Nation, ensemble idéologique, corps humain, espace vital intime, imaginaire, rêve, art,… C4, le mensuel de l’asbl « d’une certaine gaieté »1 consacre le dossier de son n°155 (mai-juin) au territoire sous toutes ses formes. À travers divers éclairages, le mensuel engagé offre sa définition duterritoire : un espace caractérisé par des limites et un investissement spécifique par des êtres ou par des choses.
Après avoir survolé les différentes définitions du terme, le dossier s’ouvre sur les territoires au sein du couple. À l’aide de quelques photos, onplonge dans l’intimité de trois couples d’origines variées qui expliquent comment ils se partagent et s’approprient les différents lieux. On découvreégalement la notion de proxémie développée par Edward T. Hall. Un petit encart nous en dit plus sur cet anthropologue qui a étudié les distancesinterpersonnelles de l’espace au sein des sociétés. La visite des territoires se poursuit à Bruxelles dans le quartier Nord avec un détour par la prostitution. Unterritoire tabou qui devient lieu d’illusion où l’on « prend la femme pour ce qu’elle n’est pas » et où on la « laisse pour ce qu’elleest ». Les limites de cet espace utopique équivalent au temps durant lequel tous les hommes sont mis sur un pied d’égalité.
Lorsque l’on parle de territoires, un petit détour par le monde animal s’impose. À travers un dialogue imaginaire entre Walter et le professeur Wiki, on apprend àmettre de côté nos idées reçues qui associent l’idée du territoire dans le monde animal à la violence et à l’affrontement.
Des territoires qui s’opposent et se superposent
Autre type de territoire, l’espace public. « Ce lieu abstrait de débat, d’expression des contre-pouvoirs, cet espace de transition entre les volontés citoyennes etl’autorité de l’État est-il vraiment public ? », s’interroge le mensuel. David Jamar, anthropologue de l’ULB, signe pour sa part un article sur lesterritoires comme activités. Pour lui, les territoires vivent et tiennent en tension, en posant la question des limites qu’ils « entre-tiennent » avec d’autresterritoires. L’ethnographe se penche également sur le cas de Bruxelles et sur le danger qu’il existe à qualifier certaines zones de pauvres ou de faibles et à vouloiragir pour leur bien.
Ces territoires menacés ont aussi leurs forces. Avec l’Europe également, les territoires et leurs limites changent. Depuis l’entrée en vigueur de la libertéde circulation dans l’espace Schengen, la mobilité des clandestins semble souffrir toujours plus de répression. C4 se demande aussi ce que sont devenus les « sansfrontières ». Les humanitaires existent toujours, mais les petites associations peuplées d’idéalistes des débuts ont fait place à des organisationsénormes, peuplées de gens très qualifiés qui entendent valoriser leur expérience en termes de carrière. Pour le mensuel qui n’est pas tendre avec eux,ces « sans frontières » devraient peut-être discuter avec les frontières existantes au lieu de les nier.
Les territoires, ce sont aussi ces murs visibles depuis l’espace, comme la grande muraille de Chine. Des murs comme celui de Berlin ou ceux qui entourent les banlieues chics de certainesvilles, des murs comme en Irlande du Nord, à Chypre, au Botswana, en Israël ou aux États-Unis où des « minutemen » se chargent de parcourir lafrontière pour pister les réfugiés et les immigrants illégaux qui s’aventureraient sur le sol états-unien.
Le territoire comme lieu de l’identité
Peut-on parler de territoire sans évoquer l’identité ? Celle-ci s’ancre souvent dans un espace qu’il soit de vie, d’origine, de projection, de filiation ou detemps comme on le découvre à travers deux témoignages. Miranda est française, née de parents juifs maghrébins. Pour elle, l’identité se modifieselon les étapes de la vie. La disparition des frontières ne nie pas les appartenances et on peut être ce que l’on est sans barrières. E.T., lui, se sent partoutà la fois étranger et chez lui. Il est arrivé en Europe à 19 ans mais provient de Gafsa, le sud tunisien, une patrie considérée comme à part. Pourlui, « on est nombreux en soi-même ».
Pour mieux appréhender la notion de territoire, le mensuel C4 fait également un détour par la littérature avec des extraits d’un texte de Tarek Essaker.Enfin pour terminer ce dossier, C4 nous propose des regards néerlandais sur Bruxelles. Plus de 5000 ressortissants néerlandais s’y seraient en effet installés, dontbon nombre d’artistes qui disent aimer le côté inorganisé, voire chaotique, de notre capitale.
1. Mensuel C4 (N°155 de mai-juin 2007, pp. 9-20), D’une certaine gaieté asbl, rue des Mineurs, 9/11 à 4000 Liège – tél : 04 222 12 46 –courriel : info@certaine-gaite.org – site : http://www.certaine-gaite.org/