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Les politiques européennes pour l’emploi : quid de l’État social actif ?

Présenté par les uns comme un indispensable outil de rattrapage pour une Belgique mauvaise élève de l’Union européenne, critiqué par les autres commemachine d’inspiration néolibérale imposée par les instances européennes, le Plan d’accompagnement se trouve visiblement au cœur d’un débat dont les termesdépassent nos frontières. Qu’en est-il exactement ?

04-05-2007 Alter Échos n° 228

Présenté par les uns comme un indispensable outil de rattrapage pour une Belgique mauvaise élève de l’Union européenne, critiqué par les autres commemachine d’inspiration néolibérale imposée par les instances européennes, le Plan d’accompagnement se trouve visiblement au cœur d’un débat dont les termesdépassent nos frontières. Qu’en est-il exactement ?

Les politiques européennes pour l’emploi : «Le début ne laisse pas présager la fin» (Hérodote)

Le plein emploi est un des objectifs de l’Union instauré par l’article 2 du Traité sur l’Union européenne en vertu duquel « l’Union se donne pourobjectif de promouvoir le progrès économique et social ainsi qu’un niveau d’emploi élevé ». C’est dans ce cadre et, sous la pression des opinionspubliques nationales, qu’a été introduit, en octobre 1997, par le traité d’Amsterdam modifiant le traité de Rome du 25 mars 1957, un titre nouveau (articles125 à 130). Il promeut l’emploi au statut d’un objectif d’intérêt commun, ce qui exige une concertation entre les différents États membres. Pour cefaire, le traité met en place un mécanisme du même ordre que ceux utilisés pour les politiques économiques, à savoir l’établissement de lignesdirectrices dont chaque État membre est appelé à tenir compte dans ses politiques nationales. À la suite de l’élaboration de ces dernières, chaqueÉtat membre doit transmettre aux instances européennes un rapport annuel (Plan d’action national) décrivant les différentes mesures prises au regard des lignesdirectrices. Cet élargissement de l’agenda communautaire aux questions sociales et de l’emploi durant les années 1990 est consécutif à la persistance d’un tauxde chômage élevé dans la plupart des États membres.

Ensuite, lors du Conseil de Luxembourg de décembre 1997, une Stratégie européenne pour l’emploi (SEE) est mise en place sur base du titre VIII du traitéd’Amsterdam. Cette stratégie s’inscrit dans un mode régulatoire complémentaire à ceux déjà existants : la méthode ouverte de coordination(MOC) qui sera officialisée lors du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000. C’est durant ce même mois qu’ont été adoptées les premièreslignes directrices pour l’emploi. Philippe Pochet (Observatoire social européen) et Jeanine Goetschy (Institut d’études européennes – ULB) mettent toutefois en évidence lecaractère de subordination de ces mécanismes à la politique économique commune. En effet, des objectifs tels que la stabilité des prix et l’obligation de nondépassement d’un déficit public de 3 % prennent, selon eux, souvent le pas sur une lutte active et efficace contre le chômage. De plus, ces auteurs nuancent l’impactdes lignes directrices sur les politiques nationales dans le sens où les plans d’action nationaux – retraçant les politiques de l’emploi mises en œuvre durantl’année écoulée – ne consistent généralement qu’en une simple description et justification des politiques menées et non en une applicationdirecte de ces mêmes lignes directrices.

C’est néanmoins dans le contexte de la SEE que, lors du Conseil de Lisbonne de mars 2000, est instaurée la stratégie de Lisbonne, sous l’impulsion principale deTony Blair et José Maria Aznar, ainsi que de la présidence portugaise. Cette stratégie donne pour but à l’Union de devenir, durant la décennie future, «l’économie de la connaissance la plus compétitive et dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable avec une plus grande quantité etqualité de l’emploi et une plus grande cohésion sociale ». Cette stratégie induisant, entre autres, « la modernisation du modèle social,l’investissement des individus et la lutte contre l’exclusion sociale » pour pouvoir répondre au vieillissement de la population, ainsi que pour garantir lapérennité de l’État social.

Néanmoins, comme cela sera confirmé lors du conseil européen de Bruxelles en mars 2003, les États membres déclarent vouloir maintenir les systèmes desolidarité, afin de garantir la cohésion sociale. Il s’agit, dès lors, de créer une véritable dynamique s’axant sur deux plans. Premièrement, lesÉtats membres doivent s’activer à développer des organismes de formation destinés à permettre aux chômeurs de regagner le marché del’emploi. La stratégie insiste, notamment, sur la nécessité d’organiser des structures de formation continue au niveau local, pour aider au développementd’aptitudes spécifiques et pointues ; une telle formation étant indispensable pour ne pas être dépassé par une technologie en pleine évolution.Deuxièmement, il s’agit de pousser le chômeur à rechercher activement un emploi. Ce dualisme formation-activation se retrouve dans le Plan d’accompagnement et de suivides chômeurs tel qu’il a été conçu en Belgique.

Lignes directrices pour l’emploi 2003-2005 : cadre européen du Plan

En juillet 2003, dans le cadre de la Stratégie européenne pour l’Emploi, le Conseil, sur proposition de la Commission, a mis en exergue les lignes directrices pour lesannées 2003 à 2005. C’est en relation avec ces dernières que doit être envisagée la création du plan d’accompagnement belge. Ainsi, d’unepart, l’objectif premier des lignes directrices consiste en la mise en œuvre « de mesures actives et préventives en faveur des chômeurs et des inactifs » dans ledouble but d’éviter le passage dans le chômage de longue durée, et de garantir un accès à des mesures permettant d’améliorer les aptitudes et leschances de réintégrer le marché de l’emploi. L’objectif concret à atteindre pour 2010 visait à permettre à 25 % d’avoir accès à desformations complémentaires. D’autre part, l’objectif 8 concerne tout particulièrement la Belgique : sa finalité est de valoriser financièrement l’emploiau moyen de différents incitants à travailler (évitements du piège à l’emploi et réforme du système d’indemnisation du chômage).

Les politiques européennes pour l’emploi et l’État social actif : une analogie pertinente ?

La philosophie sous-jacente à la politique européenne pour l’emploi intègre différents éléments centraux de la notion d’État social actif,même si elle n’utilise pas le terme. Le mélange caractéristique d’une visée d’égalisation des chances et de rhétorique des droits
et des devoirs du demandeurd’emploi se retrouve en effet identiquement dans les lignes directrices et dans les développements théoriques et pratiques auxquels l’État social actif a donné naissance.

Matthieu Burnay et Céline Race

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