Il y a cinq ans, la Luss, fédération francophone des associations de patients et de proches, et porte-parole des usagers des services de santé, ouvrait des antennes à Liège et à Bruxelles en plus de son siège namurois. Objectif: être au plus près des associations qu’elle représente. Pour célébrer ces cinq années de travail de proximité, la fédération a interrogé les associations de patients sur leurs besoins. A alors émergé l’idée de réaliser un documentaire, qui «nous légitimise, nous reconnaît, dit vraiment qui on est», rapporte aujourd’hui Carine Serano, responsable «opérationnel» de la Luss, qui coordonne les équipes de proximité. Il y a un peu plus d’un an, a donc débuté un processus participatif qui, de l’écriture à la diffusion, n’avait pour autre but que de rendre visible ce travail au quotidien des associations de patients, un travail qui demeure peu documenté. «L’objectif était de mettre en avant l’aspect humain autant que l’aspect informatif. Qu’on soit touché par le sujet», se remémore aussi Arthur Lecouturier, réalisateur pour l’asbl d’éducation permanente Média Animation, sollicitée pour ce projet.
Le film, d’une grosse quinzaine de minutes, prend la forme d’un triptyque, où se déplient des tranches de vie de trois femmes, toutes atteintes d’une pathologie chronique, et qui ont chacune trouvé, dans une association de patients, un espace de réconfort, d’échanges, mais aussi un lieu pour se (re)mettre en mouvement.
Amandine, étudiante de 22 ans, est diabétique depuis un an et demi. Elle évoque l’annonce de son diagnostic et la perte de repères qui s’est ensuivie, la réorganisation de son quotidien, la rencontre avec une association de personnes diabétiques. Elle raconte le soutien que cette dernière a pu lui procurer via une écoute sans jugement et une entraide entre pairs. L’association est devenue une épaule sur laquelle Amandine peut se reposer.
Avec Mireille, retraitée depuis quelques années et atteinte de la maladie de Parkinson, on découvre l’investissement d’une personne au profit d’une association de patients. Mireille accueille les nouveaux venus et participe à toutes les activités d’Action Parkinson. Son médicament à elle, c’est la boxe, activité dans laquelle elle embarque ses compagnons de route. «En fait, je vais vous dire, précise-t-elle, j’étais moins active avant qu’on ne découvre mon Parkinson! Il y a le sport, mais il y a surtout la rencontre…»
Le troisième personnage du film, Cécile, se bat pour que les personnes bipolaires «retrouvent l’équilibre de leur humeur et le maintiennent». Outre son engagement dans l’association Le Funambule via une ligne d’écoute téléphonique, elle y déploie une action plus militante. En portant la voix des patients auprès du politique, l’association a notamment fait avancer le dossier du remboursement d’un médicament pour les personnes bipolaires.
«Il y a un réel manque, commente Arthur Lecouturier, qui a découvert, au fil de la réalisation, à quel point l’apport de ces associations était énorme pour les patients qui les fréquentent. Les proches sont là mais n’ont pas la connaissance médicale, les médecins sont là mais n’ont pas l’approche de soutien quotidien, les gens qui ont l’expérience de la maladie sont beaucoup plus aptes à t’aider, à t’accompagner.»
«Les associations de patients réalisent des missions essentielles, souvent de l’ordre du service public. Cela s’est confirmé pendant le confinement durant lequel elles ont énormément travaillé, par exemple en mettant en place des ‘hotline’ ou en jouant un rôle de relais à un moment où les gens avaient peur des services de santé.» Carine Serano, Luss
Faire connaître ces associations qui réalisent des missions essentielles
Si le casting du documentaire est entièrement féminin, c’est le hasard qui en a décidé. Le choix s’est porté sur des associations avec des thématiques variées et sur des personnalités, bien différentes. «Des personnes assez disponibles, avec une forme d’intelligence en termes de mise en scène, commente Arthur Lecouturier. Elles étaient assez douées pour reproduire avec aisance des choses de leur quotidien.» «On a voulu représenter les maladies chroniques, les maladies mentales et aussi une maladie qui parle au grand public – le diabète – avec des associations qui avaient des actions en présentiel à ce moment-là, puisque le tournage s’est effectué en sortie de confinement», ajoute Carine Serano. La responsable de la Luss poursuit: «Ce documentaire a beau mettre trois associations en avant, toutes celles qui l’ont visionné s’y retrouvent. Et elles disent toutes la même chose: c’est ce qu’on fait, ce qu’on est et ce qu’on a envie de montrer.»
Car, au-delà de l’humanité qui se dégage des personnages, l’ambition est bien d’informer et de sensibiliser sur les divers rôles endossés par ces associations. «Elles réalisent des missions essentielles, souvent de l’ordre du service public. Cela s’est confirmé pendant le confinement durant lequel elles ont énormément travaillé, par exemple en mettant en place des ‘hotline’ ou en jouant un rôle de relais à un moment où les gens avaient peur des services de santé», souligne Carine Serano. Pour diffuser le film, trois soirées de visionnage ont été d’ailleurs été organisées à Bruxelles, Namur et Liège: les associations de patients doivent être mieux connues des personnes qui pourraient y faire appel, des professionnels de santé, mais aussi du monde politique. Plus les patients se tourneront vers elles, plus elles auront de travail. «On attend du politique qu’il s’empare de l’appel d’air qu’il va y avoir suite à la diffusion.»
En savoir plus
«Les patients, ces experts oubliés», Alter Échos n°490, janvier 2021, Marinette Mormont.
«Le patient, partenaire de ses soins et du système de santé» (dossier), Santé Conjuguée n°88, septembre 2019, Fédération des maisons médicales.