Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Archives

Les maisons de jeunes, solubles dans l'insertion ?

Un projet pilote est lancé en Wallonie pour renforcer les collaborations entre les maisons de jeunes (MJ) et les centres d’information jeunesse (CIJ) d’une part et le secteur de l’insertionsocioprofessionnelle d’autre part.

30-01-2009 Alter Échos n° 266

Un projet pilote de collaboration renforcée entre les maisons de jeunes (MJ) et les centres d’information jeunesse (CIJ) d’un côté et le secteur de l’insertionsocioprofessionnelle de l’autre est actuellement en cours d’expérimentation en Région wallonne.

Opérateurs de terrain « éclairés » dès lors qu’il s’agit d’établir un contact direct avec les jeunes, les maisons de jeunes et les centresd’information jeunesse pourraient bientôt, s’ils le désirent, mettre cette caractéristique au service de l’insertion socioprofessionnelle (ISP). « Le but du projetpilote sur lequel nous travaillons est de permettre aux maisons de jeunes et aux centres d’information jeunesse d’établir un partenariat, sur base volontaire, avec les opérateurs dusecteur de l’insertion socioprofessionnelle, déclare Jean-Paul Bonjean, expert au cabinet de Marc Tarabella (PS), ministre de la Formation de la Région wallonne et de la Jeunesse pourla Communauté française1. Nous partons du principe que les MJ et les CIJ ont un rôle éclairé à ce niveau puisque ce sont eux qui se trouvent encontact direct avec les jeunes. L’objectif est donc de leur permettre de développer une collaboration, sous forme de conventions accompagnées d’incitants financiers, avec desopérateurs locaux d’ISP. Les MJ et les CIJ pourraient ainsi être au courant de ce qui se passe au niveau de l’ISP tout près de chez eux et le relayer vers leur public et, parailleurs, être en mesure de relayer les demandes émanant de leur public vers l’ISP. »

Dans une note gouvernementale datée du 18 avril 2008, le but du projet est d’ailleurs détaillé ainsi : « L’intérêt de cette convention entre unopérateur local d’insertion socioprofessionnelle et une maison de jeunes est de garantir le passage d’information d’un organisme vers l’autre, de provoquer la création de liens entreles responsables et d’organiser des actions spécifiques, d’information ou d’animation, à destination des jeunes. »

Une « sortie de cadre » ?

Si l’initiative semble louable, il n’en reste pas moins qu’elle pourrait faire craindre une « sortie de cadre » en ce qui concerne les missions des MJ et CIJ, définiesdans le décret sur les centres de jeunes. Ainsi, Antoinette Corongiu, directrice faisant fonction de la Fédération des maisons de jeunes en Belgique francophone(FMJBF)2 se veut prudente. « Nous n’étions pas a priori contre ce projet mais il nous a d’abord semblé bon d’effectuer un état des lieux concernantl’ensemble des maisons de jeunes afin de savoir si c’était bien un sujet dont nous devions nous emparer. »

On le voit, la FMJBF semble très pointilleuse dès lors qu’il s’agit de toucher aux missions des MJ. Pas question pour elle de les faire entrer dans le champ du social ou del’accompagnement. « Nous pensons qu’il est important que les MJ restent dans le champ du culturel », affirme la directrice. Néanmoins, cette position n’implique pas unrejet total du projet. « Pour l’état des lieux, nous avons, en compagnie des deux autres fédérations de Maisons de jeunes, FOR’J et la Fédération descentres de jeunes en milieu populaire (FCJMP), engagé trois chargés de mission. Le résultat de leurs investigations est qu’il est clair que certaines maisons de jeunes, selon lesparticularités et les problématiques de la zone où elles se trouvent, n’ont pas attendu ce projet pilote pour mettre en place des initiatives centrées sur l’emploi. Nouspensons d’ailleurs qu’il faut laisser aux MJ la possibilité d’orienter leur travail selon un axe approprié à leur situation. »

