Depuis longtemps en Europe, nos politiques recyclent les appels à opérer des restrictions budgétaires quasi-mécaniques qui affaiblissent les services publics. En 2013en Belgique, on se prépare à des économies d’1,5 milliard d’euros dans les dépenses publiques dont 710 millions pour la seule Sécurité sociale.
Dans ces temps d’austérité, parlons de la répression, un domaine où à l’encontre des reculs en aide sociale l’Etat augmente ses dépensesen fonction de ce qu’il appelle la sécurité locale. Le dispositif qui arrive en tête de la foule de projets et d’initiatives qui s’attaquent àl’« insécurité » depuis le début des années ’90, s’appelle « Sanctions Administratives Communales (SAC) »,instaurée par la loi de 13 avril 1999. Une SAC représente le pouvoir des autorités locales de réprimer les individus en dehors de tout contrôle juridique. Dans cecadre, des associations du secteur de la Jeunesse, de l’Aide sociale ainsi que des défenseurs de la liberté d’expression et des droits de l’homme se sont interrogésà partir des observations faites sur leurs terrains d’action : la répression des populations vulnérables se poursuit en même temps que leurs protections sociales sedissolvent. Ces acteurs sociaux ont décidé de se réunir et de mettre en place un collectif afin de sensibiliser la société face à ce qui est perçucomme une aberration administrative du système pénal.
Le rassemblement initié par le collectif SAC/GAS, ce 28 novembre, devant la maison communale d’Ixelles, avait notamment pour objet d’attirer l’attention sur le traitement des jeunes,des populations précaires et des militants associatifs sous les régimes des SAC. L’action visait également à montrer que ce système enfreint l’exercicede nos droits fondamentaux comme l’impossibilité de recours au pénal, il porte atteinte au principe de légalité des peines, il méconnaît le systèmeéducatif en vigueur pour la jeunesse et il aggrave la précarité des populations en marge, par exemple les sans-abri.
Nous avons choisi de mener notre action à Ixelles pour attirer l’attention du public sur une commune pionnière en matière de répression locale. 2006 fut lapremière année où cette entité a adopté le régime des sanctions administratives communales. A l’époque, le fonctionnaire sanctionnateur communal,l’agent non-juridique qui inflige les amendes, en a imposé 300. Par contre en 2012, le fonctionnaire sanctionnateur prévoit de verbaliser environ 6 000 contrevenants. Pour cefaire, la commune engage une équipe de quinze agents constateurs qui patrouille dans les espaces publics pour traquer les incivilités. En plus de ces agents de rue, une équipe desept personnes s’occupe de la gestion des dossiers au niveau administratif.
Au lieu de prendre du temps pour réfléchir à l’utilité et à la légalité d’une forme de répression qui existe hors d’unesurveillance juridique, nos politiques se montrent aujourd’hui prêts à élargir la portée des sanctions, surtout en abaissant l’âge minimal du contrevenantjusqu’à 14 ans, et de les rendre plus sévères. Cette initiative de réforme, introduite par la ministre de l’Intérieur, Joëlle Milquet (CDH), sepoursuit actuellement malgré les constats d’un usage inapproprié des amendes, malgré l’évidence que la loi actuelle contient des contradictions juridiques enmatière d’une procédure légale d’appel et du cumul des pouvoirs au personnage du fonctionnaire sanctionnateur et malgré l’absence d’un débatpublic sur le besoin et l’utilité de ces amendes.
Si le public a un intérêt légitime dans la répression des nuisances, nous insistons pour mettre cet intérêt en balance avec l’atteinte que cetterépression porte à nos valeurs démocratiques. Avant de se lancer à nouveau dans le renforcement des contrôles arbitraires sur notre vie en commun, engageons-nousà exiger que nos autorités locales ne deviennent pas une autre source d’insécurité.
Cory Potts, pour le SAC/GAS Collecti(e)f, qui rassemble des associations du secteur de la Jeunesse, de l’Aide sociale ainsi que des défenseurs de la liberté d’expression et desdroits de l’homme.