L’immigration aux Pays-Bas change de visage : aujourd’hui, ce sont les Européens qui rejoignent massivement les Polders. De l’Est et du Sud de l’Europe, des jeunes viennent tenter leur chance, tandis que les Néerlandais n’ont jamais été aussi nombreux à quitter leur pays
Ils s’appellent Agnieszka, Dimitar et Herminio. Ils sont polonais, bulgare et portugais. Agnieszka fait des ménages, garde des enfants. Dimitar travaille dans une entreprise de construction. Quant à Herminio, il est homme à tout faire dans un hôtel du centre d’Amsterdam. Au-delà de leurs différences de langues et d’origine, un point commun rassemble ces jeunes : ils font tous trois partie de cette nouvelle immigration européenne qui croît rapidement aux Pays-Bas.
Entre 2007 et 2011, cette tendance a connu une croissance spectaculaire. Une augmentation dont s’inquiète Lodewijk Asscher, le nouveau ministre travailliste des Affaires sociales et des Conditions de Travail, qui décrit la situation dans une lettre adressée le 7 mars dernier au Parlement (Tweede Kamer).
A la fin du 2011, le Bureau central des Statistiques (CBS) recensait désormais 600 000 habitants en provenance d’un pays d’Europe. C’est-à-dire presque autant que les Turcs et les Marocains mis ensemble, qui totalisent aujourd’hui : 755 877 personnes. A ces deux communautés, les plus importantes, on peut ajouter les immigrés en provenance d’autres contrées, comme le Surinam, ancienne colonie néerlandaise. Mais, si les non-Européens sont toujours les plus nombreux aujourd’hui, leur croissance s’est nettement ralentie au profit des Européens.
Ce qui contredit nettement les prévisions alarmistes de Geert Wilders, selon lequel un « tsunami musulman » allait engloutir le pays. Au sein de l’Union européenne, ce sont les Polonais qui décrochent la palme avec 28 %, suivis des Allemands (23 %), des Belges (9 %) et des Britanniques (8 %) ! Les Bulgares ont plus que triplé leur nombre, passant de 5 500 en 2007 à 18 080 en 2011, tandis que les Roumains les talonnent, passant de 8 010 à 13 610 pendant le même laps de temps.
Une migration du travail
Les ressortissants d’Europe Centrale et de l’Est à eux seuls totalisent 340 000 personnes. Mais on assiste aussi à une croissance de 21 % de l’immigration du sud de l’Europe entre 2007 et 2011 : les immigrants en provenance d’Espagne, de Grèce, du Portugal et d’Italie sont passés de 60 000 en 2007 à 73 000 en 2011. Ce sont les Grecs qui – sans surprise, vu le contexte économique – connaissent la plus forte croissance avec 37 % d’augmentation. Il s’agit essentiellement de migration du travail. Tandis que la migration depuis les pays de l’ancien bloc communiste fait craindre au ministre des Affaires sociales une « immigration d’assistance », voire une « immigration criminelle ». La politique des Pays-Bas s’est notoirement durcie à cet égard puisqu’entre 2011 et 2012, ce sont pas moins de 420 ressortissants d’Europe de l’Est et Centrale qui ont été déclarés indésirables et expulsés pour motifs judiciaires. Tandis qu’une centaine d’entre eux ont été rapatriés parce qu’ils ne pouvaient subvenir à leurs besoins.
Les permis de travail sont délivrés au compte-gouttes : en 2010, on en comptait encore 2 666, 923 en 2011 et seulement 19 entre le 1er janvier et la fin août 2012 ! La majorité concerne des Roumains et des Bulgares dans les secteurs de la construction et de l’agriculture.
Le ministre des Affaires sociales prône également une procédure d’inburgering (intégration citoyenne) pour les ressortissants de l’Union Européenne, ce qui contrevient évidemment à la liberté de circulation. Mais en matière européenne, les Pays-Bas n’en sont plus à une entorse près… Est-ce cette politique ultralibérale, xénophobe et intolérante qui a poussé 143 000 Néerlandais – un nombre record – à quitter le pays en 2012 ?
Aller plus loin
Alter Echos n° 331 du 03.02.2012 :
https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=331&l=1&d=i&art_id=22049 Pays-Bas : le « tsunami musulman » n’aura pas lieu !
Alter Echos n° 328 du 28.11.2011 :
https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=328&l=1&d=i&art_id=21854 Inburgering : dispositif d’intégration ou politique symbolique ?