Que peuvent faire les référents sociaux en matière d’insertion socioprofessionnelle ? Les Régie des quartiers (RDQ) constituent une bonne piste de collaboration… qui ne date cependant pas d’hier
Le logement social peut-il servir d’écrin à un travail de (ré)insertion, qu’elle soit sociale ou professionnelle ? A vue de nez, la réponse est à tous les coups positive, même si la situation n’a pas toujours été aussi évidente. Anne Jadin est responsable du service prévention et accompagnement des locataires de l’Immobilière publique du centre et de l’est du Brabant wallon (IPB). Elle est aussi référente sociale pour l’IPB depuis janvier 2013. Et lorsqu’elle débuta en 1985 son parcours professionnel en tant que travailleuse sociale (date qui marque la création d’un « pôle » social au sein de la société), ce type de démarche n’allait pas de soit. « A l’époque le focus était mis sur les « briques », et pas sur le social », nous explique-t-elle.
Néanmoins, avec les années, la situation évolue… de même que celle des locataires des logements sociaux, porteurs de problèmes de plus en plus variés. Une évolution qui continue d’ailleurs encore à l’heure actuelle puisque Anne Jadin dit constater, depuis une dizaine d’années, un « mal-être » qui augmente, lié au manque d’emploi, d’activités, avec des questions relatives à la santé mentale de plus en plus prégnantes. « Cette évolution nous a poussés à bouger. Nous ne pouvions plus seulement gérer le patrimoine. »
1995, l’année des Régies des quartiers
En 1995, en réponse à cette évolution, c’est donc elle qui porte le projet de création d’une Régie des quartiers (voir encadré), implantée aujourd’hui à Céroux-Mousty, et qui est active sur les quartiers de logements publics d’IPB sur le territoire d’Ottignies-Louvain-la-Neuve et de Court-Saint-Etienne.
1995, c’est aussi l’année de la création d’autres Régies des quartiers, dont la RDQ de Châtelet, rattachée à l’époque à la société de logement « L’habitation moderne » avant que celle-ci ne fusionne en 2005 avec deux autres sociétés (actives sur Bouffioulx et Châtelineau) pour former « Le Logis Châtelettain ». Car rappelons-le, les RDQ pouvaient être considérées comme un service des sociétés de logement jusqu’en 2004, moment où un arrêté du gouvernement wallon les invita à se constituer en asbl. « Le travail social a été initié il y a 18 ans par l’implantation d’une Régie des quartiers au sein des quartiers d’habitations sociales de Châtelet. Le service social du Logis Châtelettain, initié en 2005, trouve donc sa genèse dans cette initiative », retrace Dorothée Minot, cheffe de service du service social du Logis et référente sociale depuis octobre 2012.
On le voit, aussi bien du côté du Brabant wallon que du Hainaut, on n’a pas attendu la mise en place des référents sociaux pour s’intéresser aux questions d’ISP, créer un service social au sein des sociétés de logement, et une Régie dans certains quartiers d’habitations.
Quelles relations ?
Comment les relations entre le référent social et la Régie des quartiers s’articulent-elles ? L’arrêté wallon de 2004 prévoit que les Régies des quartiers soient dirigées par un comité restreint dont le rôle est notamment de choisir les chantiers formatifs et d’effectuer le suivi et l’évaluation individuelle des stagiaires. « Ce comité s’occupe de la gestion quotidienne. J’en fais partie », explique Anne Jadin. Il s’agit donc d’un bon endroit pour coordonner l’action de la société de logement et de la Régie, pour faire remonter des pistes de travail pour celle-ci, que ce soit en termes d’insertion socioprofessionnelle ou d’action de redynamisation des quartiers.
Même situation et même constat du côté du Logis Châtelettain où on note que « La Régie participe à l’aménagement des espaces communs des cités de logements, à l’aménagement des aires de convivialité ». Concrètement, la société de logement donne l’opportunité aux stagiaires de la Régie de travailler à l’aménagement des espaces communs des logements en guise de chantiers formatifs dans le domaine des métiers du bâtiment.
Sur les deux sites, il s’agit donc d’une logique qui permet aux stagiaires d’« être valorisés en travaillant dans leur quartier, pour leurs voisins, leurs enfants », d’après Candice Frères, coordinatrice pédagogique de la Régie des quartiers de Châtelet. Un point important si l’on veut bien envisager les (autres) missions des Régies, comme l’insertion sociale mais aussi la redynamisation des quartiers. Dans cette optique, plusieurs événements sont organisés avec les habitants des quartiers, comme la fête des voisins. Les habitants peuvent également faire « remonter » certaines suggestions (que ce soit en termes d’aménagement des espaces communs ou d’activités à mettre en place) notamment par le biais des Régies. Enfin, l’ensemble des intervenants insiste également sur l’importance des contacts informels entre les référents sociaux et les Régies.
Une Régie des quartiers est une asbl active sur des quartiers d’habitations sociales et/ou de rénovation urbaine. Deux missions lui sont dévolues : le développement de la dynamique de quartier et l’accompagnement à l’insertion socioprofessionnelle. Pour s’acquitter de cette dernière mission, elle met notamment en place des chantiers formatifs, principalement dans le domaine des métiers du bâtiment. Les stagiaires, qui doivent être demandeurs d’emploi et résidents sur la zone couverte par la RDQ, sont actifs à la Régie par périodes de trois mois, renouvelables trois fois (pour une présence maximum d’un an, donc).
En ce qui concerne la Régie des quartiers de Châtelet, deux services d’activités citoyennes sont actifs, chacun pour dix stagiaires. Outre celle concernant le bâtiment et les espaces verts, la Régie a développé d’autres filières comme l’« animation d’enfants » 3-12 ans, le nettoyage en titres-services, magasinier, aide auxiliaire polyvalente ou les travaux de bureau. Pour la Régie des quartiers d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, en plus de la section bâtiments/espaces verts, une section bureautique a également été mise en place pour un total de 20 stagiaires en 2012 pour les deux sections.
Il est à noter que pour les deux Régies, le taux de sortie positif (mise à l’emploi ou accès à une formation qualifiante) oscille entre 60 et 75 %.
Quels enjeux ?
Au rayon des priorités futures pour les référents sociaux dans le domaine de l’ISP, Dorothée Minot note que « L’enjeu majeur est de travailler de manière globale les problématiques rencontrées par les habitants. Il faut travailler l’insertion par le logement ». Néanmoins, pour Anne Jadin, il est à l’heure actuelle de plus en plus compliqué de faire remonter les demandes des familles. « Beaucoup de gens n’ont plus l’énergie de faire une demande, note-t-elle. Je constate à l’heure actuelle un plus grand repli des familles sur elles-mêmes. » Et dans ce contexte, les deux travailleuses s’accordent sur un point : le travail avec un réseau de partenaires efficaces est important. Les Régies des quartiers en font définitivement partie…
Depuis deux ans en Wallonie, les 68 sociétés de logement de service public (SLSP) se dotent l’une après l’autre d’un référent social, en quelque sorte un coordinateur social de la gestion locative. Dans ce numéro spécial Alter Échos dresse le portrait de ce dispositif qui se construit pas à pas, et continuera à mûrir.
Aller plus loin
Alter Echos n° 326 du 15 novembre 2011 « Une régie les mains dans la terre »
Alter Echos n °336 du 29 avril 2012 « La Régie des quartiers de Tubize met la main à la pâte »