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Les titres-services bientôt étendus à la garde d'enfants ?

Évoquée à de nombreuses reprises ces derniers mois, la possible extension du système des titres-services à la garde d’enfants fait partie des pistes de travailénoncées par Joëlle Milquet (CDH)1, la ministre fédérale de l’Emploi et de l’Égalité des chances dans sa note de politiquegénérale pour l’emploi. Certaines dents commencent à grincer…

23-05-2008 Alter Échos n° 252

Évoquée à de nombreuses reprises ces derniers mois, la possible extension du système des titres-services à la garde d’enfants fait partie des pistes de travailénoncées par Joëlle Milquet (CDH)1, la ministre fédérale de l’Emploi et de l’Égalité des chances dans sa note de politiquegénérale pour l’emploi. Certaines dents commencent à grincer…

Déjà mise sur la table il y a quelques mois par la députée MR Florence Reuter, la possible extension du système des titres-services à la garde d’enfantshors des heures reconnues vient d’effectuer un retour remarqué sur le devant de la scène. Dans l’air depuis longtemps, cette piste de travail est en effet évoquée dans lanote de politique générale pour l’emploi de Joëlle Milquet. Si on en est à l’heure actuelle au stade des discussions, il n’en reste pas moins que certains ontété prompts à réagir, assez négativement, à une proposition aux relents de polémique. Ainsi, le SETCa a été l’un des premiers àdégainer contre une mesure que le syndicat socialiste juge « dangereuse et contre-productive ». « Pour nous, il est hors de question d’ouvrir le secteur de la garde d’enfantsau système des titres-services, affirme ainsi Christian Masai, secrétaire général du SETCa2. Sans vouloir minimiser les compétences des personnestravaillant sous ce régime, la garde d’enfants est quelque chose de très particulier, qui nécessite une formation spécifique que ces dernières n’aurontpeut-être pas. Je vous rappelle que, par exemple, dans les crèches, pour pouvoir s’occuper d’enfants, il faut être titulaire d’un diplôme de puéricultrice. »

Et le secrétaire général de souligner le manque de cohérence de la démarche. « C’est un non-sens d’exiger que les personnes amenées às’occuper d’enfants dans le cadre des heures reconnues aient un diplôme et puis de dire que celles chargée de prendre en charge les bambins en dehors des heures peuvent ne pas enavoir… Garder un enfant dans ou en dehors des heures, c’est le même travail. Il faut donc que le niveau d’exigence au niveau de la formation soit le même, à savoirêtre titulaire d’un diplôme. » Si, à l’heure actuelle, le projet ne vise que les enfants de plus de 3 ans, l’inquiétude de voir le système segénéraliser à l’accueil des 0-3 ans est de mise.

Ainsi, du côté de l’asbl Badje3 (Bruxelles accueil et développement pour la jeunesse et l’enfance), on ne cache pas ses appréhensions : « Laministre affirme que, pour l’instant, l’extension ne concernerait que la garde d’enfants en dehors des heures reconnues et pour les enfants de plus de trois ans, affirme Séverine Acerbis,directrice de l’asbl. Mais je crains que l’on ne mette le doigt dans l’engrenage. Rien ne dit que l’on ne va pas ensuite étendre cela à la garde « de jour » et pour les enfants demoins de trois ans… »

À l’heure actuelle, la tendance semble être effectivement à une certaine velléité de généralisation d’un système des titres-services qui,s’il a fait ses preuves dans certains domaines, n’est peut-être pas adapté à d’autres. « On considère le système des titres-services comme une solution miraclequi serait applicable à tous les domaines. C’est dangereux… », affirme ainsi Jean-Pierre Pollénus, directeur d’Atout EI, la Fédération wallonne desentreprises d’insertion4.

Des investissements structurels

On le voit, le SETCa et l’asbl Badje ne sont donc pas favorables à une mesure qui tente pourtant d’apporter une solution au manque criant de places d’accueil en dehors des heures reconnues.Si le syndicat se dit conscient de la situation, il plaide cependant pour d’autres solutions. « Les titres-services, c’est une forme de « rustinage », enchaîne Christian Masai. Enenvisageant cette hypothèse, Joëlle Milquet admet implicitement qu’il y a un manque de places d’accueil. La seule bonne solution, à nos yeux, c’est la création de plus deplaces d’accueil pour les enfants, et donc un financement structurel. »

Du côté de l’asbl Badje, le son de cloche est à peu près le même. « Nous sommes dans un paradoxe complet, déclare Séverine Acerbis. Il fautsavoir ce que l’on veut. D’un côté on prétend donner la priorité au bien-être des enfants, comme cela est notamment mentionné dans les buts de l’ONE, et del’autre il y a cette pression de la part du monde du travail qui fait que les parents sont amenés à travailler plus tard et doivent donc trouver des solutions pour garder leurs enfants.Et on leur propose le système des titres-services… » Un état de fait qui pousse Christian Masai à plaider pour une plus grande implication des employeurs. « Siles gens sont amenés à devoir travailler plus tard, à être plus flexibles, c’est surtout parce que les employeurs le leur demandent. Il serait donc normal que ceux-ciparticipent à l’élaboration de solutions. » Des solutions que le gouvernement semble vouloir trouver du côté des titres-services et qui impliqueront de sa part uneffort financier puisque le système des titres-services coûte en effet assez cher. À tel point que le SETCa et l’asbl Badje se demandent, par la voix de Christian Masai et deSéverine Acerbis, s’il ne serait pas moins coûteux de mettre en place un financement structurel pour la création de places d’accueil.

