Facilitateurs en santé : en première ligne avec les citoyens

Facilitateurs en santé : en première ligne avec les citoyens

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Facilitateurs en santé : en première ligne avec les citoyens

Les «community health workers» ou facilitateurs en santé accompagnent des personnes, vivant dans des quartiers précarisés, qui rencontrent des obstacles pour accéder aux soins de santé de première ligne. Une fois ces difficultés identifiées, les facilitateurs les orientent vers le service adéquat. L’idée est de permettre à ces citoyens vulnérables de reprendre en main leur santé. Ce projet en santé communautaire a été lancé en 2021 par le fédéral – à l’initiative du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke – et mis en œuvre par le Collège intermutualiste national sur l’ensemble du pays. En Wallonie, trois zones ont été retenues: Charleroi, Liège et Verviers où opèrent une dizaine de facilitateurs en santé.

Pierre Jassogne Images : Maud Romera Tomad 12-09-2022
«Et vous, vous êtes là pour quoi? Pour la santé, dites-vous?»

Sur la place d’Ensival – une entité de Verviers –, le conteneur de la Croix-Rouge continue d’accueillir les habitants qui ont souffert des inondations durant l’été 2021. Les stigmates restent bien visibles sur les bâtiments aux alentours, mais malgré les difficultés, l’ambiance est conviviale. Océane et Noëlla, les deux facilitatrices, y font leurs permanences une fois par semaine. C’est alors qu’Astrid débarque. La soixantaine, elle raconte sa vie aux deux jeunes femmes. «Je suis seule de chez seule, et je ne compte que sur moi-même. Et vous, vous êtes là pour quoi? Pour la santé, dites-vous?»

Noëlla et Océane lui donnent des explications sur leur métier. «On accompagne des personnes qui rencontrent des difficultés en matière d’accès aux soins de santé.» Astrid leur résume alors sa situation. N’ayant pas de véhicule, et souffrant des jambes, elle est obligée de prendre un taxi pour se rendre à l’hôpital. Elle ne connaît pas les taxis sociaux. Océane et Noëlla lui expliquent le concept. «C’est beaucoup plus avantageux et vous êtes remboursée par la mutuelle», précise Océane, en lui montrant les documents à présenter à la mutuelle et au médecin. Les facilitatrices lui demandent son numéro de téléphone. Noëlla la rappellera le lendemain pour faire le suivi nécessaire avant son prochain rendez-vous à l’hôpital. Ces problèmes de mobilité sont des problèmes fréquents, même dans une ville comme Verviers.

Avant de devenir facilitatrice, Océane faisait des études pour devenir institutrice. «J’ai toujours aimé le contact avec les gens et je voulais vraiment travailler sur le terrain. Autant dire que j’ai trouvé avec ce métier le travail idéal. Les journées ne se ressemblent pas. Il n’y a pas de routine», indique-t-elle. Noëlla, elle, a une formation d’assistante sociale. Comme sa collègue, c’est le travail de terrain qui l’a conduite à postuler pour devenir facilitatrice en santé. «L’aspect relationnel du métier est ce que je préfère, en étant en contact direct avec la population, et ce, au sein même de leurs divers lieux de vie. C’est ce qui fait la particularité du projet: nous devons aller à la rencontre du public», raconte-t-elle. Et d’ajouter: «Ensuite, l’idée que j’avais et qui a été très vite confirmée lors de mes accompagnements est que la santé n’est pas toujours la priorité des personnes. Pour y avoir accès, il faut souvent traverser un labyrinthe. Il existe de nombreuses barrières: numérique, administrative, linguistique, socio-économique, etc. Notre travail est donc de les identifier et de trouver des solutions.»

Toutes les situations ne se valent pas évidemment, mais ce «labyrinthe», comme l’appelle Noëlla, reste néanmoins assez fréquent dans les situations rencontrées sur le terrain. La facilitatrice évoque alors un cas emblématique, celui d’une dame âgée qui rencontre de nombreux problèmes de santé. «Elle a un très bon réseau de soins, un médecin traitant et des infirmières à domicile chaque jour. On pourrait croire que tout va bien pour cette personne. De plus, elle a eu la possibilité de demander des aides matérielles et financières pour la soulager dans ses soins de santé. Cependant, il a fallu entamer des démarches administratives. Chaque papier qu’elle recevait était une source d’angoisse. La situation n’était pas complexe, mais j’ai soulevé un épuisement et une grande détresse. Cela a fait émerger d’autres problèmes plus profonds et je me suis rendu compte que cette dame avait besoin de soutien et de l’écoute d’un professionnel. Actuellement, elle voit une psychologue.»

