Priorité des deux dernières législatures, la rénovation du parc immobilier du logement social à Bruxelles semble présenter un sérieuxinconvénient : l’augmentation des logements inoccupés. Rencontre des acteurs de terrain.
2 263. Non, ce n’est pas la date de la réalisation du prochain plan logement du gouvernement bruxellois mais bien le nombre important de logements sociaux inoccupés au 31décembre 2007 ! Ce chiffre en hausse de 30 % par rapport à 2003 est évidemment interpellant. Le 3 juin dernier, « La plate-forme logementsvides-verdoem », réunissant le Rassemblement bruxellois pour le droit à l’habitat, le Bral et Inter-Environnement Bruxelles, organisait une action sur le site du Foyerforestois au square de la Madelon. Issue originale, la société de logement a, elle-même, sur proposition de son président adhéré à la plate-forme.
« Notre objectif est bien sûr plus large que la question du logement social », nous explique Isabelle Hochart, chargée de mission à Inter-EnvironnementBruxelles1. « Nous avions précédemment effectué des actions vers les logements privés et vers les bureaux mais la situation du logement social estvraiment préoccupante. » On chiffre à 15 000 le nombre des logements vides à Bruxelles, la part du logement social serait donc d’environ 15 %.
Au départ, le constat est criant : le patrimoine immobilier du parc du logement social est vieillissant. Le retard accumulé dans la rénovation dans les années ’80et ’90 est énorme. Les investissements doivent suivre. À partir de 1999, cela devient une priorité du gouvernement bruxellois qui débloque des moyens importants.« Les programmes d’investissement actuellement consacrés à la rénovation atteignent les 480 millions d’euros », signale Inter-EnvironnementBruxelles.
Du côté du cabinet de la secrétaire d’État régionale au Logement, on cherche à relativiser en précisant les chiffres. Les logementsinoccupés représentent 6 % du parc total. Sur les 2 263 logements, 645 étaient proches de la mise sur le marché et 1 328 étaient inscrits dans unprogramme de rénovation au financement assuré. Seuls 209 se trouvaient dans un plan de rénovation dont le financement était en construction et au final, seulement 81logements devraient faire l’objet de l’élaboration d’un projet de rénovation.
Quand les procédures s’emmêlent
Mais pour les animateurs de la plate-forme, les rénovations sont mal gérées. « On fait libérer des logements et, ensuite, les travaux ne démarrent pasavant longtemps », souligne la chargée de mission. Tous les problèmes ne viennent pas de la gestion des chantiers par les Sisp (Sociétés immobilières deservice public). Ainsi, les chantiers sont parfois interrompus par la faillite d’un entrepreneur.
Comme à Forest justement, explique Jean-Claude Englebert, nouveau président du Foyer forestois depuis février 2009. « Finaliser un chantier dontl’entrepreneur est tombé en faillite pose de nombreux problèmes juridiques. Nous avons pu aboutir à la reprise du chantier de l’avenue de la Verrerie après unetrès longue interruption. Quant au chantier Fléron interrompu par la faillite des entreprises Moens en octobre, le marché a pu être réattribué etl’interruption s’est limitée à cinq mois. »
Mais au delà de ces problèmes de faillite ou encore des contraintes comme celles imposées par la Commission des Monuments et Sites pour 27 logements sociaux construits parVictor Bourgeois à Berchem Sainte-Agathe, ce sont les procédures très lourdes qui peuvent amener des logements habitables – ou pouvant être rénovésà peu de frais – à être inoccupés. « Il faut arriver à resserrer les délais », conclut Isabelle Hochart.
Principalement visées, les réglementations en matière d’urbanisme et de marchés publics sont effectivement très lourdes. Mais les procédures enmatière de logement aussi. On a identifié 87 étapes à l’élaboration d’une opération de rénovation entre une Sisp et sa tutelle de la SLRB.« Et il n’y a pas que cela. Les habitants des logements sociaux détiennent un droit inaliénable. Il faut donc les reloger. Organiser leur relogement est uneopération complexe qui peut prendre du temps », souligne Jean-Claude Englebert.
1,2,3, voilà le 123 !
