Bruxelles est-elle adaptée au… travail adapté ? C’est la question que se posaient les acteurs du secteur à l’occasion des vingt ans de laFédération bruxelloise des entreprises de travail adapté1, le 29 novembre dernier.
Le niveau institutionnel bruxellois est-il le plus pertinent pour se poser cette question ? La robotisation et la mondialisation de l’économie, avec son lot dedélocalisations, font fondre le nombre de postes de travail les plus susceptibles d’être confiés à des personnes aux handicaps les plus lourds, soit des tâchesbasées sur un découpage et une succession de gestes relativement simples et répétitifs.
La métropole bruxelloise (la Région et son proche bassin d’emploi du Brabant wallon et du Brabant flamand) n’échappe pas à cette tendance de ladésindustrialisation, observe Christian Vandermotten, professeur de géographie à l’ULB, qui nuance toutefois. D’une part, à (absence de) diplômeégal, l’accès à l’emploi est statistiquement plus entravé pour les habitants des quartiers du « croissant pauvre » (centre-nord) que pourceux de la couronne dorée (sud-est). D’autre part, si la croissance bruxelloise est très productive et peu créatrice d’emploi, ce serait notamment dû au prixrelatif de l’immobilier, dissuasif pour les activités de production.
A l’intérieur d’une contrainte macro-économique, il existerait donc des marges de manœuvre pour les acteurs bruxellois, mais elles concernent d’abord lespolitiques foncières, de rénovation urbaine, d’aménagement du territoire et de cohésion sociale.
Par ailleurs, une comparaison européenne de la situation du travail adapté, établie par Dominique Velche, chargé de recherche à l’EHESP (Ecole des hautesétudes en santé publique – France) met en évidence, pour les personnes handicapées, la corrélation d’un fort taux de scolarisation avec un fort tauxd’emploi.
A eux seuls, ces deux constats suffiraient à plaider en faveur d’une approche transversale du handicap dans les politiques publiques. Chaque politique susceptible d’avoir unimpact sur l’inclusion des personnes handicapées ferait l’objet d’un avis et de recommandations spécifiques, comme sur le mode du Conseil consultatif national enFrance. Si la structure institutionnelle de la Belgique rend cet espoir un peu fou, une telle approche ne trouverait-elle pas déjà opportunément à s’appliquer dansle cadre du Pacte de croissance urbaine durable de la Région bruxelloise ?
Il y a cécité et cécité
Face à la désindustrialisation de la métropole, le secteur non marchand apparaît comme un prometteur pourvoyeur d’emplois, y compris adaptés. Ce secteur seporte durablement mieux que le secteur marchand, à en croire leurs courbes de création d’emplois respectives, présentées par Gabriel Maissin, de laConfédération bruxelloise des employeurs du non-marchand (CBENM).
Mais peut-on envisager de confier des tâches professionnelles du secteur médical ou de l’aide aux personnes à des personnes handicapées ? Commentrépondre aux arguments de la sécurité ou de la rentabilité qui y seraient opposés ?
Dans le non-marchand comme ailleurs, un travail culturel doit être mené, ont rappelé des participants. Techniquement, un pilote de ligne aveugle pourrait emmener des passagersde Paris à Bangkok, a estimé en substance Dominique Velche.
Quelles sont aujourd’hui et demain les activités-pilotes qui pourraient s’ouvrir à certains handicaps et que notre cécité mentale nous a fait ignorerjusqu’ici ? Voilà sans doute un chantier fertile pour le secteur du travail adapté… et les autres employeurs.
Des financements à gonfler
Y aurait-il un modèle d’insertion à privilégier ? Il semble que les acteurs du secteur penchent pour une approche en éventail des possibilités :du travail assisté dans une entreprise classique à de l’activité occupationnelle en passant par diverses modalités de travail adapté. Pour consensuellequ’elle paraisse, cette position porte pourtant en elle la nécessité d’un choix politique : celui d’un accroissement des moyens financiers pour soutenir ladiversité des dispositifs. Parmi ceux-ci, les incitants à l’embauche de personnes handicapées, tant les employeurs préfèrent cette approche à lacontrainte du quota. Ou encore, les fonctions de « matching » entre organisations du handicap et de l’entreprise privée marchande, tant les parties se connaissentpeu, a déploré Mark Trullemans, coordinateur du Pacte territorial pour l’emploi.
Financer l’innovation, l’encadrement, l’accompagnement, l’intermédiation ou les mesures incitatives nécessite donc une redistribution des ressources. Encoreun enjeu pour le secteur du travail adapté, qui concerne aussi la plupart des acteurs du tiers associatif.
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