Echoline, dessine-moi le bien-naître

Echoline, dessine-moi le bien-naître

Santé

Echoline, dessine-moi le bien-naître

Avoir un enfant n’a rien d’évident. Et pour les femmes les plus fragiles et les plus précarisées, devenir mère est une étape plus difficile encore à franchir. À Charleroi, Echoline accompagne ces mamans du début de la grossesse aux trois premières années du bébé. Objectifs : permettre à chacune d’accéder aux soins obstétricaux, lutter contre la prématurité et la maltraitance en encourageant le lien entre parents et enfant. Mais aussi, malgré le passé difficile, malgré les problèmes de logement, le manque de revenus, assurer le bien-être de chacun. Tout simplement.

 

 

Martine Vandemeulebroucke Images : Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi 05-11-2015
« À Charleroi, les familles cumulent de plus en plus les difficultés »

L’inégalité des chances, ça commence tôt. Souvent dès la naissance. Quand l’enfant naît dans une famille en difficulté sociale ou psychologique où l’on n’a pas le réflexe ou la possibilité de se faire suivre pendant la grossesse et après l’accouchement. À Charleroi, trop de mamans arrivent à la maternité dans une situation précaire tant sur le plan social que sur le plan médical. Et à la sortie, le suivi du bébé n’est pas mieux assuré. Echoline est née de ce constat et le défi est toujours d’actualité.

Quand on évoque la question du suivi des naissances en Belgique, on pense immédiatement aux consultations de l’ONE. Mais l’accompagnement assuré par l’Office de la naissance et de l’enfance connaît un succès variable selon les caractéristiques sociales des populations concernées. Selon la banque de données médico-sociales de l’ONE (2010), le taux de couverture des premiers contacts avec le personnel de l’Office avoisine les 90% à Namur, au Luxembourg et dans le Brabant wallon mais 80% dans le Hainaut et à Liège.

L’asbl Echoline est née de ce constat: pour assurer un vrai accompagnement obstétrical autour de la naissance, il faut revenir aux consultations, au contact direct avec la maman et son bébé, cela afin de prévenir la prématurité mais aussi la maltraitance physique, la négligence, l’absence d’accès aux soins. Echoline est née en 2001, comme une empreinte wallonne d’Aquarelle, cette équipe de sages-femmes au CHU Saint-Pierre à Bruxelles qui depuis 1999 propose un accompagnement global à la naissance pour les femmes qui n’ont pas accès à la sécurité sociale. Un peu d’écoline, un peu d’échographies, de collines de Charleroi et on mixe le tout.

 

Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi
Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi

L’équipe est un mélange de sages-femmes et de psychologues qui travaillent en binômes dans les consultations à domicile. «On va chercher les femmes là où elles sont», explique Marie Sorel, psychologue. Beaucoup d’entre elles sont envoyées par l’ONE, le service d’aide à la jeunesse (SAJ) et le service de protection judiciaire (SPJ). Il faut alors établir le lien. Certaines femmes accrochent tout de suite parce qu’elles cherchaient ce type d’aide. Pour d’autres, celles qui viennent par « obligation» parce qu’envoyées par le SPJ, cela prendra plus de temps. Les femmes sont suivies avant et après la naissance. Avant?

«Trop de femmes sont en mauvaise condition physique pendant leur grossesse », constate Florence Gantier, sage-femme.« Les rendez-vous chez le gynécologue sont expédiés ou négligés. Elles souffrent de stress, de problèmes respiratoires et d’allergies.» Le tabagisme est très répandu et l’alcoolisme ou la toxicomanie ne sont pas négligeables.

Un bébé, ça fait peur

Le domaine d’intervention est vaste. Echoline a formé des groupes, les « bulles » pour les futurs parents, les « cocons » pour les nouveau-nés, les « chenilles » pour ceux qui commencent à se déplacer, les « papillons » pour les enfants qui prennent leur envol avant l’école maternelle.

«Cela prend beaucoup de temps et d’énergie, cela demande pas mal d’investissement en matériel mais les résultats dans les relations enfants-parents sont bénéfiques », constate Marie. Dans les groupes, on parle allaitement, on apprend comment manipuler le bébé, comment le changer, comment gérer les pleurs. « Certaines n’ont jamais vu de bébé et ça leur fait peur», remarque Florence.

Echoline apporte aussi une aide matérielle en puériculture (jouets, landaus…) très appréciée. Et l’ONE? C’est un partenaire essentiel d’Echoline mais dans les familles les plus précarisées, l’ONE fait peur. Peur du jugement, peur du contrôle social, du placement de l’enfant. De fait, l’équipe est fort sollicitée pour des situations de négligence qui sont définies comme un manque de soins et de réponses aux besoins primaires de l’enfant (sommeil, alimentation, sécurité, éducation). Cela représente un bon tiers des familles suivies.

Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi
Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi

 

L’hygiène aussi est un problème. Manque d’hygiène corporelle comme domestique. Il est vrai que les conditions de logement de certaines familles ne favorisent guère cette attention à la propreté du domicile. Echoline assure un accompagnement à la naissance depuis plus de dix ans à Charleroi mais la situation sociale des familles suivies ne s’améliore pas.

« On voit même plutôt une évolution négative, dit Marie. Des situations de précarité de plus en plus graves, plus de femmes étrangères. Avant, ces femmes (les Africaines notamment) disposaient d’un réseau sur lequel s’appuyer. Elles ont perdu ce réseau et tout soutien familial. La majorité des femmes sont très isolées et on constate plus de ruptures familiales. Nous voyons également plus de situations de handicap mental et de problèmes psychiatriques. Enfin, nous observons un accroissement de très jeunes mères qui connaissent des problèmes de logement et d’isolement.»

Les familles semblent accumuler de plus en plus de difficultés, résume l’équipe. Le SAJ intervient en effet pour 46% des familles suivies et le SPJ pour 26%. Ces suivis concernent autant les enfants qu’un des parents.

Parent et handicapé mental

Le nombre important de femmes souffrant de troubles psychiatriques et de déficiences mentales interpelle également. L’équipe l’explique par le passage à une pratique d’autonomie plus grande des handicapés mentaux qui sortent des institutions. « C’est très bien en soi mais la dimension de la parentalité a été totalement oubliée. » Quand on demande aux sages-femmes et aux psychologues d’Echoline s’il ne leur arrive pas d’être découragées, les rires fusent. Mais Emilie Querton, psychologue psychomotricienne, reconnaît que «leur travail n’est pas facile » et qu’elles ne « peuvent donner que 10% de ce que les mères ont besoin».

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Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi

Un sentiment d’impuissance qui s’explique par l’accumulation des problèmes sociaux sur lesquels l’équipe n’a pas ou n’a que peu de prise. Comme le logement. Trop de familles vivent dans des appartements, voire de simples chambres insalubres et inadaptées à la présence d’enfants. Les problèmes se corsent pour celles qui souffrent de troubles mentaux. Il faudrait, dit- on chez Echoline, plus de logements supervisés avec un encadrement assuré par des éducateurs. Et des institutions psychiatriques de jour avec une possibilité d’accompagnement des enfants.

«Il y a un terrible manque d’accompagnement social, note Marie. Le système est trop complexe. Nous travaillons avec le réseau social de Charleroi mais tous les dispositifs sont tellement éclatés. Les services interviennent en cas de crise mais il faudrait un suivi plus permanent. Il faudrait une sorte de parrainage des enfants. C’est peut-être ce qui manque à Echoline. » Et puis, il y a aussi ces décisions politico-budgétaires que les plus précarisés paient comptant. Comme la diminution de la durée du séjour en maternité. «Cela s’est décidé d’une manière très brutale et cela complique notre travail, analyse Florence. Renvoyer les mères après trois jours, cela ne va pas.»

Ce retour précoce ne comporte pas de risque pour la maman et l’enfant s’il est bien encadré. Or ce sont les femmes les plus vulnérables qui ont le plus difficilement accès aux visites des infirmières de l’ONE à domicile. On en revient aux constats de départ, ceux qui ont rendu nécessaire la création d’Echoline et la rendent incontournable aujourd’hui: l’accompagnement à la naissance des familles les plus démunies reste un défi de tous les jours. Et avec lui la lutte contre la reproduction de la pauvreté. « J’essaie d’être une meilleure mère que la mienne», nous expliquait une des mamans suivies par l’association. Quelle meilleure réponse?

Ballons, chenilles et petits pots. Une journée à Echoline

8 h 30 

Une fine petite pluie tombe sur Charleroi. La rue est encore déserte. Les volets des magasins sont baissés, provisoirement ou définitivement. L’activité commerciale dans cette artère piétonne semble pour le moins réduite. Il fait gris, froid, morose. «Avec un temps pareil, je ne suis pas sûre qu’il y aura du monde dans les groupes ce matin, soupire Carine, sage-femme à Echoline depuis quatre mois. La participation est toujours imprévisible. Parfois, il n’y a personne. Parfois, elles viennent très nombreuses avec leur bébé. » La toute grande majorité des femmes suivies par Echoline souffrent d’isolement. Elles ne cherchent pas pour autant le contact avec les autres, via les activités de groupe. «Elles n’aiment pas trop être exposées au regard des autres », constate Carine.

9h 

Nous nous rendons avec Maryline, psychologue, et Florence, sage-femme chez une famille suivie de très près par l’équipe. La mère a connu de gros problèmes de santé et d’asthme en particulier pendant la grossesse. Le père a eu trois enfants déjà d’une précédente union et ils ont tous été placés par le SAJ. La famille est en attente d’un logement social, depuis longtemps. L’appartement dans lequel elle vit est insalubre. Des déchets à l’entrée. Une cage d’escalier lépreuse. Chez eux, l’espace est minuscule mais propre et bien rangé. Ce n’est pas souvent le cas. L’équipe rencontre souvent d’énormes problèmes d’hygiène domestique dans les familles suivies. Le père, Kevin (1), nous accueille avec la petite Laura (quatre mois et demi) dans les bras. « Nous sommes allés aux urgences avec elle parce ce qu’elle avait une grosse fièvre», prévient-il d’emblée. Kevin décrit les symptômes. Il est intarissable. C’est lui qui jouera avec le bébé ou le tiendra dans ses bras pendant une bonne partie de la visite. C’est lui qui nous montre fièrement la «robe de princesse » qu’il a achetée pour elle. Et des nouveaux jouets comme ce hochet musical. Ou encore le créacollage (scrapbooking) réalisé avec Echoline. Dans le cadre, il y a des photos de lui et de sa femme, de Laura entre eux. «Cette année, nous avons organisé un atelier de créacollage, explique Maryline. Nous prenons régulièrement des photos pendant les animations, les visites. C’est important car les photos donnent du sens à l’histoire des familles et de leurs enfants. Mais dans cette famille, on est déjà convaincu…» De fait. Laura est sur tous les murs. Au centre de tout.

Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi
Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi
Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi
Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi

Assise sur le canapé, Françoise, elle, ne dit pas grand-chose. Elle est toujours très silencieuse, nous a dit l’équipe d’Echoline. Mais aujourd’hui, elle évoque d’emblée la dernière visite à l’ONE. La pédiatre habituelle est en congé de maternité. Le contact avec le remplaçant ne s’est pas bien passé. L’enfant est en train de passer à l’alimentation solide et, quand le couple a expliqué comment il nourrissait la petite Laura, il s’est ramassé un commentaire cinglant du médecin : «Si vous continuez comme ça, elle sera obèse et on se moquera d’elle en cours de récréation. » Françoise et son compagnon Kevin sont obèses et ont mal encaissé. «Je n’ai pas aimé. Je me suis sentie ‘compressée’, nous dit Françoise. On leur a dit aussi que l’enfant avait une ‘trop grosse tête’.» Maryline tente de les rassurer. Oui, ils ont eu raison d’aller aux urgences quand Laura avait une forte fièvre. Oui, les médecins de l’ONE sont des profession- nels mais non, Françoise et Kevin ne doivent pas se préoccuper maintenant du tour de taille ou de tête de Lara. Maryline nous dira, après la visite, s’inquiéter plutôt de la mauvaise relation qui s’est créée entre l’ONE et la famille. «Je vais leur téléphoner. Ce qui s’est passé, ça ne va pas. »

La discussion se poursuit sur l’alimentation. On comprend que la mère de Kevin est la référence en la matière. C’est elle qui prépare la soupe pour l’enfant « sans cube de bouillon » et donne tous les « bons conseils » pour nourrir un bébé. Florence intervient pour actualiser un peu ceux-ci. Les recettes d’hier, des grands-parents ne sont plus celles des nutritionnistes aujourd’hui. « Sur internet, j’ai trouvé plein de choses contradictoires sur la manière de nourrir un bébé», reconnaît le père. Qui avoue avoir fait goûter une tartine au choco à sa fille. « Je sais, c’est sans doute pas bien. Mais je faisais ça avec mes enfants.» Florence propose de prendre très vite un rendez-vous pour expliquer la meilleure manière de nourrir Laura. Et la moins onéreuse aussi pour le couple. « Les petits pots à deux euros, cela coûte cher. »

Laura est couchée sur un tapis de sol. Trop petit. « On va vous en trouver un plus grand », dit Florence. Tout est trop petit dans l’appartement. Le couple a reçu récemment la visite du SAJ. Cela s’est bien passé. «On nous a dit qu’il fallait seulement que Laura soit bien entourée », explique Kevin. Maryline et Florence opinent de la tête. « Mes enfants ont été placés. J’ai peur que cela recommence, poursuit le père. Maryline le rassure aussitôt : la ‘situation’ d’alors était très différente. Comment le couple a-t-il connu Echoline? Françoise explique avoir été conseillée par sa sœur. «C’était mon premier bébé. Je me posais plein de questions. Allais-je m’en sortir? Ma maman est partie quand j’étais enfant. J’ai grandi seule avec mon père. Je crois que je serai une meilleure mère qu’elle. »

Au moment de partir, le père nous met en garde. Ne pas faire trop de bruit dans l’escalier parce que les voisins sont violents. Ils ont menacé de « couper la tête » (sic) du bébé parce qu’il pleurait trop souvent. « J’ai failli les empoigner, dit Kevin. Qu’ils ne touchent jamais à un cheveu de ma fille. » « Il faut vraiment activer les choses en matière de logement», constate Maryline.

10 h 30 

Quatre bébés s’ébattent sur le tapis. Les mères les entourent. Seul un père est présent. Emilie, psychologue-psychomotricienne, anime les jeux. Nous sommes dans le groupe des « chenilles » qui rassemble les familles dont les enfants commencent à se déplacer. Une jeune femme d’origine marocaine regarde, amusée, sa petite fille s’affirmer dans les activités ludiques. «Je suis contente qu’elle puisse ainsi jouer et rencontrer d’autres enfants. Au Maroc, c’est plus habituel mais, en Belgique, on est seul. » « Je viens pour mon bébé, c’est important pour lui d’être avec les autres », assure une jeune fille au look d’ado. Et pour elle? Elle a l’air surprise par la question. « Je ne sais pas. Je n’aime pas parler de moi. » Ce jour-là, personne n’est venu dans le groupe « cocon » qui rassemble les tout jeunes bébés dès après la naissance. Dans ce groupe, les sages-femmes d’Echoline pratiquent des massages sur les bébés. « C’est vraiment très chouette pour l’enfant, explique une mère. On voit, on sent que ça leur fait du bien. Et donc à nous aussi.  »

Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi
Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi

11 h

Thiffany a 2 ans et demi. Bientôt, elle entrera à l’école maternelle. Elle est la seule présente dans le groupe « papillon » qui propose aux enfants capables de marcher des séances de psychomotricité relationnelle. Pour la première fois, Thiffany ose s’aventurer dans le tunnel de coussins. Emilie note avec satisfaction cette avancée. « C’est une petite fille très calme, parfois un peu timide.» Sa mère, Claire, semble très fière des progrès de sa fille. Aujourd’hui, elle est venue avec Thiffany. La prochaine fois, ce sera avec Brian, qui n’a qu’un an de moins que sa sœur. Claire a l’air très jeune. Elle est menue, très (trop) mince. « J’ai été hospitalisée pour anorexie et dépression, nous explique-t-elle. C’est là aussi que j’ai rencontré mon compagnon et père des enfants. À cause de mon anorexie, je pensais ne pas pouvoir avoir d’enfants puisque je n’avais plus d’ovulation. Être enceinte a donc été une vraie surprise. C’est l’équipe de l’hôpital de jour qui m’a conseillée de m’adresser à Echoline. J’avais peur d’être une mauvaise mère. Je ne savais pas comment on donnait un bain à un bébé, comment il fallait le nourrir. Je n’avais jamais eu de contact avec un tout-petit. » Jusqu’au mois de septembre, le couple et les deux bébés ont vécu dans une chambre sans chauffage. Ils ont déménagé depuis un mois seulement. « Echoline m’a beaucoup aidée pour le logement aussi. Déménager m’a vraiment redonné de l’énergie. » Thiffany va bientôt entrer à l’école et Brian suivra rapide- ment. «Cela va faire bizarre de me retrouver seule. Mais cela va aller. Je vais rechercher du travail. Pour cela, il faut d’abord que je reprenne du poids.» Emilie lui donne raison. « Il faut pouvoir s’occuper de soi, c’est indis- pensable pour être bien aussi avec l’enfant.»

12h30 

Toute l’équipe est rassemblée dans la cuisine pour la pause du midi. On parle boulot, dossiers en cours. La sonnerie de la porte d’entrée retentit. Florence descend et elle revient… avec la petite Laura dans les bras. Françoise et Kevin n’avaient pas exagéré en évoquant la violence de leurs voisins. Une bagarre s’est produite. Le couple s’est retrouvé dans la rue, littéralement chassé de l’immeuble, sans plus de possibilité de rentrer chez eux. La police de Charleroi a été appelée pour ramener le calme. La mère, paniquée, a demandé à l’équipe d’Echoline de venir chercher le bébé. Voici donc Florence avec Laura dans les bras. Qu’il faut nourrir. Où trouve-t-on des petits pots de nourriture pour bébés dans les environs? Maryline abandonne son panini pour en chercher. «Le problème du logement est vraiment crucial pour les familles que nous suivons et nous sommes très démunis par rapport à ce problème. Nous ne sommes pas des assistants sociaux. Nous ne pouvons qu’interpeller le CPAS. »

Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi
Pierre Vanneste / Collectif Krasnyi

13h 

Nous retrouvons le couple et son bébé à l’entrée d’Echoline avec Florence et Maryline. Les parents semblent sous le choc. Kevin est particulièrement ému. Ils ont le landau et quelques affaires pour le bébé, rien de plus. Une solution provisoire a été trouvée. Ils vont être hébergés par la sœur de Françoise à Lodelinsart. Pendant combien de temps? Françoise hausse les épaules, fataliste. Pendant ce temps, Carine reçoit un couple d’origine algérienne pour une préparation à la naissance. La jeune femme dit avoir dû se présenter aux urgences pour des pro-blèmes respiratoires. L’accouchement est proche mais elle semble détendue. «J’ai fait ce que vous m’avez dit de faire, dit son mari à Carine. J’ai posé ma main sur son ventre.» «C’est une manière d’entrer en relation avec le bébé, explique la sage-femme. Faites ça aussi pendant le travail. Vous aiderez ainsi votre femme. » L’homme approuve mais avec une certaine hésitation. « Sa mère et ma mère seront là pendant l’accouchement, promet-il. Le problème, c’est que la Belgique n’accorde pas de visa à ma mère. Elle viendra par la France, c’est plus sûr. » C’est le deuxième enfant de Fathia et les choses se présentent bien mieux que lorsqu’elle s’est présentée à Echoline pour la première grossesse. « Je suis en Belgique depuis 2011, explique-t-elle. Toute ma famille maternelle y est installée.» Mais lorsque Fathia tombe enceinte lors de vacances en Algérie, c’est le drame. Un enfant hors mariage, c’est la honte. En Belgique, sa famille coupe tout contact avec elle. «Je me suis retrouvée toute seule, dit-elle. Je ne pouvais pas faire venir mon mari par regroupement familial.» Il a fallu attendre la naissance de l’enfant pour qu’il obtienne l’indispensable visa pour la Belgique. « J’essayais de la soutenir moralement. On communiquait par Skype », intervient le mari. Fathia poursuit, songeuse. «Je suis venue à Echoline au dernier trimestre de ma grossesse. Je n’avais presque plus de forces pour marcher et je me sentais complètement perdue. Aujourd’hui encore, je n’ai plus de contact avec mon frère, avec mes tantes. Echoline m’a aidée à faire le deuil de ma famille. » La séance se poursuit. Carine lui apprend comment soulager son dos, son bassin en se roulant sur un gros ballon. Comment son mari peut l’aider aussi. On le sent attentif, ému aussi. Cette fois, il sera présent pour la naissance de son enfant. Et la mère de Fathia aussi.

