Le Conseil communautaire de l’aide à la jeunesse souhaite que le cabinet Fonck apporte quelques modifications subtiles – mais essentielles – au texte. Ses préoccupations: le respect inconditionnel du secret professionnel et une réaffirmation de la philosophie originelle de l’Aide en milieu ouvert.
L’avis du Conseil communautaire de l’aide à la jeunesse (CCAJ) sur le projet d’arrêté sur l’Aide en milieu ouvert (AMO) était trèsattendu. Après plusieurs reports destinés à entendre tous les avis et à mettre tout le monde d’accord, il est finalement tombé en avril dernier avec une belleunanimité des représentants. Pas de notes discordantes donc, ce qui devrait encourager Catherine Fonck à avaliser rapidement les modifications. Le cabinet de la ministre del’Aide à la jeunesse s’est montré patient, se refusant à tout commentaire pendant la procédure de consultation, afin de « respecter le débat». De ce côté-là, le mot d’ordre était visiblement de jouer la conciliation et de tenir compte des doléances du secteur concernant le projetd’arrêté, après les ratés des premières concertations.
Pour rappel, si les fédérations patronales des services AMO, étaient favorables à une évaluation du fonctionnement de leurs services, ellesn’étaient en revanche pas demandeuses d’une refonte de l’arrêté originel, du 15 mars 1999. Elles ont donc appréhendé le nouveau texte avec unregard d’autant plus critique. En première lecture, fin 2007, l’avis circonstancié de l’Interfédé1 était pour le moins mitigésur la proposition de texte, pour ne pas dire franchement hostile. Il épinglait notamment « les fondamentaux malmenés ». Au sujet de l’article 5 du chapitre III,relatif à l’aide individuelle2, l’Interfédé notait que « les véritables demandeurs sont maintenant, en plus des prescripteurs prévusdans l’ancien texte, tous les « organismes » potentiellement en relation avec le jeune et sa famille, ce qui crée une situation surréaliste et ouvre pratiquement la porte àtoutes les dérives vers l’aide contrainte ».
Stigmatisant le flou juridique sur certains points (comme l’application du secret professionnel), les dispositions « impraticables techniquement et légalement » (faute definancements nouveaux, entre autres), l’Interfédé avait donc marqué sa préférence pour un statu quo plutôt qu’un toilettage du texte quiapportait plus d’incertitudes qu’il n’en résolvait. Le secteur redoutait clairement une « dérive sécuritaire » en contradiction avec les objectifsde prévention des AMO.
Revenir aux fondamentaux
« Ce que nous voulions également à tout prix éviter, c’était de lier les AMO aux Régions, de les inclure dans une politique territoriale globale,c’est-à-dire dans une logique de pacification de territoire. Par cet avis, nous avons réaffirmé notre attachement à l’Aide à la jeunesse. Notre philosophie,c’est clairement et définitivement le droit des jeunes et notre objet, la prévention générale », explique Véronique Georis, directrice de l’Amos(AMO à Schaerbeek)3 et membre du CCAJ. Et de rappeler que le travail des AMO se situe en amont, dans le soutien de jeunes qui sont, à un moment donné de leur vie, endifficulté.
Se basant sur ses avis antérieurs, depuis 1993, le CCAJ a proposé quelques modifications, supprimant tantôt un morceau de phrase redondant ou compliquant inutilement le texte,changeant un mot par un autre plus précis ou plus juste, clarifiant certains points obscurs. L’argumentaire du CCAJ sous-tend que les modifications suggérées ont pour butde revenir aux principes fondateurs de l’Aide en milieu ouvert et de réaffirmer certains points, comme celui de l’intervention à la demande. « L’AMO intervientà la demande du jeune ou de sa famille. Elle travaille exclusivement dans une perspective d’aide sollicitée par le jeune ou sa famille », précisait déjàson avis daté du 3 septembre 1993. Rien de neuf sous le soleil donc. « Pourquoi faire compliqué lorsque l’on peut faire simple et changer un texte qui donne toutesatisfaction ? », semblent se demander les membres du CCAJ.
Au-delà de la boutade, le secteur craint que sous le prétexte de « corriger des dysfonctionnements » de certains services, on modifie, en fait, la philosophie mêmedu travail des AMO. « Quantitativement, le secteur AMO ne représente plus grand-chose par rapport aux autres services de prévention qui peuvent avoir jusqu’à quatrefois plus de personnel. Je ne remets pas en cause la qualité ou l’importance de leur boulot mais ils occupent le terrain de manière très visible et n’ont pas deprojet éducatif. La multiplicité des acteurs peut nuire à notre visibilité et compliquer notre travail de fond avec les jeunes. Donc, avant de revoirl’arrêté AMO, il aurait sans doute été plus judicieux de repenser le fonctionnement général du système et de réaffirmer la place des AMOdans l’ensemble », plaide Véronique Georis.
Le secret professionnel, raison d’être des AMO
Autre point hautement sensible : le respect du secret professionnel. Pour le CCAJ, ce principe risquait d’être fortement mis à mal par certains articles du projetd’arrêté. Sans s’opposer formellement à la demande de secret partagé, il a néanmoins réaffirmé très clairement l’importance dusecret professionnel en proposant de modifier un paragraphe de l’article en cause : « Dans le respect du secret professionnel et du code de déontologie, l’aideapportée au jeune comprend le travail en réseau pour autant que ce soit dans l’intérêt du jeune et que le service s’assure de l’adhésion de cedernier. » En clair : le secret ne pourra être partagé qu’avec l’accord du jeune et uniquement si ce partage est dans son intérêt. « Si les jeunesviennent nous solliciter, c’est parce qu’ils savent qu’ils peuvent nous faire totalement confiance. Fragiliser le secret professionnel en imposant de transmettre des dossiersindividuels à d’autres intervenants, comme les enseignants par exemple, ce serait réduire à néant notre travail. Il ne faut pas mélanger les cartes.C’est une très bonne chose que nous puissions travailler en collaboration avec les écoles mais nous devons absolument préserver ce qui fait notre raison d’être.C’est d’autant plus important que nous sommes les seuls à travailler à la demande du jeune », argumente Véronique Georis.
Au final, les propositions du CCAJ relèvent plus d’un travail de finition, d
e « polissage » du texte, ménageant la chèvre – lesspécificités du nouvel arrêté ont globalement été conservées – et le chou – chaque nouveauté a été mesuréeà l’aune des principes fondateurs de l’Aide en milieu ouvert. Mais ce qui paraîtra sans doute plus fondamental encore au secteur, c’est que les commentairesgénéraux de l’avis ont permis de réaffirmer la spécificité, la place et l’importance des AMO dans le secteur de l’Aide à la jeunesse.
1. L’« Avis de l’Interfédération de l’Aide à la jeunesse sur le projet d’arrêté AMO » est publié in extenso dansle Journal du Droit des Jeunes, n° 271, janvier 2008, pp. 33-34.
2. L’article 5 § 1er était présenté comme suit :
« L’aide individuelle peut être :
• sollicitée par le jeune, sa famille, ses familiers ou une personne proche du jeune ;
• proposée par le service au jeune, sa famille ou ses familiers ;
• demandée par le conseiller de l’aide à la jeunesse, le directeur de l’aide à la jeunesse, et les instances judiciaires ci-après dénomméesinstances de décision ;
• demandée par tout autre organisme. »
3. Amos :
– adresse : rue l’Olivier, 90 à 1030 Schaerbeek
– tél. : 02 217 60 33
– courriel : amosbxl@yahoo.fr