«Allez les filles, avancez!» L’appel retentit dans les vallons hennuyers de Steenkerque. De la prairie jalonnée de vieux saules se détache un troupeau. Une à une, les vaches passent d’une prairie à l’autre. Michel accompagne l’avancée de gestes doux, saluant affectueusement ses bêtes. De l’autre côté du chemin, chaussée de ses hautes bottes, sourire radieux, Véronique maintient la barrière ouverte. Depuis trois mois, Véronique vient prêter main-forte à Michel Thienpont, agriculteur, à raison d’une fois par semaine. Véronique n’a pas le profil type des personnes dites «fragilisées» qui viennent habituellement à la ferme dans le cadre d’un projet d’agriculture sociale. Elle qui a «toujours rêvé d’être fermière» travaille dans un supermarché. Il y a peu, sa route a croisé celle d’Antoine Detobel, en charge du projet «Cap sur les métiers de la terre» porté par le CPAS de Soignies. Véronique ne pensait pas entrer dans les cases requises pour prendre part au projet: «Je ne suis ni demandeuse d’emploi ni porteuse d’un handicap.» Et pourtant, elle cherche à «se ressourcer», si possible «dehors et au contact des animaux». Pour Antoine Detobel, la recherche de bien-être de Véronique entre en parfaite résonance avec la définition de l’accueil social à la ferme, à savoir «un accueil dans une ferme familiale, destiné à des personnes fragilisées pour des raisons sociales, familiales ou de santé, qui a pour finalité l’amélioration du bien-être de ces personnes1». L’éducateur cherche alors parmi ses contacts locaux un profil d’accueillant qui pourrait correspondre aux envies de Véronique: une petite ferme d’élevage. «Je fais du matching relationnel, explique l’éducateur. J’essaie de trouver la bonne personne qui va au bon endroit.» Entre Michel et Véronique, ça a très vite collé. Michel et sa femme Marelyse, «c’est un peu devenu la famille» pour Véronique, «puis, ça leur fait aussi de la compagnie… Michel est tout seul à travailler à la ferme». L’aide ponctuelle de Véronique est la bienvenue pour l’agriculteur, bientôt retraité: «Elle m’aide et, moi, je suis content de lui apporter le contact avec les animaux. Avec Véronique, ça marche bien, elle comprend vite, elle propose… Ce n’est pas comme ça avec tout le monde. Parfois, il faut réexpliquer plusieurs fois avant que ça prenne. Et parfois, ça ne prend pas…»
Selon l’asbl Accueil champêtre en Wallonie, 150 à 200 structures wallonnes accueillent à la ferme des personnes fragilisées dans un objectif d’amélioration du bien-être social, physique et mental. D’un lieu à l’autre, les formules varient: accueil régulier et/ou occasionnel, individuel et/ou collectif, agriculteur indépendant ou association… Bien souvent, l’accueil est organisé en collaboration avec des structures sociales ou de santé. Des conventions fixent les responsabilités de chaque partie, les modalités d’accueil, les assurances nécessaires… L’accueil social à la ferme repose donc sur un partenariat tripartite «win-win» entre l’agriculteur, la structure sociale ou de santé et le bénéficiaire volontaire.