Le Passage. Pour sortir de prison et s’en sortir

Le Passage. Pour sortir de prison et s’en sortir

Justice

Le Passage. Pour sortir de prison et s’en sortir

Comment éviter que la libération d’un détenu ne soit qu’un aller-retour vers la prison? Pour les fondateurs du «Passage pour sortants de prison» à Namur, le chaînon manquant à la réinsertion, c’est la mise au logement immédiate. Ce groupe de citoyens relève le défi depuis deux ans. Trouver un toit, assurer l’accompagnement social, chercher le passage vers la réinsertion.

Martine Vandemeulebroucke Images : Alexandra Dieu 20-02-2020
Le Passage. Pour sortir de prison et s'en sortir

Une dernière volée d’escaliers et nous y sommes. L’appartement est au sommet de l’immeuble, vaste, lumineux. Avec vue sur la Meuse qui serpente non loin de là. Il devrait être occupé bientôt par un ex-détenu que Philippe et Jean-François vont rencontrer demain à la prison de Marche. Lui ou un autre. Les candidatures ne manquent pas auprès de l’association «Le Passage pour sortants de prison». Cette toute jeune association, née en janvier 2018, ne fonctionne qu’avec l’énergie de quelques-uns de ses fondateurs et un don de 5.000 euros.

Pas encore de subsides, pas de local. On se retrouve donc au domicile privé de Philippe Defeyt, autour d’un café et de quelques membres actifs au sein de l’asbl. L’ex-président du CPAS de Namur et actuel président de l’Institut pour un développement durable est une des chevilles ouvrières du «Passage», avec Jean-François Kesteman, visiteur de prison, président de l’Aide aux justiciables de Namur, ainsi que la juriste Pascaline de Meeus. Les fondateurs? Une vaste plateforme de juges, de visiteurs de prison, de responsables de maisons de justice, de députés, de conseillers communaux à Namur. «On a ratissé large», reconnaît Philippe Defeyt. Tous sont partis d’une conviction: le logement est une clé essentielle de la réinsertion des sortants de prison. Mais ces derniers font partie des personnes qui ont le plus de difficultés à en trouver un: au-delà des problèmes que vivent tous les publics précarisés s’ajoute celui de dénicher un logement quand on est encore en prison.

Rien d’étonnant donc si les ex-détenus forment une part non négligeable des sans-abri dans les villes, une situation qui torpille toute possibilité de retrouver du travail et est le chemin le plus court vers la récidive. Les pouvoirs publics s’en sont rendu compte. Le ministre bruxellois de l’Action sociale, Alain Maron (Écolo), va développer un projet spécifique d’aide aux ex-détenus sans abri. Au niveau fédéral, le ministre de la Justice Koen Geens vient de créer, à Malines et à Enghien, des «maisons de transition» pour les sortants de prison qui fonctionnent selon un régime communautaire «ouvert» mais avec une équipe de travailleurs sociaux présente sur place.

À Namur, le Passage zappe l’étape de la transition. Il s’est façonné sur le principe du Housing First et de sa logique de mise au logement inconditionnelle du sans-abri, complétée par un accompagnement social du locataire. Housing First Namur aurait pu se charger des sortants de prison mais, «avec leur enveloppe fermée et leur manque de moyens, ce n’était pas possible», explique Anne Ogier, conseillère communale à Namur. Le Passage va donc faire ce travail de mise au logement prioritaire en tablant sur les services sociaux existants pour l’accompagnement à plus long terme. À sa sortie, c’est sur Philippe, Jean-François et Pascaline que le détenu pourra compter dès les premiers jours. «Il ne suffit pas de mettre la personne dans son logement et de lui dire: ‘Débrouille-toi’», résume Philippe. Autre priorité que s’est fixée l’association: cibler les détenus qui se retrouvent seuls à la sortie, sans famille, sans proches pour les accueillir. Pour eux, comme pour les autres, le fait de disposer d’un logement est, avec une activité professionnelle ou une formation, une condition sine qua non imposée par le Tribunal d’application des peines (TAP) pour bénéficier d’une libération conditionnelle.

Prendre le temps de préparer la sortie

Retour dans notre appartement avec vue sur la Meuse. Jean-Pierre et son épouse, les propriétaires, organisent la visite des lieux. Ils savent que c’est un sortant de prison qui sera leur futur locataire. Jean-Pierre est lui-même visiteur de prison à Namur. «On s’est rencontrés en prison, plaisante Jean-François. On attendait, chacun, notre détenu. Je lui ai parlé du Passage et de notre recherche de logement.» Jean-Pierre sait ce qui l’attend, il connaît Philippe Defeyt, il a confiance dans ses interlocuteurs, mais on sent tout de même une certaine inquiétude dans le couple. «Vous viendrez le voir régulièrement?», demande Jean-Pierre. On peut comprendre ses hésitations. Le dernier locataire est parti sans payer le loyer et a fortement abîmé le logement. Dans la rue, la boîte aux lettres défoncée porte d’ailleurs encore les traces de son passage. Philippe rassure. Oui, ils viendront voir le sortant de prison. Dans un premier temps en tout cas. Puis les visites s’espaceront et ce sera au CPAS ou aux travailleurs sociaux de la maison de justice de prendre le relais. Mais on sent bien que l’épouse de Jean-Pierre hésite encore. L’ancien président du CPAS de Namur devance ses questions en lui expliquant que, quoi qu’il arrive, le loyer sera payé. «C’est nous qui serons officiellement ‘le locataire’. Nous faisons ensuite une convention d’occupation avec le sortant de prison.» Le Passage a établi une convention avec le CPAS de Namur pour assurer le paiement du loyer, sauf si l’ex-détenu devait disposer d’un revenu. Le Passage propose des logements publics en bénéficiant de l’article 132 du Code wallon du logement, qui permet à tout organisme à finalité sociale de louer un logement public. Une convention a aussi été établie avec un promoteur privé. «Avec lui, on n’a pas négocié le prix du loyer mais la possibilité de partir à tout moment et sans préavis.»