L’occupation temporaire d’immeubles vides est le credo de l’asbl « Woningen123logements« 2 dont Thomas Dawance est l’un des principaux animateurs.« L’occupation permet une mobilisation qui peut déboucher sur des projets structurants pour les individus qui y participent », soutient-il avec conviction. Lesdémêlés entre l’asbl et le Foyer ixellois ont récemment fait les manchettes des médias. « En 2006, le président d’alors avaitaccepté l’idée que nous rénovions sommairement cinq logements de la Cité Volta pour les rendre habitables et y installer cinq familles. La tutelle s’yétait opposée. Nous avons repris cette idée car la SLRB a entre-temps introduit une nouvelle jurisprudence en validant une convention entre la Sisp Sorelo et l’asblConvivence permettant des installations précaires dans un immeuble de la rue Saint-Joseph », nous raconte Thomas Dawance. La Société du logement de la Région deBruxelles-Capitale3 (SLRB) nuance cette version. « Il y a trois ans, nous estimions qu’il fallait être prudent. Aujourd’hui, la nouvelle direction,après avoir évalué, estime que les travaux devraient commencer dans un délai relativement court et a préféré décliner. C’est à euxque revenait cette décision », estime Yves Lemmens, directeur général ff de la SLRB.
Mais l’équipe du « 123 » ne va pas désemparer. « Nous allons bientôt revenir à la charge. Ce que nous proposons, c’est la misesur pied d’un projet-pilote au sein d’une Sisp. À terme, la Febul (la Fédération bruxelloise des unions de locataires qui regroupe plusieurs groupes dereprésentants de locataires) pourrait créer une structure capable de s’en occuper. Ce devrait être une vraie agence sociale », propose l’agitateur-animateur dumouvement. La secrétaire d’État n’est en tout cas pas insensible à leur démarche puisqu’elle leur a attribué trois agents contractuelssubventionnés. « Nous attendons la notification officielle de cette décision », confirme Thomas Dawance. Pour les pouvoirs publics, les
questions deresponsabilité et de sécurité sont au cœur du débat. « Les Sisp peuvent être responsables pénalement en cas de problème. Il convientdonc d’être prudent », ajoute-t-il sans fermer la porte. Même son de cloche chez le président du Foyer forestois. « La collaboration est possible et jesoumettrais aux instances du Foyer toute proposition concrète. Soyons francs aussi, il n’existe pas de service au Foyer pour s’occuper de cela, c’est un boulot en plus !», ajoute-t-il.
Vers un forum régional ?
Mais sur le fond, le directeur de la société régionale partage largement l’opinion du secteur associatif. « Il faut aller vers des solutions pragmatiques.Nous devons être plus efficaces. Nous souhaitons alléger les procédures, renforcer la cellule AMO (Aide à la maîtrise de l’ouvrage) qui assiste les Sisp etrenforcer les mesures contraignantes », décrit-il.
L’AMO semble donner beaucoup d’idées à tout le monde. Pour Jean-Claude Englebert, il faut étendre ses missions en mettant en place une véritablerégie régionale d’assistance technique. « Je suis très attaché à la proximité des Sisp par rapport aux locataires. Les assistants sociaux et lestechniciens de base doivent connaître les locataires, mais pour la gestion de projets comme la rénovation, bénéficier d’une cellule régionale commune estessentiel », soutient le président du Foyer forestois qui propose aussi une cellule « marchés publics » dont un des effets pourrait êtred’améliorer les standards de qualité.
Une certaine mutualisation est en cours. La SLRB a ainsi réalisé un marché conjoint pour la fourniture d’énergie. Un pas plus loin, Isabelle Hochart, un brinprovocatrice, pose la question de la fusion de l’ensemble des Sisp au niveau bruxellois. Yves Lemmens n’est pas d’accord. « En France, les sociétésgèrent de plus gros patrimoines équivalents grosso modo au patrimoine bruxellois. Est-ce que cela fonctionne mieux ? Franchement non. Il faut améliorer l’encadrementrégional de sociétés qui doivent rester de proximité », soutient-il en recommandant un vaste forum avec l’ensemble des acteurs (gouvernement, SLRB, Sisp,Commission consultative des locataires, initiatives associatives. « Le dialogue et la professionnalisation sont les deux priorités de demain », conclut-il. Sous peu, laballe sera dans le camp du futur ministre du Logement !
1. Inter-Environnement Bruxelles :
– adresse : rue d’Edimbourg, 26 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 893 09 09
– courriel : info@ieb.be
– site : www.ieb.be
2. Woningen123logements
– L’asbl coordonne l’occupation d’un immeuble situé au 123, rue Royale ainsi que de quatre autres immeubles :
– site : www.123rueroyale.be.be
– courriel: info@123rueroyale.be
3. Société du Logement de la région de Bruxelles-Capitale :
– adresse : rue Jourdan, 45-55 à 1060 Bruxelles
– tél. : 02 533 19 11
– n° vert : 0800 84 055
– site : www.slrb.irisnet.be