Association rompue à la lutte contre l’analphabétisme, « Lire et Écrire » 1 a mené une en-quête en Wallonie, fin 2003, auprès de 150 de ses« apprenants » et de 300 institutions pu-bliques. Premier enseignement? La gêne! L’il-lettrisme reste un sujet tabou. Les illettrés s’ingénient à le cacher : oninvoquera un oubli de lunettes, une écriture illisible, etc., pour refuser de remplir un formulaire à un guichet. Et la gêne est réciproque: face à laprésence de personnes avérées analphabètes, les employés dissimulent leur propre embarras. Il peut en résulter des tensions, voire del’agressivité.
Pourtant, le phénomène n’est pas marginal. On considère qu’au moins 10 % des adultes sont analphabètes. C’est-à-dire, selon la définition de l’Unesco, 10%d’adultes qui ne savent ni lire ni écrire, en le comprenant, un texte simple en rapport avec leur vie quotidienne. La proportion vaut pour la Wallonie comme pour Bruxelles et la Flandre,même si la première présente un indicateur de niveau de diplômes plus défavorable; ces 10% prévalent aussi dans les pays voisins, mais, par-delà lesdifficultés statistiques et méthodologiques pour chiffrer l’illettrisme, c’est beaucoup, eu égard singulièrement à l’obligation scolaire. Et « c’estintolérable », commente « Lire et Écrire » en exergue d’un ouvrage présenté le 22 juin 2004, alors que l’association était reçue chez les(in)formateurs PS Di Rupo et Picqué.
Trois axes : école, formation et intégration
Trois grands axes y sont détaillés, qui feraient l’amorce d’un véritable « plan wallon pour l’alphabétisation ». D’abord, à la racine du mal :l’école. « Le véritable enjeu, c’est que tous les enfants à 8 ans puissent lire et écrire », explique Ygaëlle Dupriez, directrice du mouvement enWallonie.
Lire et Écrire propose entre autres pour s’y attaquer :
> que l’école et les enseignants reconnaissent et intègrent les savoirs de tous les enfants et de toutes les familles ;
> que la formation des enseignants évoque davantage l’ensemble des problématiques sociales, culturelles et linguistiques des enfants et adolescents ;
> que l’objectif prioritaire de l’école primaire soit l’apprentissage des compétences de base (lire, écrire et calculer) ;
> que des dispositifs spécifiques répondent aux difficultés spécifiques : remédiation en secondaire, classes passerelles pour primo arrivants, etc.
Deuxième axe: une offre de formation pour tous. Quelque 88 structures en Wallonie, presque toutes associatives, offrent aujourd’hui 900 000 heures annuelles de formation enalphabétisation. C’est beaucoup, et en croissance; mais peu par rapport au défi. L’offre devrait s’organiser partout où la demande existe: CPAS, centres culturels, maisons dequartier, associations d’éducation permanente, OISP, fonds de formation sectoriels, entreprises… sans oublier les cellules de reconversion, les syndicats, les associations ou encore lesécoles primaires. Les formations doivent également s’adresser à tous les publics : travailleurs, demandeurs d’emploi, femmes au foyer, personnes non francophones, gens du voyage,détenus ou encore personnes handicapées.
Moyens à la clé : pour pouvoir accueillir ne serait-ce que 10% des 10% d’adultes analphabètes en Wallonie, soit 24 000 apprenants, durant 12 heures de formation/semaine, 1 628nouveaux emplois devraient être créés. Alors qu’aujourd’hui le secteur de l’alphabétisation compte seulement 300 travailleurs en Wallonie. Un appel du pied aux nouveauxgouvernements régionaux et communautaires…
Troisième axe : l’intégration. Au menu, sensibilisation de la population, accessibilité des lieux, usage de pictogrammes, communication orale des rendez-vous, etc.Ygaëlle Dupriez : « Un illettré n’est pas d’abord illettré. Il est parent, travailleur ou sans emploi, collègue, client… Il a son savoir, son histoire, sonexpérience comme quiconque. »
Pour appliquer son plan wallon de l’alphabétisation, Lire et Écrire insiste sur l’adhésion de tous les autres acteurs de la société et souhaite confronter son pointde vue au leur. L’association suggère ainsi pour la mise en place de ce dialogue la création de plate-formes locales réunissant des partenaires variés : des apprenants auxassociations, en passant par les organismes culturels, économiques ou publics.
1. Lire et Écrire Wallonie, rue de Marcinelle, 42 à 6000 Charleroi – tél. : 071 20 15 20 – fax : 071 20 15 21 – courriel : coordination.wallonne@lire-et-ecrire.be– site : www.lire-et-ecrire.be