La barrière de la langue

Autre quartier de Verviers, celui de Stembert sur les hauteurs de la ville. On retrouve Anass. Il a rendez-vous à l’ONE avec une mère de famille qui vient faire vacciner son nouveau-né. La maman ne parle pas français, alors Anass fait le lien entre la famille et la structure de soins. «La barrière de la langue est un grand problème à Verviers, ville où se côtoient de nombreuses nationalités. Il y a aussi pas mal de primo-arrivants, mais il n’y a pas de service d’interprétariat dans la ville ni d’associations qui proposent des interprètes.»

L’ONE a fait appel à lui pour des bénéficiaires arabophones. Il fait l’intermédiaire, même si ce n’est pas sa mission première. «De nombreuses structures et associations font appel à moi pour jouer l’interprète dès qu’il y a un problème lié à la santé. J’insiste toujours pour leur dire que je ne suis pas interprète, mais facilitateur en santé.»

Après ce rendez-vous à l’ONE, direction Hodimont, un quartier multiculturel de Verviers, «très fréquenté, mais aussi très vulnérable», résume le jeune homme en en faisant le tour. Le vendredi, c’est d’ailleurs dans un café associatif du quartier qu’Anass tient sa permanence. Il doit y retrouver un père de famille qui entame des démarches pour obtenir le statut BIM, car son enfant est handicapé. Là aussi, la barrière, c’est la langue. «Pour obtenir une info, un papier, il faut souvent faire deux, trois démarches entre un service et un autre. On essaie de rendre les personnes le plus autonomes possible, même s’il faut bien se rendre compte que, pour certaines d’entre elles, vu la multiplication des problèmes rencontrés qui vont bien au-delà de la santé, ce chemin vers l’autonomie peut être très compliqué.»

À Verviers, les inondations de l’été dernier ont donné un coup de boost à ce nouveau métier. Anass, Noëlle et Océane venaient à peine d’entamer leur mission que les trois facilitateurs allaient entrer dans le vif de l’action, vu l’ampleur de la catastrophe. «La grande difficulté, c’était la détresse des gens. Il fallait être là, être à l’écoute… Outre la détresse, on a constaté qu’ils ont dû abandonner leurs problèmes de santé pour commencer à chercher un logement, faire des démarches administratives pour être remboursés… jusqu’à l’heure d’aujourd’hui, il y a encore des personnes qui cherchent des logements», rappelle Anass, qui a lui-même été victime des inondations l’an dernier. «Des problèmes de santé sont apparus liés à la santé mentale – beaucoup de personnes étaient traumatisées, ne voulaient plus rentrer chez elles, vivre au rez-de-chaussée… Le besoin était massif, vu l’urgence. Il y avait des personnes qui étaient loin du système sanitaire. Les événements ont montré toute l’importance des facilitateurs en santé sur le terrain», poursuit le jeune homme.

 

Trouver des points d’ancrage

Autre terrain, celui de l’association Vivre solidaire, asbl active contre la pauvreté et l’exclusion sociale à Seraing. Vanessa, la facilitatrice, y tient une permanence. «J’aime pouvoir compter sur des points d’ancrage comme les associations. Cela permet de centraliser ce qu’on fait. D’autant que les situations peuvent être très larges, très précises. Il y a aussi beaucoup de ‘one shot’. Souvent des personnes qui ont juste besoin d’un petit coup de pouce pour être relancées…», résume Vanessa. Et d’évoquer des situations récentes: une dame qui rencontre des «problèmes de bruit dans les oreilles», sans savoir où aller ni vers quel médecin se diriger; un monsieur qui a perdu du jour au lendemain son revenu de remplacement et n’arrivait pas à atteindre les services, difficilement joignables autrement que via internet. «C’est le problème de la fracture numérique, renchérit-elle. Les gens rencontrent de nombreuses difficultés à ce niveau, surtout quand ils ne parlent pas la langue. Même pour nous, ce n’est pas toujours simple d’atteindre ces services.»

