Le 8 septembre dernier avait lieu la journée internationale de l’alphabétisation. L’occasion de rappeler à quel point celle-ci est fondamentale à l’autonomisation et au développement de chacun. L’occasion aussi pour Lire et Ecrire de pousser un cri d’alarme.
Acquérir des compétences de base (lire et écrire) est un droit humain. Pourtant, la Belgique est loin d’avoir effacé une réalité sociale récurrente : on estime que 1 adulte sur 10 est en grande difficulté face à l’écrit.
L’asbl Lire et Ecrire fut créée en 1983 par le mouvement ouvrier avec pour objectif « d’offrir à tous ceux et celles qui le souhaitent une alphabétisation de qualité. » Avec plus de 5000 refus d’inscription recensés en Fédération Wallonie-Bruxelles par an, c’est encore loin d’être le cas. En effet, tous les centres d’alpha ne peuvent pas accueillir l’ensemble du public se présentant à eux. Pire: la dernière étude sur les refus d’accès à la formation date de 2010 mais d’après Lire et Ecrire, tout pousse à croire à une augmentation. L’asbl expliquait ainsi lors d’une conférence de presse pourquoi « l’alpha a les boules » – comme l’indique le slogan de la campagne.
Un secteur débordé
Comment expliquer ce refus ? Il existe 14 pouvoirs publics différents octroyant des subsides au secteur de l’alphabétisation, permettant ainsi à 16.000 personnes d’accéder à la formation chaque année. Qui sont donc ces chanceux ? C’est à chaque pouvoir subsidiant de déterminer son public cible. L’alphabétisation se voit donc refusée à ceux qui n’en font pas partie: les sans-papiers, les personnes qui ne sont pas primo-arrivants ou dans une démarche d’activation, etc. Dans ce contexte, Lire et Ecrire demande la fin de ce qu’elle appelle la «catégorisation des publics.»
Deuxième explication: les moyens mis à dispositions des centres sont insuffisants pour permettre au secteur de répondre à la demande grandissante. Lire et Ecrire demande que soient évaluées les politiques d’activation qui envoient de plus en plus de monde dans les programmes de formation. Sans nouveaux moyens financiers pour y faire face, les associations sont poussées à abandonner le public qui est déjà en formation chez elles pour accueillir ces nouveaux arrivants envoyés par l’ONEM. Malgré ces problèmes budgétaires, l’asbl cherche «à préserver une alphabétisation de qualité accessible à toutes personnes», quel que soit son statut.
Un public pénalisé
Les logiques de contrôle ont d’autres effets négatifs. Selon l’association, la dégressivité des allocations de chômage permet difficilement un investissement serein et stable dans le projet de formation. De surcroit, les lourdes contraintes administratives pénalisent les personnes analphabètes puisqu’elles nécessitent le recours à l’écrit. Du côté de Lire et Ecrire, on se plaint de devoir endosser un rôle de contrôle dans le cadre de l’activation des chômeurs. Un rôle qui génère une surcharge administrative qui détourne les centres d’alphabétisation de leur mission pédagogique réelle.
Le sentiment de gâchis semble être partagé par beaucoup. Preuve en est la mobilisation d’une vingtaine d’associations (Collectif Alpha de Bruxelles, Funoc de Charleroi, Déclic Emploi de Tournai, Envol d’Andenne, etc.) devant la gare Centrale à l’occasion la journée internationale de l’alphabétisation. Environ 1000 personnes (travailleurs, apprenants et sympathisants) cherchaient à interpeller le grand public avec un même ressenti et slogan : «l’alpha à les boules».
Le prochain gouvernement de centre droit ( ?) donnera-t-il les moyens suffisants aux associations du secteur de l’alpha pour accueillir les 300 000 analphabètes de la communauté française ; tous confondus?