Qualifié d’« ultrasensible » par certains, le dossier des Mire (missions régionales pour l’emploi) n’est pas clos. Celles-ci n’auraient pas encore reçu le rapport de l’inspection sociale les concernant. Et le cabinet d’André Antoine1 annonce une évaluation du secteur.
En novembre 2011, le Mire tiraient la sonnette d’alarme : déjà tendue, leur situation financière risquait de devenir intenable, au point de menacer une partie de l’emploi (voir le blog d’Alter Echos sur lesoir.be , 18 novembre 2011 : « Les Mire se fâchent, Antoine réplique »). Des déclarations qui mettaient le feu aux poudres dans les travées du parlement wallon où André Antoine (CDH), ministre wallon de l’Emploi et du Budget, se voyait assailli de questions, sans toutefois se laisser démonter2. Et en contre-attaquant même, un rapport de l’inspection sociale à l’appui.
D’après le ministre, ce document ferait en effet état de nombreux problèmes dans le chef des Mire, notamment relatifs à l’éligibilité de certaines dépenses ou à la prise en charge par les missions régionales de stagiaires qui n’auraient pas dû l’être au regard du décret de 2009 régissant le secteur. Pire : d’après l’élu CDH, certaines Mire disposeraient de plus d’un million d’euros de provisions et de réserves. Et le ministre de mentionner des montants disponibles dont bénéficieraient les Mire pour une somme totale de 9 882 000 euros alors que le budget annuel du dispositif est de 11 400 000 euros… L’Intermire3, quant à elle, déclarait vouloir « se donner le temps de répondre ». « Pour ce qui concerne l’aspect financier, les conseils d’administration des différentes Mire vont réagir, nous expliquait-on. Pour d’autres chiffres, il faut que nous puissions disposer du rapport afin de confronter les nôtres à ceux qui sont cités par le ministre. »
Un rapport fort demandé
Deux mois et demi plus tard, qu’en est-il ? Si une délégation syndicale a bien été reçue à deux reprises par des représentants du cabinet, « nous n’avons toujours pas reçu le rapport de l’inspection sociale, et les conseils d’administration des Mire non plus », déplore Paulette Gerbehaye, coordinatrice de l’Intermire.
Des propos que confirme Claire Ponchau, directrice de la Mirewapi4 (Mission régionale de Wallonie picarde, ancienne Mirho). « Nous avons demandé à avoir le rapport en septembre, mais nous n’avons pas eu de nouvelles. Suite aux rencontres du cabinet et des syndicats, il nous a été dit qu’il fallait introduire une demande auprès du cabinet, ce que nous avons fait en janvier. A ce jour, nous attendons le rapport. S’il y a des choses à revoir, qu’on nous le dise, même si nous ne nous sentons pas vraiment concernés. » Du côté d’une autre Mire, qui préfère, elle, rester anonyme, la situation est identique. « Nous avons demandé le rapport il y a deux mois et nous l’attendons toujours, nous explique la direction. Le problème, c’est que nous ne savons pas ce qui nous est reproché, nous attendons donc de le savoir avec impatience avant de communiquer sur ce sujet. »
Le rapport n’est d’ailleurs pas attendu que par les Mire. Certains parlementaires seraient aussi intéressés, comme Pierre-Yves Jeholet5 (MR), député au parlement wallon, qui nous a confirmé avoir demandé le document dans une question écrite au ministre. Joëlle Kapompolé6 (PS), présidente de la commission du Budget, des Finances, de l’Emploi, de la Formation, des Sports et de la Politique aéroportuaire, nous a également affirmé qu’elle en ferait aussi la demande.
Le secteur bientôt évalué
Au cabinet du ministre, la position est claire : « Chaque Mire a et aura le droit de demander le rapport qui la concerne, comme nous l’avons promis aux organisations syndicales », explique Philippe Mattart, chef de cabinet. Cela dit, il ne serait pas question à l’heure actuelle d’en faire une diffusion plus large. « Nous devons respecter une certaine confidentialité, notamment pour les Mire, explique notre interlocuteur. Le ministre n’a pas l’intention d’en faire un succès de librairie. »
En clair, pas question donc – du moins pour l’instant – de diffuser le rapport à l’Intermire ou aux parlementaires. « Cela dit, l’Intermire a été associée à la réalisation du cahier des charges pour l’évaluation du secteur, nous ne travaillons donc pas à la hussarde », souligne Philippe Mattart. Evaluation du secteur ? En effet, à entendre cette dernière phrase, une autre information d’importance semble sur la table : un marché public aurait été lancé pour la réalisation d’une évaluation (ou d’un « audit », selon les versions) du secteur, à l’image de ce qui a été fait il y a peu pour les EFT/OISP (entreprises de formation par le travail/organismes d’insertion socioprofessionnelle) (voir Alter Echos n° 312 du 19 mars 2011 : « [url=https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=312&l=1&d=i&art_id=21111]Le secteur des EFT/OISP passé au crible[/url] »). « Le marché n’a pas encore été attribué, ce qui devrait être fait fin février, début mars », précise Philippe Mattart. Attendu en juin, le texte pourrait servir de base à une modification du décret du 19 mars 2009 régissant le secteur (voir Alter Echos n° 268 du 27 février 2009 : « [url=https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=268&l=1&d=i&art_id=18703]Juste une Mire au point[/url] »).
