En octobre 2000, l’association st gilloise « Droits devant »1, qui a notamment pour objectif de lutter contre le racisme institutionnel, a publié une enquête effectuée parelle-même dans 801 logements du Foyer saint-gillois (qui en compte environ 1.000). L’enquête parvenue dans les mains d’une de nos consœurs fut l’objet d’un article dans Le Soir de cesamedi 17 mars qui semble avoir fait grand bruit au Foyer saint-gillois. Partant de chiffres puisés entre autres à l’administration communale, l’objectif de l’étude étaitde vérifier si l’origine ethnique était déterminante dans l’attribution des ºogements sociaux. La méthode utilisée : arpenter les immeubles de logementssociaux st gillois afin de répertorier les noms inscrits sur les sonnettes. Conclusion, sur les 801 noms, 182 seulement étaient à consonance étrangère. Plusprécisément selon l’enquête de « Droits devant », 77,29% des habitations seraient occupées par des Belges, 15,1% des Européens, 7,24% par des personnes d’originemaghrébine et 0,37% par des Africains. Or, souligne l’association, St Gilles compte 47% d’habitants étrangers.
Le Foyer saint-gillois pratiquerait-il la discrimination ? L’association « Droits devant » en est intimement convaincue, le directeur du Foyer2, Luc Wynen, lui, dément avecvéhémence : « Les logements sont attribués uniquement sur la base de revenus, de la composition familiale ou en fonction de l’ancienneté sur la liste d’attente mais jamaissur base d’un nom de famille ! » et dénonce l’attitude, selon lui, purement électoraliste des protagonistes : « deux conseillers communaux Ecolo sont membres de « Droit devant » et lapublication de l’enquête est intervenue juste avant les élections communales ». Il réfute également la méthode des sonnettes utilisée par l’association. « Cetexamen n’est, en outre, qu’une photographie du Foyer à un moment précis, déclare Luc Wynen à notre consœur du Soir. Il occulte totalement le fait qu’une bonne partdes résidents sont arrivés au Foyer il y a quarante ou cinquante ans, avant les vagues d’immigration. Petit à petit, ce public nous quitte pour aller en maison de repos3. Etdepuis six ans, la tendance bascule, nous recevons de plus en plus de candidats issus de l’immigration. Et depuis janvier, deux tiers des bénéficiaires sont des étrangers. » Et ledirecteur de proposer à Droits devant de revenir faire le relevé des sonnettes dans dix ans lorsque la mutation des habitants du Foyer aura eu lieu. Un laps de temps beaucoup trop longpour l’association qui attend des mesures plus rapides.
De son côté, le syndicat des locataires4, ne semble guère étonné. « Il y a effectivement discrimination dans les logements sociaux mais pas nécessairement surbase du nom, explique José Garcia, président du Syndicat des locataires. Il s’agit selon nous, plutôt d’une discrimination architecturale, c‘est-à-dire que l’offred’appartements de trois et quatre chambres est très faible. Celle de cinq chambres, quasi nulle. Or, tout le monde sait que les familles immigrées se composent souvent d’au moins troisou quatre enfants. »üVérification faite dans le rapport de la société du logement de la région bruxelloise, la SLRB, le Foyer saint-gillois ne recensait en 1999 que222 appartements de 3 chambres, seulement 5 appartements de 4 chambres et 0 de 5 ! Si on étend l’analyse à toute la Région bruxelloise, on ne recense que 1.239 appartements de 4chambres et 286 de 5. Pour José Garcia, la vraie discrimination se situe bien là. Une position que ne partage pas Luc Wynen : « Il y a effectivement peu d’appartements de 4 ou 5 chambressur St Gilles mais cela ne résulte pas d’une volonté d’éliminer les familles immigrées. La raison est beaucoup plus simple que cela. Nous n’avons plus de réservefoncière à St Gilles, nous ne pouvons construire de nouveaux appartements qu’en en détruisant d’autres, nous héritons donc de bâtiments conçus àl’époque pour des familles plus petites. De plus, ajoute le directeur du Foyer saint-gillois, nous pleurons depuis plus de trois ans pour obtenir des crédits pour acheter des maisons,beaucoup plus adaptées pour les familles nombreuses. Ces crédits existent maintenant pour les sociétés de logement comme la nôtre mais nous devons, pour les obtenir,remettre un dossier archi complet sur la maison à acheter. Le temps de constituer le dossier et d’obtenir le crédit, la maison nous file sous le nez. Nous demandons donc de simplifierles dossiers et de raccourcir le laps de temps pour obtenir le crédit. » En attendant, dans le cadre de la rénovation entreprise dans le quartier du midi, le Foyer St gillois a construit40 nouveaux logements sociaux dont 4 appartements avec 4 chambres. Pour « Droits devant », assimiler la discrimination des familles immigrées à une discrimination architecturale (donc aufait qu’elles auraient de nombreux enfants), relève de stéréotypes qui ont malheureusement la vie dure. « De nombreux jeunes couples sans enfants ou des isolés d’origineimmigrée ne trouvent pas non plus de place dans les logements sociaux. »
1 Droits devant, chaussée de Forest, 75 à 1060 St Gilles.
2 Foyer St gillois, rue Vlogaert, 22 à 1060 Bruxelles, tél. : 02 534 78 80, fax : 02 537 49 52.
3 D’après les statistiques du Foyer datant de 1999, 48% des résidents sont effectivement des pensionnés.
4 Syndicat des locataires, square Albert Ier, 32 à 1070 Bruxelles, tél. : 02 522 98 69, fax : 02 524 18 16, e-mail : syndicatdeslocataires@skynet.be
Archives
"Logements sociaux bruxellois : discriminations raciales ou architecturales ?"
catherinem
26-03-2001
Alter Échos n° 94
catherinem
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