L’habitat collectif Espoir, situé à Molenbeek-Saint-Jean, s’est vu décerner le prix The Blue House 2012 qui récompense les constructions durables et abordables en Belgique. Conçu par l’architecte Damien Carnoy, cette bâtisse passive accueille des familles nombreuses, issues de l’immigration et à faibles revenus. Depuis leur emménagement en juin 2010, ces nouveaux propriétaires ont été accompagnés par la Maison de quartier Bonnevie. Certains sont même devenus des « ambassadeurs » du passif.
Décembre, un vendredi après-midi pluvieux et froid, une classe de l’enseignement primaire est rassemblée devant le bâtiment Espoir. Rue Fin, les élèves observent cette bâtisse insolite aux couleurs de l’arc-en-ciel. L’Espoir surprend dans ce quartier plutôt gris de Molenbeek. Après observation des lieux, les enfants répondent aux questions du professeur. Pourquoi le bâtiment semble-t-il avoir été construit sur pilotis ? Pourquoi est-il coiffé d’une espèce de casquette en bois ? La séance des questions-réponses ne dure pas longtemps. Au numéro 9, Léonie Pindi, propriétaire de l’un des quatorze duplex, accueille le groupe dans sa salle à manger. Aujourd’hui, exceptionnellement, elle s’improvise « ambassadrice » d’Espoir.
D’origine congolaise, arrivée il y a treize années en Belgique, elle est rapidement confrontée à d’importantes difficultés dans sa recherche d’un logement décent et à un prix abordable. « Si le propriétaire décelait mon accent au téléphone, mentionnais mes six enfants ou mes revenus provenant du CPAS, l’appartement me passait sous le nez. » À cette époque, elle vient chercher de l’aide à la Maison de quartier Bonnevie[x]1[/x] qui travaille avec les habitants à l’amélioration des conditions de vie et d’habitat. « Nous avons conseillé à Léonie d’intégrer le groupe Alarme, un groupe de militants pour le droit au logement », explique Donatienne Hermesse, écoconseillère à la Maison de quartier. Face à l’importante carence de logements publics pour familles nombreuses, au montant élevé des loyers du privé et à une certaine discrimination, les familles d’Alarme décident de faire face au problème.
Implication directe d’un public fragilisé
L’achat d’un terrain et l’idée d’une construction passive germe dans l’esprit de nombreuses familles. « Quatorze familles nombreuses, d’origine étrangère et à petits revenus ont été sélectionnées. Elles ont directement été associées à la conception du projet. Les futurs habitants ont imaginé leur maison idéale, réalisé une partie du cahier des charges, pris part à des ateliers, visité le chantier…», détaille l’écoconseillère.
Durant la phase de réalisation du projet, les familles participent à une épargne collective solidaire. Elle se révélera être un véritable apprentissage de la gestion de l’argent. Chaque mois, les familles versent 50 euros. Une fois les travaux terminés, cet argent est versé au fonds de roulement de la copropriété. « Cette épargne s’est clôturée au moment de l’emménagement, mais nous envisageons de la proposer à nouveau aux propriétaires. De nombreux frais tombent à certains moments de l’année et les habitants ne sont pas toujours préparés. Certains ont plus de mal que d’autres à passer du statut de locataire à celui de propriétaire », raconte Donatienne Hermesse.
Accompagnement au quotidien
Une fois installée, la septantaine d’habitants n’a pas été livrée à elle-même. L’une des exigences de la prime « bâtiments exemplaires » était de relever mensuellement les compteurs. Pour ce faire, un groupe de travail « énergie » a été mis sur pied. De juin 2010 à juin 2012, les propriétaires sont évalués sur leur consommation. Joséphine et quelques adolescents d’Espoir relèvent les compteurs d’électricité de la cave et ceux d’eau chaude situés à l’intérieur des logements. L’évolution des consommations est ensuite analysée en groupe de travail. « C’était un grand moment de convivialité et de sensibilisation. Nous répondions aux questions pratiques des habitants (entretien des panneaux solaires, lecture des compteurs, repérage des différentes sources d’énergie), nous abordions différents sujets (l’arrivée de l’hiver), ils échangeaient des trucs et astuces », détaille l’écoconseillère. Aujourd’hui, les compteurs sont relevés tous les trois mois et la réunion est annuelle.
Porteur de message
En 2010, la Maison de quartier reçoit des demandes extérieures d’accompagnement de nouveaux locataires de logements publics passifs. Parallèlement à cela, certains habitants d’Espoir souhaitent partager leurs compétences et approfondir leurs connaissances en matière d’énergie. Ils deviendront « ambassadeurs » et porteurs de message. Encadrés par Bonnevie, ils animent régulièrement des ateliers sur le passif. Forts de leur expérience et de leur vécu, ils anticipent les interrogations de ces nouveaux locataires et transmettent les nouveaux gestes adéquats. Certains sont également devenus « animateurs » d’énergie. Ils organisent des sessions d’information sur le défi énergétique et vont à la rencontre des habitants du quartier.
1. Maison de quartier Bonnevie :
– adresse : rue Bonnevie, 40 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 410 76 31
– site : http://bonnevie.vgc.be
2. Ciré :
– adresse : rue du Vivier, 80-82 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 629 77 01
– site : http://www.cire.irisnet.be
3. Fonds du Logement :
– adresse : rue de l’Eté, 73 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 504 32 11
– site : http://www.fondsdulogement.be