Rappelons à ce sujet que cette initiative se situe plus globalement dans le contexte de l’accompagnement individualisé des chômeurs. Dans ce cadre, un « contrat de coopération » sera signé entre le Forem et les opérateurs et prévoira les engagements des deux parties. Or on se souvient que les EFT/OISP, toujours, s’étaient montrées quelque peu inquiètes à ce sujet puisqu’elles craignaient d’être contraintes d’accueillir tous les demandeurs d’emploi que le Forem leur « adresserait » (voir Alter Echos n° 299 du 16 juillet 2010 : « Le nouveau DIISP pointe le bout de son nez »). Est-ce à dire que les Mire pourraient se retrouver dans la même situation ? « Il y aura un principe d’adressage, oui, explique Philippe Mattart. Mais il ne s’agit pas ici de faire une OPA sur les opérateurs. Il s’agit de mieux cadrer les compétences des Mire, d’améliorer les modalités de financement. »
Vers un adressage « inconditionnel » ?
Ce point pourrait cependant poser question pour les Mire puisque celles-ci ont notamment des objectifs chiffrés à remplir. Elles doivent ainsi insérer « durablement » (c’est-à-dire au moyen d’un contrat de six mois minimum) 50 % de leur public sur le marché de l’emploi. Dès lors, si l’hypothèse devait se confirmer, se voir contraint d’accepter et d’insérer un public adressé qui ne serait pas forcément motivé risque de rendre leur tâche compliquée. « A l’heure actuelle ne nous sont adressées que des personnes qui sont d’accord avec le fait de venir chez nous. Si nous étions obligés de recevoir des personnes pas ou peu intéressées, notre travail deviendrait compliqué du fait de nos objectifs chiffrés », admet Claire Ponchau.
Un constat que fait également la direction de la Mire préférant rester anonyme. « Un adressage « inconditionnel » ne nous étonnerait pas (à l’heure actuelle, nous trouvons d’ailleurs que le Forem est plus dans un rôle de régisseur que d’ensemblier) et nous nous retrouverions alors un peu pris en ciseau… Cela dit, nous sommes attachés à notre objectif d’insertion durable et notre impression à ce sujet est que le ministre insiste plus à l’heure actuelle sur une mission d’accompagnement, qui nous ferait perdre notre spécificité, notre valeur ajoutée par rapport au Forem. »
Néanmoins, malgré ce constat, cet interlocuteur reste plutôt positif face à l’idée d’une évaluation du secteur, qui plus est réalisée par un « externe ». « Notre volonté est que toute la transparence soit faite, il n’est donc pas plus mal que l’évaluation soit réalisée par un intervenant externe. » Seul petit bémol, pour les deux Mire interrogées : l’échéance de juin semble un peu lointaine. Et on dit attendre les modalités de sa réalisation. « Nous recevons de l’argent public, il est normal que nous devions justifier notre travail, détaille Claire Ponchau. Mais il serait bien que les visites se fassent à un moment opportun. Pour le rapport de l’inspection, elles ont eu lieu en juin, juillet et août, ce qui n’était pas évident. »
1. Cabinet d’André Antoine:
– adresse : rue d’Harscamp, 22 à 5000 Namur
– tél. : 081 25 38 11
– site : http://antoine.wallonie.be
2. Le ministre a ainsi notamment annoncé qu’il ménagerait l’indexation 2012 des Mire comme il le fera pour les EFT et OISP pour lesquels l’indexation a été prévue par le gouvernement.
3. Intermire :
– adresse : rue Auguste Picard, 20 à 6041 Gosselies
– tél. : 071 34 74 77
– site : http://www.intermire.be
4. Mirwapi (Mirho) :
– adresse : rue de la Borgnette, 19 à 7500 Tournai
– tél. : 069 84 64 07
– courriel info@mirho.be
– site : http://www.mirho.be
5. Bureau de Pierre-Yves Jeholet :
– adresse : rue de la Clef, 41 bte 6C à 4650 Herve
– tél. : 087 33 36 33
– site : http://www.jeholet.be
6. Bureau de Joëlle Kapompolé :
-adresse : chaussée de Beaumont, 101 à 7000 Mons
– tél. : 0498 19 43 28
– courriel : kapompole@gmail.com
– site : http://www.kapompole.be