Du coup, ces personnes restent malades, ne vont pas chez le médecin. Le non-recours et la fracture numérique vont hélas souvent de pair. «Mais il faut vraiment se battre, sachant qu’on ne fera pas marche arrière. Il faut tout faire pour garder des guichets, des personnes à l’accueil, d’autres qui répondent au téléphone. On risque de perdre toute une série de personnes, notamment les plus âgées, plus isolées. Or, créer du lien, ça en vaut la peine», ajoute-t-elle.

Depuis ses débuts, Vanessa a passé une grande partie de son temps à constituer un réseau avec les associations de terrain. «Le domaine de la santé est si vaste qu’il est nécessaire d’avoir les relais adéquats.» Le souhait du projet a aussi été de composer l’équipe des facilitateurs en santé avec des experts du vécu, c’est-à-dire des personnes ayant une situation socio-économique proche ou équivalente du public cible. «Avoir sur le terrain des facilitateurs qui ont un parcours de vie, ou ont rencontré des difficultés similaires aux personnes accompagnées permet d’avoir un accompagnement mieux accepté de la part de citoyens défiants vis-à-vis des autorités et des institutions», explique Antoine Dujardin, du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté. Le RWLP est d’ailleurs un partenaire essentiel du projet. Une des missions du Réseau est l’organisation d’intervisions régulières entre les équipes et les différentes zones, des moments qui sont avant tout des espaces de parole pour les facilitateurs. Tout facilitateur en santé est aussi du terrain sur lequel il exerce. «L’approche territoriale est un facteur important», poursuit Antoine Dujardin. Ainsi Vanessa est serésienne depuis toujours.

«Je suis pourtant étonnée d’être dans ma ville et de me dire qu’avant, je ne voyais pas tout ça. Je savais qu’il y avait des gens hors système, mais pas à ce point. D’où l’importance en tant que facilitatrice de connaître le territoire sur lequel on exerce. C’est plus facile pour construire un réseau», renchérit Vanessa. «Certains de mes collègues sont formés dans le secteur social, d’autres pas, et ce n’est pas là le critère. Le critère, c’est la connaissance du terrain, des gens, et des freins rencontrés en matière d’accès aux soins de santé», explique celle qui a exercé pendant plusieurs années le métier d’aide-ménagère. Mais parfois, la facilitatrice est un peu désemparée parce que les problèmes récurrents sont loin d’être directement liés à la santé. «Je pense au logement. À Seraing, beaucoup de personnes que j’accompagne me demandent d’ailleurs si je ne peux pas les aider à ce niveau-là. Je relaie alors vers les services adéquats.»

Pouvoir sortir la tête hors de l’eau

C’est grâce à ce réseau qu’elle a pu rencontrer Pierre, un ancien tailleur de pierres. L’homme a connu de graves problèmes de santé, cardiaques et respiratoires dus à ce métier éreintant. Malheureusement, il n’était pas couvert et on devine l’ampleur des problèmes administratifs et financiers que cela a pu engendrer lorsqu’il a dû être hospitalisé. Vanessa accompagne Pierre dans ses démarches. Mais au-delà de ce suivi, leur relation est quasi filiale. Pierre n’hésite pas à considérer la facilitatrice comme sa «sœur de cœur».

En arrivant à Vivre solidaire, Pierre lui montre les derniers courriers reçus. Il y a notamment une lettre d’huissier pour une prestation médicale non réglée à l’hôpital. Pierre s’énerve. Il ne comprend pas pourquoi on lui réclame des frais. En fait, il a déménagé, et le courrier n’a pas suivi. Vanessa téléphone alors à l’hôpital pour expliquer la situation.

«Je l’ai rencontrée à l’association, témoigne Pierre. Elle m’aide pour les papiers. J’ai beaucoup de problèmes de santé. Elle m’a accompagné chez un pneumologue et un cardiologue. C’est une aide précieuse. Sans elle, je n’aurais pas été chez le médecin. Pendant deux ans, je n’ai même pas été chez le docteur. J’étais dans un sale état. J’avais du mal à respirer. Cela va beaucoup mieux maintenant.»

