La mesure avait fait bondir nombre d’acteurs de l’Aide à la jeunesse. Les stages parentaux, imposés par les juges de la jeunesse à des parentsdépassés par les « grosses bêtises » de leurs rejetons ont fait long feu. Presque pas appliqués dans les faits, jugés peu pertinents, ils viennentd’être proprement enterrés – dans la discrétion- par l’actuel ministre de la Justice Stefaan De Clerck. Lequel vient de dénoncer l’accord qui le liait auxCommunautés pour l’organisation et le financement de ces fameux stages.
« Ils ont été remisés. Ce n’est pas trop tôt ! ». « De toute façon, ils étaient tellement impopulaires,qu’on a dû imaginer une nouvelle structure pour les organiser. Et même de cette manière, la plupart des juges les ont boycottés. » Qui ça ?Les stages parentaux, pardi. La rumeur s’est faite très discrète, distillée par les initiés. Quelques mots échangés, de-ci de-là, mais point detraces dans la presse à grand tirage. Ils avaient pourtant fait du bruit à leur lancement en avril 2007… Pire : au Spep Affiliations1 spécifiquementchargé d’organiser lesdits stages en Communauté française, on dit « n’avoir été informés de rien ». Un comble…« Nous avons effectivement été alertés par cette rumeur. Une personne nous a appelés pour nous poser la question. Cela nous inquiète, évidemment.Nous avons donc effectué des vérifications et il semblerait que si les accords avaient été dénoncés, nous aurions dû recevoir un courrierrecommandé pour le 2 juillet au plus tard. Or nous n’avons toujours rien reçu », tente de se rassurer notre interlocutrice. C’est que chez Affiliations, lestravailleurs organisent non seulement les stages parentaux dans toute la Communauté française, mais également l’encadrement des prestations éducatives etd’intérêt général, des concertations restauratrices en groupe et des médiations auteur/victime, dans l’arrondissement de Bruxelles. « Si lesstages parentaux ne sont plus subsidiés, ce sont toutes nos activités qui sont en péril », réagit-on chez Affiliations. Et des emplois qui sont en jeu. Lesstages ont-ils été évalués négativement qu’il faille s’inquiéter de leur disparition ? « C’est-à-dire qu’iln’y a pas vraiment eu d’évaluations récemment. Cela s’explique sans doute par l’actualité politique chargée de ces derniers mois…».
Une mesure contestée
Il faut dire que depuis leur lancement, les stages parentaux n’ont pas été épargnés par les critiques. Sur leur forme pratique de mise en œuvre, autant quesur le fond juridique. Sur la forme, nombre d’éducateurs se questionnaient sur le regard que des jeunes en délinquance, en révolte contre l’autorité,pourraient porter à leurs parents « punis » par une mesure de stage parental… Ils émettaient également des doutes quant à l’utilitéd’un stage de trente heures lorsque ce sont parfois des années d’éducation caduque qui sont en cause. Sur le fond, on se souviendra qu’un recours avaitété introduit devant la Cour constitutionnelle pour tenter de faire supprimer les stages parentaux au motif que la répartition des compétences pour l’application dela mesure était illégale.
Organisée par les Communautés et financée par le fédéral, la « mesure éducative à destination des parents »n’était, selon les termes de Benoît Van Keirsbilck2, qu’un montage juridique, « un bricolage indigeste » ayant pour effet la« violation des compétences communautaires ». Ce ne sont pourtant pas les arguments de cohérence ni les arguments juridiques qui auront eu la peau de la mesure,mais simplement l’évaluation qu’en a faite le ministre de la Justice Stefaan De Clerck (CD&V)3.
Une lettre sévère et sans ambiguïté
L’accord, initié le 2 avril 2007 pour une période de trois ans pour commencer, prévoyait une évaluation quantitative afin de faire le point sur leprocédé chaque mois de février. Si l’évaluation formelle n’a pas eu lieu comme prévu en 2009, le ministre a estimé que les chiffres en sapossession démontraient que le stage parental avait été « très peu employé par les juges de la jeunesse ».
