jour,malgré les 44 places annoncées à terme ». Elle parle également des mineurs étrangers non accompagnés, les Mena, pour lesquels « les structuresd’accueil existent depuis peu et en sont encore à leurs balbutiements ». Seules 40 places existent dans des structures spécialisées ; « ce chiffre sembleridicule au regard du nombre croissant de demandes ».
Bien entendu, l’Union évoque aussi les prises en charge dans le cadre stricto sensu de la nouvelle loi de protection de la jeunesse. Des illusions, dit-elle. « Laréalité nous démontre que le politique ne s’est pas doté des moyens matériels suffisants pour mettre en œuvre ce texte ambitieux. Par conséquent,chaque jour, les magistrats de la jeunesse sont limités dans leur action et doivent prendre leur décision en fonction des moyens disponibles, lorsqu’ils existent, alors mêmeque ces moyens disponibles ne constituent pas nécessairement la réponse la plus adéquate. Pire encore, de nombreux magistrats doivent régulièrement faire le constatde l’absence de réponse disponible et renvoyer le jeune dans son milieu sans autre forme de réponse ! »
La fédéralisation n’est pas la solution
L’Union se positionne quant à l’attitude politique à adopter. Ressort alors le débat en cours de la (re)fédéralisation de l’aide à lajeunesse. « Refédéraliser aux seules fins de refinancer, avance l’Union, risque d’empêcher la cohérence éducative voulue par la loi elle-même: vive la complémentarité du décret de 91 et de la loi de 65 qui s’imbriquent à tous niveaux. Il ne faut pas se limiter à la prise en charge des seuls mineursqui ont transgressé, avec plus de moyens, c’est inique ! De plus, cela réduit l’enfant à son acte et le stigmatise : faisons fonctionner ce qui existe sur papier etdonnons une place véritable à toutes les familles et à ceux qui s’en occupent au quotidien, voilà l’enjeu ! »
Dans le lot des dispositifs de papier que critique l’Union, elle cite entre autres le concept des éducateurs référents. Une mesure à hauts potentiels, si elles’incarnait réellement.
Prévue dans la loi, mais sans que soit déterminée sa date d’entrée en application, elle permettrait avantageusement d’ « accrocher » un jeune, derestaurer le lien entre le jeune et la société. Un dispositif qui n’est pas sans faire penser aux discussions lors des carrefours de l’aide à la jeunesse, àpropos d’un manque de fil rouge entre les diverses prises en charge.
Plus de placements non plus
S’inscrivant en faux contre l’idée reçue que juges et procureurs seraient nécessairement demandeurs de plus de placements, l’Union plaide pour plus de prisesen charge au sens large. Elle cite par exemple l’accueil familial, le sport aventure et les activités d’aide sociale ou humanitaire, la lutte contre le décrochage scolaire,etc.
Sur la question de la fédéralisation, la presse s’est faite l’écho des réactions des ministres concernées, Catherine Fonck pour la Communautéfrançaise et Laurette Onkelinx pour le Fédéral. Si cette dernière prône une réfédéralisation de l’aide à la jeunesse, la premièreconsidère que « les limites budgétaires de la Communauté française ne doivent pas constituer un prétexte à une re-fédéralisation, qui està mon sens inopportune, mais plutôt conduire le gouvernement fédéral à assumer structurellement les coûts induits par ses décisions politiques. C’estlà le sens de la proposition sur le droit de tirage. »
Les interpellations en Commission parlementaire de l’aide à la jeunesse, de la Communauté française n’ont pas manqué de suivre l’action des magistrats. Paul Galandinsiste sur le travail déjà en cours à la Commission qu’il préside. « Elle doit disposer du temps nécessaire pour atteindre l’objectif plusieurs foisrépété: distinguer les mesures qui portent des fruits et auxquelles attribuer les moyens de celles qui n’en portent pas et qu’il faut retirer ou changer ».
1. Secrétariat de l’Union, Delphine Lebeau – tél. : 067 28 22 65 –
courriel : delphine.lebeau@just.fgov.be