D’ici 2020, 35 millions de compteurs électriques dits « communicants » devraient être installés chez nos voisins français. Ce petit boîtier doit permettre de réaliser de grandes économies d’énergie en informant le consommateur de sa consommation en temps réel. Encore faut-il que celui-ci ait accès à ces informations…
En septembre 2011, le ministre français de l’Industrie de l’époque, Eric Besson, annonçait, après une phase d’expérimentation, que le compteur intelligent baptisé « Linky » serait installé dans tout l’Hexagone. Une décision qui n’a pas manqué de faire des étincelles. Pour court-circuiter l’arrêté polémique, l’Union fédérale des consommateurs (UFC) Que choisir1 vient d’émettre un recours auprès du Conseil d’Etat pour « excès de pouvoir ». En parallèle, l’association lance une campagne où elle démontre que, malgré les promesses, le déploiement de Linky ne sera pas gratuit pour les consommateurs puisque son coût, estimé entre 120 et 300 euros l’unité, serait répercuté sur la facture, dans les frais de distribution. Elle y soulève aussi la question de l’accès à l’information. « Contrairement à l’engagement pris dans la loi Grenelle, les compteurs communicants ne permettent pas aujourd’hui aux consommateurs de mieux connaître leur consommation d’énergie en temps réel et ainsi, de la maîtriser », accuse l’UFC.
Une information cadenassée
Si les compteurs actuels fournissent déjà une série d’informations sur la consommation totale, le tarif en heures creuses, la puissance instantanée, celles-ci ne sont pas toujours physiquement accessibles. Le compteur pouvant se situer à l’extérieur du domicile, dans un casier fermé. « Une petite vitre est prévue pour pouvoir lire ces données, mais il faut appuyer sur un bouton derrière la vitre pour afficher les derniers chiffres », explique Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie et environnement à l’UFC, pour démontrer l’absurdité de la situation. Avec Linky la situation ne sera guère différente. « ERDF [NDLR le gestionnaire français du réseau] change l’installation, mais le casier reste fermé !»
ERDF teste actuellement un site web pour permettre aux consommateurs d’accéder à leurs données. « En France, seulement 70 % des ménages ont accès à Internet. De plus, ce sont souvent les familles en zone rurale qui ne sont pas connectées. Et c’est justement en zone rurale que se trouvent le plus de casiers fermés », rétorque-t-on à l’UFC. Où l’on plaide plutôt pour un système d’affichage déporté, les données étant envoyées sur un petit écran au domicile du consommateur via une communication sans fil.
L’association pointe aussi la privatisation des données à des fins mercantiles. A terme, les compteurs intelligents offriraient une série de services : contrôle à distance des appareils électriques, coaching énergétique personnalisé… Les fournisseurs d’énergie y voient déjà un business potentiel. « Le compteur risque de ne profiter qu’aux seuls ménages qui pourront financer ces services supplémentaires. Ce doit être un objet d’intérêt général avant d’être un objet de marché », estime Bruno Léchevin, délégué général du Médiateur national de l’énergie, dans son rapport 2011.
Allo, allo ?
L’introduction de Linky marquera la fin de la relève à pied des compteurs. Le Médiateur national de l’énergie craint que ce système ne soit perçu « comme une nouvelle étape de la déshumanisation du service public de la distribution d’énergie ». Nicolas Mouchninos, chargé de mission énergie et environnement à l’UFC Que choisir, abonde dans ce sens : « Avec la relève à pied, un dialogue s’instaurait parfois entre la personne et le technicien, et des solutions pouvaient être trouvées quand il y avait un litige. Demain, il y aura juste un service clientèle par téléphone où les opérateurs n’auront pas forcément le temps d’écouter les gens, ni la possibilité de prendre des décisions. »