Pour soutenir les facilitateurs, il y a des coachs qui sont chargés des différentes zones couvertes. Ces derniers sont issus principalement des secteurs sociaux et de la promotion de la santé, d’autres issus du secteur mutualiste. Pour la région de Liège et Verviers, c’est Jessica qui joue ce rôle de coordination et de soutien. «Quand le projet a débuté, ce n’était pas simple de cibler uniquement la santé. On a élargi pas mal au début à tout ce qui est déterminant de la santé parce que, pour les gens, s’ils n’ont pas de logement, la santé n’est pas leur priorité. On recadre de mieux en mieux parce qu’un réseau de partenaires s’est tissé sur chacun des territoires.»

Avant Vanessa, c’est d’ailleurs Jessica qui était facilitatrice à Seraing. «Les problèmes, ce sont les mêmes qu’il y a 20 ans. Rien de neuf sous le soleil, donc. Barrière de la langue, pas d’accès gratuit à un interprète, manque de médecins traitants, pas assez de maisons médicales, méconnaissance des droits, freins financiers… Les soins sont gratuits en Belgique, mais c’est tout à fait relatif. Avancer 25 euros chez un médecin, ce n’est pas donné à tout le monde, trouver un dentiste conventionné, c’est presque impossible. Et le logement, c’est le top 1. Et c’est partout…» 

Se soigner ou manger

Comme à Charleroi, autre région où le projet des facilitateurs en santé s’est implanté ces derniers mois. C’est d’ailleurs sur cette question qu’Aurélie, facilitatrice, a rencontré Georgette et ses enfants, dont le plus jeune a seulement quelques mois.

«C’est lors d’une séance d’information que la rencontre a eu lieu. Cette mère de famille avait une série de problèmes. Sa maison était insalubre. Comme ses enfants, elle rencontrait des problèmes respiratoires. Tout un suivi a pu se mettre à ce niveau-là», se rappelle Aurélie. Georgette commence seulement à sortir la tête hors de l’eau. Elle vient de trouver un logement et Aurélie fait le lien entre Georgette, ses enfants et les services adéquats, tant au niveau de la santé que pour d’autres démarches puisque la mère de famille commencera prochainement une formation professionnelle. «Quand j’ai rencontré Aurélie, j’avais de nombreux problèmes. Je n’étais pas bien, et elle m’a vraiment beaucoup aidé. On a mis beaucoup de choses en place pour que ma famille trouve un équilibre», confie-t-elle.

Parmi les cas que rencontre la facilitatrice, il y a en effet pas mal de familles monoparentales. «Et quand le choix est de manger ou de se soigner, le choix est d’abord alimentaire, raison pour laquelle on aide beaucoup de familles au niveau des colis alimentaires. C’est même de plus en plus fréquent. On les renseigne sur les services qui proposent les colis et sur les conditions pour y accéder. On sait que c’est très difficile pour une famille de s’y rendre, et on peut faire le premier pas pour que le lien se crée avec l’association chargée de la distribution», constate Aurélie.

Beaucoup de citoyens ont des difficultés à se rendre dans certains services, même quand il s’agit d’être aidé. C’est alors un long et lent travail de confiance à recréer pour la facilitatrice. «Avec les citoyens, la confiance est parfois rompue vis-à-vis des institutions. J’ai beau m’occuper de plusieurs familles, la confiance n’est pas encore tout à fait installée. Parce qu’il faut du temps, parce que beaucoup de personnes sont aussi abîmées par le système. On les envoie d’un service à un autre. Elles font le tour de tous les services sans trouver forcément une réponse à leurs besoins.»

L’un des problèmes récurrents rencontrés par Aurélie, c’est la pénurie de médecins traitants. «C’est catastrophique», confie-t-elle. Même constat pour Alicia qui exerce à Dampremy, un autre quartier de la métropole wallonne. «C’est très compliqué à l’heure actuelle d’en trouver un, même en milieu urbain. Une de nos collègues a dû faire plus de 20 appels pour en trouver. C’est encore plus difficile lorsqu’il s’agit d’un médecin qui se déplace à domicile, notamment pour les personnes âgées. La problématique est fréquente. Beaucoup de personnes viennent vers nous pour qu’on puisse les aider à en trouver un. Même les maisons médicales qui fonctionnent sur liste d’attente nous renvoient des patients pour qu’on puisse leur trouver un médecin. Par rapport à notre mission de première ligne, c’est un frein immense.»