Par rapport au projet pilote, Antoinette Corongiu pose un constat clair : « Nous avons recensé trois types de maisons de jeunes. Certaines, minoritaires, sont tout à faitcontre le projet. D’autres, minoritaires également, sont dans la position inverse et voudraient aller plus loin dans cette démarche. Enfin, la majorité des MJ se trouve dans unvoie médiane qui consiste à dire que, si elles restent vigilantes au respect de leurs missions3, elles ne sont pas non plus opposées à l’idée de mettreen place des séances d’information à destination des jeunes. » Une position qui sera d’ailleurs défendue par la FMJBF lors d’une réunion organisée le 11février prochain et qui mettra en présence tous les acteurs impliqués (maisons de jeunes, centres d’information de jeunes, les ministres Marc Tarabella et Jean-Claude Marcourt(PS), ainsi que l’interfédé de l’ISP). « Nous défendrons l’idée que les maisons de jeunes qui le désirent peuvent établir une convention aveccertains opérateurs ISP afin de participer à des séances d’information organisées dans le but de sensibiliser les jeunes à leurs droits et aux possibilitésoffertes en matière d’emploi dans la zone qui les concerne. Mais cela se limitera à cela. Nous ne sommes pas favorables à un rôle d’interface avec le Forem, par exemple.Nous ne voulons pas de dérive », conclut Antoinette Corongiu. Des inquiétudes que Jean-Paul Bonjean tente d’apaiser : « Il n’est pas question de transformer cesopérateurs en plate-forme pour l’emploi, il n’y aura pas d’instrumentalisation des MJ et des CIJ. Rappelons que la collaboration se fera sur base volontaire. Il faut également garderà l’esprit qu’il s’agit juste ici d’initier un dialogue entre le secteur de la jeunesse et celui de l’ISP. »

D’autres fédérations plus enthousiastes

Si la FMJBF semble prudente, la Fédération des centres de jeunes en milieu populaire (FCJMP)4 paraît quant à elle un peu plus enthousiaste. Il faut dire quecette fédération insiste traditionnellement un peu plus sur le côté « social », en comparaison avec la FMJBF qui axe plutôt sa philosophie surl’émancipation culturelle des jeunes. « Je pense que cette initiative est assez positive, déclare Pierre Evrard, coordinateur de la FCJMP. Le fait est que beaucoup de jeunesavec lesquels nous sommes en contact disposent de peu de compétences valorisables et accusent un retard pédagogique assez important. Nous pensons que ces problèmes sociauxdoivent d’abord être résolus si l’on veut ensuite avoir accès à la culture. En cela, nous avons un regard un peu différent de celui de la FMJBF. Dès lors,permettre à certaines MJ d’accompagner socialement les jeunes au niveau local afin de leur permettre de remettre le pied à l’étrier de l’emploi peut être une bonne chose.D’ailleurs, certaines MJ développent déjà un « accompagnement emploi » poussé parce que la zone où elles se trouvent rend cettedémarche nécessaire. » La FCJMP semble donc vouloir « aller plus loin » à ce niveau que la FMJBF, même si Pierre Evrard convient qu’il estencore un peu tôt pour savoir où. « La réunion du 11 février
sera une bonne occasion de discuter. Mais il faut bien sûr voir si le milieu de l’ISP estégalement intéressé… »

Enfin, notons que du côté des centres d’information jeunesse, le ton est également positif. « Je comprends l’inquiétude de certaines maisons de jeunes maispour les CIJ, ce projet entre assez bien dans nos missions d’information généraliste, affirme Benoît Materne, directeur de la Fédération Infor JeunesWallonie-Bruxelles5. Il a, de plus, le mérite de mettre vraiment en contact deux secteurs, celui de la jeunesse et celui de l’ISP, qui ne se croisent bien souvent que partéléphone interposé… »

Pour conclure, il est important de savoir que les opérateurs du secteur de la jeunesse et les opérateurs ISP ayant participé au projet pilote feront une évaluationconjointe qu’ils renverront aux trois chargés de mission pour le 10 novembre 2009. Ceux-ci auront alors un mois pour faire l’évaluation du projet. Si celui-ci se révèlepositif, il pourrait alors être institutionnalisé et éventuellement étendu à la Région de Bruxelles-Capitale après accord.

1. Cabinet de Marc Tarabella :
– adresse : rue des brigades d’Irlande, 4 à 5100 Namur
– tél. : 081 32 34 11
– site : www.tarabella.wallonie.be
2. FMJBF :
– adresse : place Saint-Christophe, 8 à 4000 Liège
– tél. : 04 223 64 16
– site : www.fmjbf.org
3. À savoir : mettre en œuvre et promouvoir des pratiques socioculturelles et de création chez les jeunes ; favoriser le développement d’une citoyenneté critique,active et responsable, principalement chez les jeunes de 12 à 18 ans, par une prise de conscience des réalités de la société, des attitudes de participation activeà la vie sociale, économique, culturelle et politique.
4. FCJMP :
– adresse : rue Saint-Ghislain, 20 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 513 64 48
– courriel : infos@fcjmp.be
– site : www.fcjmp.be
5. Fédération Infor Jeunes Wallonie-Bruxelles :
– adresse : rue Saint-Nicolas, 2 à 5000 Namur
– tél. : 081 33 74 40
– courriel : federation@inforjeunes.be
– site : www.inforjeunes.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)