Selon l’économiste Robert Deschamps, invité à une rencontre de syndicalistes par la FGTB, les perspectives budgétaires ne sont pas roses. Dans son collimateur : lesprovinces, le Forem et l’enseignement.
Ce 23 septembre, la FGTB avait invité pour un séminaire l’économiste Robert Deschamps, professeur retraité des Facultés de Namur, mais toujours actif au sein duCentre de recherches en économie régionale et politique économique. Le but de cette rencontre, avouée au final par Thierry Bodson, secrétaire généralde la FGTB wallonne, était de vérifier certaines craintes : « Nous avons le sentiment à la FGTB que les perspectives budgétaires se font dans une vision denon-dépenses, voire de réduction de dépenses, plutôt que d’augmentation des recettes. Nous avons l’impression que les travailleurs vont payer deux fois lacrise. » La présentation de Robert Deschamps, axé surtout sur les budgets de la Région wallonne et de la Communauté française, n’a guèrerassuré les syndicalistes. Il se pourrait bien que le scénario supposé par le syndicat soit celui-là – à politiques inchangées bien sûr.
« Les perspectives budgétaires ne sont pas glorieuses, estime Robert Deschamps. Mais même s’il n’y avait pas eu de récession, les perspectives n’auraient pasété glorieuses. » Ainsi, lors de la dernière législature, jusqu’en 2008, l’augmentation des dépenses de la Communauté française aété deux fois plus rapide que l’augmentation de ses recettes. La Communauté française a vécu au-delà de ses moyens, pressée par le besoin criant derefinancement de ses secteurs. En Région wallonne, en juin 2008, il avait été prévu qu’il n’y aurait plus de manne budgétaire pour le Plan Marshall après2010. L’économiste fustige aussi « la suppression de la redevance auto-radio qui prive la Région wallonne de 70 millions de recettes annuelles et n’a servi qu’à faireplaisir aux automobilistes. » Et, dans le domaine du logement, on n’a pas encore évalué l’impact du coût du prêt-tremplin et de l’éco-prêt.
Perspectives internationales
En analysant les crises du siècle dernier, des chercheurs américains ont constaté qu’en moyenne le taux de chômage augmente pendant quatre ans. Or, aujourd’hui, la crisen’a qu’un an. Mauvais présage, donc. Pour Robert Deschamps, il existe quatre axes pour favoriser la reprise économique et lutter contre le chômage à venir : lesinvestissements (« mais il faudra attendre ») ; les exportations (« mais la crise étant mondiale, on ne peut pas tabler là-dessus ») ; les dépensespubliques – sur lesquelles les gouvernements freinent – ; et la consommation privée (« or, pour qu’elle augmente, il faut que l’emploi augmente, ce qui ne sera pas le cas non plus»). En bref, il faudra du temps.
À cela s’ajoutent d’autres enjeux, tels l’évolution démographique et le vieillissement de la population ou encore le dérèglement climatique, pour lesquels ilfaudra mesurer le coût et l’opportunité. Il ne sera plus non plus possible d’avoir accès à une énergie bon marché comme par le passé.
Économies locales
En comparant les budgets des entités fédérées, Robert Deschamps identifie différents postes où il faudrait réaliser des économies. Ainsi,les dépenses effectives pour les provinces wallonnes sont deux à trois plus élevées qu’en Flandre. L’économiste se déclare ouvertement partisan de lasuppression des provinces. L’accord gouvernemental wallon va d’ailleurs dans ce sens, puisqu’il est question de les transformer en communautés de territoires.
Autre poste excessif de dépenses aux yeux de l’économiste : le budget du Forem. Celui-ci est deux et demi fois plus élevé qu’en Flandre pour peu de résultats, vula persistance d’un nombre élevé de chômeurs. « Il faudrait plus de clarté concernant l’utilisation du budget du Forem », estime Robert Deschamps. Onnotera que l’accord régional prévoit de redynamiser l’action du Forem pour renforcer l’accompagnement des chômeurs.
L’économiste pointe encore les dépenses de la Communauté française dont les trois quarts sont affectés à l’enseignement. « C’est un desenseignements les mieux financés au monde après les pays scandinaves et pourtant les résultats ne sont pas terribles », observe-t-il. Robert Deschamps déclareaussi qu’il faut mettre fin aux aménagements de fin de carrière pour les enseignants : « On ne peut pas mettre au rencard les professeurs à 55 ans. On se prive d’uneperte de savoir, de compétences qu’on pourrait utiliser pendant encore 10 ans. » Il suggère d’accorder plus d’autonomie aux écoles. Elles pourraient alorsprévoir pour les enseignants âgés de supprimer une partie de leurs cours, en échange de quoi ils encadreraient les jeunes enseignants, accompagneraient lesélèves en difficultés. Les écoles affecteraient alors les budgets et les compétences en fonction des besoins.