Alicia se rend une fois par semaine à la maison de quartier de Dampremy. Celle-ci a la particularité de dépendre du CPAS de Charleroi. La volonté est de toucher un public défavorisé, mais pas seulement. Quand Gauthier Duyck, le directeur de la maison, a vu débarquer la facilitatrice, il a d’abord été sceptique. «Quand Alicia est arrivée, je lui ai dit qu’on avait déjà des permanences. Mais très vite, son apport est devenu une vraie plus-value. On constate que c’est de plus en plus compliqué pour les gens d’avoir accès à un médecin, ne serait-ce que du point de vue de la mobilité. Il faut parfois courir dans tous les sens, parce que les hôpitaux sont de plus en plus spécialisés. Quant au travail social, même si l’offre est importante à Charleroi, il manque parfois un travail plus généraliste, avec une approche sectorielle, certes concentrée sur la santé, mais ouverte à tous. Cela devient rare», résume le directeur.

Les mutualités en première ligne

Autre plus-value du projet, son aspect intermutualiste. Ce projet s’inscrit parfaitement dans le rôle d’information et d’orientation des mutualités vers un meilleur accès aux soins de santé. Grâce à un réseau dense, solidaire et mobilisable, elles disposent en outre de beaucoup de connaissances et d’expériences pour atteindre et soutenir les groupes vulnérables. «Les mutuelles ne sont pas là uniquement pour des remboursements de soins, mais aussi pour permettre à chacun d’accéder aux soins de santé. Le fait que ce projet soit coordonné par une équipe intermutualiste favorise la communication et les interactions entre les différents organismes assureurs et les bénéficiaires que nous accompagnons dans le cadre de cette mission», explique Frédéric Lion, qui coordonne le projet pour la région de Charleroi où sept facilitatrices de santé ont été engagées et réparties sur une dizaine de quartiers.

Frédéric Lion admet, malgré des années passées à la mutualité socialiste, avoir découvert des situations de personnes «qui sont dans un tel décrochage, dans une telle rupture par rapport aux institutions». Et de poursuivre: «Il y a une fracture évidente qui s’est créée entre nos services et les personnes qui subissent une pauvreté durable. Les facilitatrices peuvent dès lors faire le lien avec nos services, ce qui permet d’améliorer la manière dont on suit ce public précarisé et de faire remonter les problèmes auprès des autorités.»

Lancé en 2021, le projet en est à sa deuxième année sur le terrain. Julien Demonceau l’a coordonné au niveau wallon. Si le premier objectif a été de constituer les équipes, de les former, «l’autre enjeu, une fois que les équipes ont été déployées sur le terrain, était d’entrer en contact avec la population dans son environnement propre», explique-t-il. «L’intervention s’adapte chaque fois au territoire sur lequel le facilitateur exerce. D’un quartier à un autre, il y a une manière d’entrer en contact avec la population qui peut être très différente.» Tout est ajusté, même si les objectifs généraux sont les mêmes: identifier les obstacles à l’accès aux soins, orienter les personnes, soutenir les groupes vulnérables… «Un des premiers constats qu’on a pu tirer et que le terrain confirme, c’est que les citoyens ne viennent pas nous déposer une problématique uniquement liée à l’accès aux soins de santé de première ligne», poursuit Julien Demonceau. La majorité des situations rencontrées concernent des problématiques multidomaines. «L’enjeu principal dès lors, et c’est un point d’attention dans ce projet, c’est qu’il faut trouver l’équilibre entre l’accompagnement et l’orientation vers des partenaires, en veillant à ce que la personne soit un maximum autonome dans ses démarches. C’est un travail de fond», continue le coordinateur wallon. «Raison pour laquelle cette mission doit reposer sur un processus long, parce qu’elle se base sur le tissage de la confiance», renchérit Karen Mullié, coordinatrice fédérale du projet. «Si la première année nous a permis d’observer le terrain, de considérer les freins dans l’accès aux soins, ce projet demande une vision à plus long terme et un financement solide. En 2022, sur la base des réflexions qui sont venues des premiers mois de l’expérience, nous avons veillé à mieux définir et à renforcer le rôle des facilitateurs, en leur donnant davantage d’outils.» Reste à savoir ce qu’il en sera pour 2023…

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste