D’ailleurs, chaque jeune aura des objectifs différents durant son passage ici, tout comme des règles qui évolueront en fonction de ceux-ci. «À l’inverse d’une institution, le cadre est très souple», explique Julien Bronchart. L’équipe d’éducateurs fonctionne aussi sur la base de «privilèges», moyen de responsabiliser le jeune durant sa semaine. «L’un des objectifs est de l’autonomiser le plus possible: prendre les transports en commun, faire les courses, apprendre à cuisiner… Le lundi matin, quand ils arrivent, est toujours consacré aux courses, en fonction du menu qu’ils ont décidé en amont le vendredi lors de la réunion où on fait le bilan de la semaine et où on décide ensemble de l’organisation de la semaine qui vient. Si le jeune répond bien aux objectifs qui lui sont demandés, il aura plus de privilèges: sortir plus longuement le mercredi après-midi, disposer de la clé de sa tiny house… Le cadre s’adapte plus aux jeunes, alors que, dans une institution classique, on ne peut pas se permettre d’adapter toutes les règles.»
En cela, pour Julien Bronchart, cette nouvelle expérience qu’il a entamée il y a un an maintenant détonne par rapport à ce qu’il rencontrait en service résidentiel pendant dix ans. «J’étais seul le matin pour préparer 15 jeunes à aller à l’école, et, forcément, si l’un d’eux faisait une crise à ce moment-là, je n’avais pas le temps pour la gérer. Ici, il y a le temps pour en discuter, pour accueillir la crise, gérer les émotions, les frustrations sans être enfermés entre quatre murs. Pour moi, c’est une découverte en tant qu’éducateur spécialisé.»
Il n’a d’ailleurs pas longtemps hésité à quitter son ancien boulot pour rejoindre En Terre-1-Connue: «Se retrouver dans une yourte, à la ferme, cela collait à ce que je cherchais, même si c’est un outil totalement inédit. En plus, la problématique des jeunes dits ‘incasables’, je la connaissais déjà. Pour ces jeunes qui se trouvent sans solution, on réoriente plus parce que l’équipe est essoufflée, mais, pour le jeune, que fait-on? Il n’y a pas de solution, alors l’idée de faire quelque chose de neuf, avec un outil en perpétuelle évolution… j’ai sauté sur l’occasion.»
Son collègue, Julien Paquot, vient de rejoindre l’équipe des éducateurs. Il est arrivé fin juillet, après deux années passées en pédopsychiatrie à l’Huderf, l’Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola. «C’est un outil unique parce que cela va un peu à l’encontre de tout ce qui existe déjà. On travaille avec peu de jeunes, très peu de règles aussi, ce qui permet de mieux gérer les crises, de gérer les moments plus compliqués de manière adéquate. On est assez libre, même au niveau des activités, ce qui laisse un panel de possibilités qui est autant bénéfique pour eux que pour nous», raconte l’éducateur qui admet en apprendre autant que les jeunes. «Se retrouver ici à la ferme, au milieu des champs et des animaux, c’est une respiration dans un parcours institutionnel et/ou familial qui n’a pas été simple. Cela leur permet de se poser, de réfléchir à ce qu’ils veulent faire, en ayant le temps de les accompagner, de réfléchir avec eux… Bien évidemment, cela demande de s’adapter au jour le jour, car la dynamique peut changer en fonction de l’humeur, d’une nuit, d’un rendez-vous avec une institution, mais cela permet aussi aux jeunes d’être plus autonomes, en évoluant dans un cadre plus ouvert, où ils ont plus de liberté, mais aussi plus de responsabilités. Pour un jeune, rien que de se lever le matin, c’est déjà une victoire…»