Dans une lettre du 29 juin dernier adressée à la ministre flamande de la Santé et de la petite enfance et de l’Aide à la jeunesse, Veerle Heren, Stefaan De Clerckn’y va pas par quatre chemins. En substance, il rappelle que lors du congrès des 23 et 24 mars 2009 sur la « criminalité des jeunes », la majorité desorateurs avaient remis en question la pertinence des stages parentaux pour prévenir la criminalité des jeunes. « Cette mesure semble davantage être utile comme mesured’aide, mais pas comme mesure de sanction telle que la loi le prévoit à l’heure actuelle », précise le ministre dans son courrier. Avant despécifier : « Avec cette lettre, et en application de l’article 7 de l’accord de coopération, j’annule l’accord cité, à dater du 2avril 2010. Je me réserve également le droit de m’acquitter des montants qui sont ou doivent être payés en 2009. Conformément aux délais stricts qui mesont imposés (annulation avant le 2 juillet 2009), cette annulation peut être considérée comme conservatoire, même lorsqu’elle est formulée sansconditions. » Voilà qui met donc en péril une partie des subsides de 2009 d’Affiliations… Histoire de conclure sa lettre avec une note positive, le ministre précisequ’il « souhaite également procéder rapidement à un échange d’idées sur les modalités de coopération entre l’Étatfédéral et les Communautés en ce qui concerne la prise en charge des jeunes criminels. » On s’étonnera tout de même du peu de publicitédonnée à cette décision pourtant lourde de conséquences… financières.
Les communautés exhumeront-elles le cadavre ?
En tout cas, le contenu de la lettre atténuera sans doute la joie de tous ceux qui se sont battus contre le stage parental. Car ce que Stefaan De Clerck met en cause, c’en estl’efficacité, la faillite des aspects « sanctionnels » et non pas sa philosophie. À supposer que le Fédéral veuille encore investir da
ns la prise encharge des jeunes criminels et de leurs parents, faut-il craindre une mesure plus répressive que le stage parental ? On sait que les législateurs peuvent avoir l’imaginationfertile lorsqu’il s’agit de réduire la complexité d’un problème… Pour Benoît Van Keirsbick, « la dénonciation du ministre de laJustice est une bonne nouvelle en ce qu’il met fin à une hérésie juridique. Mais la fin de l’accord de coopération entre Fédéral et Communautés, nesupprime pas pour autant la loi. La mesure reste telle quelle. Il faut maintenant voir ce que les Communautés en feront. Ce ne serait pas mal que cela se traduise par quelque chose de plussubtil, un réel soutient à la parentalité axé sur la prévention. Mais à l’heure actuelle, c’est difficile de faire des pronostics. Ce sera au prochainministre de l’Aide à la jeunesse de gérer ce dossier, ainsi que le devenir du Spep Affiliations. Au vu des difficultés budgétaires annoncées, on peut craindre quela Communauté française ne poursuive pas le financement… ». Le tout nouvel accord de gouvernement ne semble en tous les cas rien prévoir sur le sujet.
En attendant, chez Affiliations, on surveille la boîte aux lettres. « Nous sommes dans l’attente et l’inquiétude », conclut notre interlocutrice. Ça nela consolera peut-être pas, mais elle ne doit pas être la seule.
1. Service de prestations éducatives ou philanthropiques (Spep) :
(Affiliations)
– adresse : rue Eugène Ysaye, 15 à 1070 Bruxelles
-tél. : 02 520 58 94
– courriel : affiliations@phj.be
– site : www.affiliations-asbl.be
2. Benoît Van Keirsbilck, rédacteur en chef du Journal Droit des Jeunes et directeur du Service Droit des Jeunes de Bruxelles :
– adresse : rue Marché aux Poulets, 30 à 1000 Bruxelles
– site : www.sdj.be
3. Cabinet de Stefaan De Clerck :
– adresse : bd de Waterloo, 115 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 542 80 11
– courriel : stefaan.declerck@just.fgov.be
– site : www.stefaandeclerck.be