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C’est dans le lieu fastueux du Théâtre royal de Namur que s’est tenu les 13 et 14 septembre, le colloque intitulé « Lieux de santé-Lieux de vie ». Organisé àl’initiative du cabinet du ministre wallon des Affaires sociales et de la Santé1 dans le cadre de l’année de la santé mentale, le colloque était amené àrépondre à l’objectif de développement durable adopté par l’Union européenne. « Une politique qui concilie la croissance économique, la protection sociale etla protection de l’environnement » a expliqué le ministre Detienne en ouvrant le colloque. « Public, usagers, professionnels ou autorités administratives et politiques étaientinvités à réfléchir à la façon d’améliorer leurs réponses aux besoins des patients, des personnes présentant des troubles, des personnesmarginalisées par leur statut, exclues en raison de leur condition de vie, et à repérer des initiatives qui pourraient donner des idées à d’autres. » Une quarantained’expériences issues de Wallonie ont été réparties dans différents ateliers destinés à faire germer des idées novatrices et une visited’associations à la pointe a été organisée par la Ligue wallonne pour la santé mentale2.
Inadéquation des structures
En ouverture de la table ronde qui rassemblait une kyrielle de spécialistes, (psychiatres, psychanalyste, architecte, médecin, écrivain, historien, responsable d’une entreprised’économie sociale), le ministre Detienne a dessiné les axes de sa politique :
> santé mentale : notamment favoriser l’accès à la parole pour les personnes psychiquement blessées, activer le réseau naturel de vie, optimaliser leréseau des soins, encourager les actions porteuses de créativité.
> action sociale : travail de rue, offrir des lieux de jour et de nuit qui permettent de recréer du lien social.
> travail en réseau pour donner des réponses plurielles aux problèmes liés à l’exclusion, travail de proximité pour répondre aux problèmesen grappe qui émergent du social. Detienne a insisté sur « la nécessité de passer à de nouveaux modes d’intervention qui partent de la réalité et dulangage des personnes concernées » et a souligné « l’inadéquation des structures qui restent figées dans des modèles qui ne sont plus d’actualité tout envoulant valoriser la créativité et la richesse de certains intervenants qui innovent, réfléchissent et mettent en place suffisamment d’intervision pour tenter derépondre, ou du moins, apporter un soulagement à la souffrance psychique du patient ».
> problématique des personnes âgées : le maintien à domicile dans des conditions optimales (avec la liberté de choix de la personne) et l’encouragementd’alternatives et de services qui le rendent possible dans de bonnes conditions.
Psychiatrie à deux vitesses
Jacques Gasser (psychiatre et historien à Lausanne) a insisté « sur le risque d’une psychiatrie à deux vitesses où tous les moyens sont concentrés sur les soinspsychiatriques aigus tandis que s’organisent une multitude de structures d’accueil à l’initiative des familles et de réseaux proches des patients chroniques, mais qui souffrent d’unmanque de moyens ».
Jean-Pierre Lebrun (psychiatre et psychanalyste namurois) s’est étendu sur le glissement qui s’est opéré dans la tâche des professionnels de l’écoute aujourd’hui : »La surmodernité produit des non-lieux : camps de réfugiés, chaînes d’hôtels, bidonvilles, distributeurs automatiques. Avoir lieu, c’est exister et pour exister commesujet désirant, il y a tout un travail à faire. On ne naît pas sujet, on le devient. Ceux qui ont la charge de transmettre, (parents, enseignants, etc.) qui sont à lafrontière du social et de la psychiatrie, sont délégitimés de la transmission de cet impératif de l’humain. En une génération, les parents ne saventplus dire non. Cela a pour conséquence que les psy qui avaient la tâche d’être à l’écoute des marginalisés, ont à faire aujourd’hui à des gensqui ne nous demandent rien, qui ne parviennent pas à sortir de l’ornière où ils sont engloutis. Les psychiatres aujourd’hui travaillent du côté de l’exclusion.(Exclure, c’est rendre inexistant ce qui existe. Ceux qui sont exclus sont frappés de non-lieu.) L’écoute ne suffit plus. Nous sommes face à la tâche d’éponger cetengluement. Est-ce notre boulot? Nous sommes dans une position nouvelle qui demande une dépense psychologique supplémentaire, sans repères et sans pouvoir nous contenter d’unrésultat obtenu. Si le social nous demande d’endosser cette tâche, le politique nous en donne-t-il les moyens? Non pas les moyens financiers, mais les moyens psychologiquesd’appréhender ce qui se passe. »
Michel Lambert, écrivain, a témoigné de son expérience d’animateur d’ateliers d’écriture. Que ce soit en prison, dans un centre culturel ou un centre desanté mentale, il travaille de la même façon sans faire de distinction. « L’écriture permet de partir à la recherche de son secret personnel qui se dévoilepetit à petit. L’écriture est un lieu de liberté totale. Elle permet l’évasion. L’écriture est un instrument de valorisation. Mais il y a des règles defonctionnement, celles-ci donnent l’occasion de réapprendre l’effort, de se frotter à des contraintes. Ecrire permet de prendre conscience de l’universalité desproblèmes. »
En fin de débat, le ministre a reconnu « qu’il faudrait définir des priorités dans les réponses à apporter tout en injectant des moyens. La croissance de 16% queconnaît mon service est insuffisante et il sera nécessaire, pour permettre le déploiement du travail, de sortir du sanitaire pour arriver au sociosanitaire ».
1 Cabinet Detienne, rue des Brigades d’Irlande, 4 à 5100 Jambes (Namur), tél. : 081 32 34 11, fax : 081 32 34 29.
2 Ligue wallonne pour la santé mentale, rue Muzet, 32 à 5000 Namur, tél. : 081 23 50 10 – fax : 081 22 52 64 – courriel : lwsm@skynet.be