Les Tourelles1 est un « Home » pour jeunes enfants placés. Il n’est pas rare d’y voir des nourrissons. L’institution met tout en œuvre pour recréer le lien entre parents et enfants. Et les pères ne sont pas oubliés.
Les Tourelles, c’est un service d’hébergement pas comme les autres. Des enfants y sont placés, comme ailleurs. Des éducateurs veillent au bien-être des enfants âgés de 0 à 10 ans. Des toboggans écrasent la pelouse. Mais ce qui frappe d’emblée, c’est que la place laissée aux parents n’est pas qu’un vague strapontin.
Des espaces leur sont dédiés. Un studio et deux appartements. « Cela permet de reconstituer la cellule familiale, de mettre les parents et enfants en situation, pour faire comme à la maison », explique Emmanuel Aerts, le directeur de l’institution. C’est là que les rencontres ont lieu, parfois étalées sur un week-end entier. « L’important est qu’ils partagent des moments d’intimité, qu’ils se réapprivoisent. En partageant un repas ou en donnant le bain à un bébé, les familles réapprennent à être ensemble », ajoute le directeur.
Dans ce service de la région de Tournai, on accueille en premier lieu des tout-petits, souvent pour des périodes longues. Et même des nourrissons. « C’est notre spécificité », reconnaît Emmanuel Aerts. Une spécificité qui répond à un besoin, car selon lui, « très peu de structures de l’Aide à la jeunesse accueillent des bébés ». Le jour de notre visite, l’institution en accueillait trois que les autorités mandantes leur avaient confiés. En général, ces petits sont signalés à l’hôpital pour des cas de maltraitance ou des difficultés graves entre les parents, des violences. « C’est pour les sortir du milieu hospitalier que nous accueillons en priorité les bébés », ajoute le directeur des Tourelles.
Un lien à créer
L’institution compte quinze lits et dix éducateurs. Le leitmotiv de l’équipe des Tourelles, c’est la réinsertion dans la famille. « Nous mettons tout en oeuvre pour y parvenir », affirme Emmanuel Aerts. Si cette réinsertion s’avère impossible, alors le travail est axé sur le lien entre parents et enfants. Recréer le lien, ou le créer, tout simplement, lorsqu’un père ou une mère ne connaît pas sa progéniture. Les locaux, comme les éducateurs ou l’assistante sociale servent de « facilitateur » dans ce noyau familial très fragile qui tente de se reconstituer.
Le directeur des tourelles insiste sur ce point : « S’il y a ne serait-ce qu’une seule visite par mois, cette visite est primordiale. Il n’y a pas d’excuse, ce jour-là, la priorité c’est l’enfant. On va tout faire pour que les parents viennent. Car lorsqu’ils ne viennent pas, l’enfant est désemparé, il ne comprend pas. Et quand ils viennent, tous leurs problèmes doivent rester au vestiaire pour ne pas polluer la visite. » Ceci n’empêche nullement l’équipe des Tourelles de recevoir ensuite des parents pour discuter de leurs difficultés et les orienter vers des services qui pourront leur venir en aide.
La place du père
Dans ce schéma propre aux tourelles, il y a un « acteur » qu’on n’oublie pas : le père de l’enfant. Un aspect important pour Emmanuel Aerts : « A titre personnel, je revendique mon rôle de papa, mon implication. C’est vrai que bien souvent, la société garde une place prioritaire à la maman. Notre travail vise simplement à garantir un équilibre entre les deux, même lorsque certains pères ont plus de mal à créer le lien, car ils n’ont pas voulu ou pas pu être associés à la grossesse. » Des pères qui souhaitent s’impliquer, Emmanuel Aerts en rencontre souvent, aux profils si différents. Il y avait ce père qui n’avait pas vu son fils pendant trois ans et qui, peu à peu, a souhaité revenir, se réinvestir. Ou cet autre qui se rend aux Tourelles une heure et demie par semaine pour apprendre à donner un bain, parler à son bébé, entrer en relation avec lui.
Malgré toutes ces bonnes volontés, la réinsertion effective dans les familles n’est pas fréquente. Sur les quinze enfants pris en charge aux tourelles, une seule est suivie dans le cadre d’une réinsertion familiale. C’est devenu une tarte à la crème, certes, mais Emmanuel Aerts peut aussi en témoigner, « les situations sont de plus en plus complexes et de plus en plus lourdes à gérer. Donc certains parents, vu leurs difficultés, ont du mal à être mobilisés, à se mettre en phase avec la réalité et à donner des gages de stabilité. » Une situation qu’il juge « frustrante ». Ce qui n’entamera nullement son envie de « travailler avec les parents. Car même si ce n’est pas évident, même s’il faut des béquilles – d’autres types de suivi – même si c’est difficile, ce qui importe pour l’enfant, c’est d’être en famille. »
1. Les Tourelles
– adresse : rue Carlos Gallaix, 244 à 7521 Tournai
– tél. : 069 22 42 43
– courriel : emmanuel.aerts@hainaut.be