Le débat est ouvert…

Quoiqu’il en soit, le débat est ouvert. Si Joëlle Milquet n’a pas été en mesure de s’exprimer à ce sujet malgré de nombreuses tentatives de notre part, lecabinet de Catherine Fonck (CDH), la ministre de la Santé, de l’Enfance et de l’Aide à la Jeunesse de la Communauté française5, a en revanche étéun peu plus prolixe concernant une question qui, il est vrai, la concerne directement. Dans une note rédigée par la ministre et que son cabinet nous a communiquée, CatherineFonck expose même certaines précisions qu’il aurait été bon d’obtenir du cabinet de la ministre fédérale de l’Emploi. Ainsi, Catherine Fonck affirme avoirpris contact avec Joëlle Milquet à ce sujet. Dans sa note, elle explique que la ministre fédérale « (…) m’a précisé que le projetn’était encore qu’en phase de réflexion. Elle m’a également assuré leur intention de réfléchir sur le sujet non seulement avec lesentités fédérées compétentes pour l’accueil des enfants, mais aussi avec les acteurs du secteur concernés par cette problématique. Une foiscette concertation terminée, une proposition concrète sera élaborée qui comprendra une période d’essai et la mise en œuvre du dispositif àtravers des projets pilotes
. » Et Catherine Fonck d’affirmer qu’elle exigera des garanties pour cette période d’essai.

La ministre déclare ainsi qu’ « il sera nécessaire de fixer les conditions dans lesquelles ces projets pourront se dérouler. L’objectif étant de garder unaccueil de qualité, qui passe notamment par la formation du personnel, en veillant à créer un dispositif (service) complémentaire à l’offre déjàproposée dans le secteur extrascolaire. En effet, il ne serait pas acceptable que ce système vienne remplacer l’accueil collectif existant en Communauté française,plus favorable à l’épanouissement global de l’enfant. » Faisant écho aux inquiétudes de certains intervenants quant à un éventuelenglobement de l’accueil des 0-3 ans par le système des titres-services, Catherine Fonck affirme qu’il est trop tôt pour en parler et qu’il convient tout d’abord d’élargir l’offred’accueil en application du plan Cigogne.

En guise de conclusion, elle déclare : « La Communauté française met tout en œuvre pour développer le secteur de l’accueil de la petite enfance etrépondre au besoin particulier que vous évoquez. Dès lors, faire appel au dispositif des titres-services ne se justifie pas à ce stade. (…) je constate que la miseen œuvre d’un dispositif de titres-services n’est envisagée pour le secteur de l’enfance que pour le secteur de l’extrascolaire. Par rapport à cetteproblématique, j’entends bien que restent au centre des préoccupations l’intérêt des enfants et les besoins des familles. Il me paraît importantd’éviter un accueil à deux vitesses. » Voilà qui ressemble, de loin mais également de près, à certaines des préoccupationsévoquées par les opposants à l’extension du système des titres-services à la garde des enfants…

1. Cabinet de Joëlle Milquet, ministre fédérale de l’Emploi et de l’Égalité des chances :
– adresse : av. des arts, 7 à 1210 Bruxelles
– tél. : 02 220 20 11
– site : http://www.belgium.be

2. SETCa fédéral :
– adresse : rue Haute, 42 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 512 52 50
– courriel : admin@setca-fgtb.be
– site : www.setca.org
3. L’association est une fédération pluraliste d’organismes bruxellois travaillant dans le domaine de l’accueil de l’enfance. Son but est de défendre le secteurde l’accueil extrascolaire.
Badje asbl:
– adresse :rue de Bosnie, 22 à 1060 Bruxelles
– tél. : 02 248 17 29
– courriel : info@badje.be
– site : www.badje.be
4. Atout EI, Fédération wallonne des entreprises d’insertion sociale :
– adresse : rue du Téris, 45 à 4100 Seraing
– tél. : 04 330 39 86
– courriel : federation@atoutei.be
– site : www.atoutei.be
5. Cabinet de Catherine Fonck :
– adresse : bd du Régent, 37-40 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 788 83 11
– courriel : cabinet.fonck@cfwb.be
-site : www.gouvernement-francophone.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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