15h30 

Les locaux d’Echoline se vident progressivement. Nous sortons avec Carine. «Je suis toujours très fatiguée en rentrant, nous dit- elle. C’est une fatigue mentale.» La rue n’est pas plus animée que ce matin. Il y a toujours aussi peu de magasins ouverts, mais il ne pleut plus.

(1) Tous les prénoms des usagers de l’association cités sont d’emprunt

Peinture à gros traits d'Echoline

Fiche d’identité:

Echoline est un service d’accompagnement obstétrical et/ou psychologique pour les familles en situation de vulnérabilité de la région de Charleroi. L’accompagnement se fait à domicile ou dans les locaux de l’asbl. Les familles peuvent être accompagnées de la grossesse jusqu’aux 3 ans de l’enfant. En 2014, 84 nouvelles demandes ont été adressées à Echoline et 69 dossiers ont été ouverts. À celles-ci s’ajoutent les 50 familles dont le dossier a déjà été ouvert. Au total, 119 familles ont donc été suivies en 2014.

Le profil de la mère :

Les mères sont en général très jeunes. Trente pour cent ont moins de 21 ans et 48%, moins de 25 ans. La toute grande majorité est belge (80%). On notera que 66% des femmes suivies par l’asbl vivent en couple alors que, selon les données de l’ONE en 2010, 96% des mères qui fré- quentent l’ONE vivent en couple ou en famille. Autres chiffres interpellants : 78% n’ont pas d’occupation professionnelle. Lorsque les mères vivent avec un conjoint, seulement 25% d’entre eux travaillent et 32% ne disposent d’aucun revenu. Echoline constate que, si l’on prend en compte les revenus de la famille globale,15% des familles n’ont aucun revenu officiel. Un très grand nombre de mamans vivent dans l’isolement (75%). Elles ont eu affaire au SAJ (46%), ont été victimes de violences physiques et/ou psychologiques (44%) et 41% souffrent de troubles psychiatriques ou de retard mental (31%).

Le logement :

À peine 11% des familles suivies bénéficient d’un logement social. Près de quatre familles sur dix vivent dans un logement dit « inadapté », considéré par l’équipe comme trop petit, insalubre ou inadéquat pour la famille.

Les bébés :

85% des enfants suivis sont nés à terme (après 37 semaines de grossesse). C’est nettement moins que la moyenne de la population belge qui est de 91,8%. Vingt-deux pour cent des bébés séjournent en néonatologie juste après la naissance. C’est beaucoup car seulement 12% d’entre eux sont considérés comme prématurés. Le poids insuffisant, un sevrage ou une infection sont à l’origine de cette séparation mère-bébé, qui n’est souvent pas sans conséquence sur le lien entre parents et enfants. Dernière touche à ce tableau plutôt sombre : 69% des enfants bénéficient de l’allaitement maternel à la naissance. C’est nettement moins que la moyenne en Communauté française (plus de 82%). Echoline constate que « l’allaitement maternel a du mal à passer le cap du retour à domicile». Les sages- femmes tentent d’intensifier leurs interventions pour pour- suivre l’allaitement à domicile. Le manque de soutien, de confiance en soi et le rôle du père sont quelques-unes des raisons avancées pour expliquer le choix du biberon. 

Pour en savoir plus :

Echoline asbl Rue de Marcinelle 24 à 6000 Charleroi. tél. 071/48 76 25 ou 0497/32 26 07

www.echoline.be – info@echoline.be

 

 

 

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Martine Vandemeulebroucke

Martine Vandemeulebroucke

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