Le dispositif a l’air bien réglé. Mais les administrateurs du «Passage» le reconnaissent volontiers, ils ont dû adapter leur prise en charge après leur toute première (et mauvaise) expérience de mise au logement en 2018. «Une cata», résume Philippe Defeyt. «Notre premier sortant nous avait expliqué ne pas vouloir revenir dans sa ville d’origine, qu’il qualifiait de milieu toxique. Il voulait vivre à Namur, explique Jean-François. On lui a trouvé un logement public. On a appris très vite qu’en réalité, il connaissait plein de monde à Namur, des trafiquants de drogue, et qu’il avait des dettes à leur égard. Il n’a jamais payé le loyer et causait des troubles de voisinage. On a trouvé le logement dans un état épouvantable.» «On aurait pu se retrouver devant le tribunal pour faire libérer le logement, enchaîne Philippe. Il avait laissé ses affaires dans l’appartement. Un membre de notre asbl a pu le convaincre de partir et signer la fin du bail. On en a tiré la leçon en mettant en place une convention d’occupation plutôt que de laisser la personne payer le loyer et, surtout, nous avons compris qu’une sortie de prison, ça se prépare.» «On aurait dû prendre plus de temps en effet, conclut Anne Ogier. Ne pas se précipiter pour aider, trouver un logement. C’était quelqu’un qui avait subi une courte peine. Nous pensions que la réinsertion serait plus facile.»

Les deux autres mises en logement se passent bien (lire plus loin le récit de Cédric). Lors de notre passage à l’asbl, le plus gros problème qui se profilait à l’horizon était l’afflux de candidatures. Le bouche-à-oreille fonctionne (trop) bien et, surtout, les besoins sont immenses. Cela n’inquiète que modérément Philippe Defeyt. Pourtant la pression mise sur les responsables du Passage est énorme, car le trio Philippe, Jean-François, Pascaline fait tout. Les visites en prison pour rencontrer les candidats, la recherche d’un logement, sa visite, la recherche d’un équipement minimal (lit, gazinière, frigo…), l’accompagnement au CPAS pour mettre l’ex-détenu en ordre sur le plan administratif. Tout cela parfois dans un certain stress, car il n’est pas toujours possible de prévoir le moment précis où la personne sortira effectivement de prison et aura besoin tout de suite d’un toit. Les décisions du TAP sont assez imprévisibles. Certains détenus et leur assistant social sont convaincus que la libération conditionnelle est acquise; or celle-ci est parfois reportée de plusieurs mois. Pas simple à organiser, surtout pour des bénévoles. L’investissement personnel du trio est important. Tenable à long terme? Des subsides pour renforcer l’équipe seraient les bienvenus.

 

À Bruxelles, on propose une escale

Comment cela se passe-t-il ailleurs? À Bruxelles, l’asbl Rizome assure également un accompagnement au logement pour sortants de prison. Mais elle travaille très différemment. Le décor n’est pas le même non plus. Ici, il y a une adresse officielle, des bureaux, une salle d’attente. Et surtout des subsides pour rémunérer trois des quatre travailleurs sociaux mobilisés dans ce projet pilote.

Officiellement, Rizome est aussi une très jeune asbl puisqu’elle est née en avril 2019. Mais elle a de vieux parents. Elle est née de la fusion de deux associations, dont l’Office de réadaptation sociale, une vénérable institution d’aide aux indigents puis aux justiciables qui aurait pu fêter bientôt son centenaire. Rizome a développé depuis trois ans un projet «logement» qui est reconduit d’année en année. À sa tête, Nicolas Degroodt espère bien «stabiliser ce projet parce que, au vu de ses résultats, il apparaît indispensable».

Rizome ne se revendique pas de l’esprit «Housing First»: «Notre mise au logement n’est pas inconditionnelle. La question du logement est importante mais elle n’est pas la seule.» Les différences ne sont pas que de principe. Ici, l’ex-détenu n’a pas un accès direct à un appartement. Il passe d’abord par une «maison de transition» de quatre places où les ex-détenus vivent en autonomie. «Mettre la personne dans un logement dès la sortie nous apparaît comme une mission très, très compliquée, assure Nicolas Degroodt, stressante tant pour nous que pour la personne concernée. Entrer dans un appart, signer un bail, équiper le logement, c’est épuisant. Donc, nous avons créé une poche de transition avant l’autonomie par le logement individuel.» Les sortants de prison s’inscrivent dans une convention d’occupation précaire de six mois avec cette maison gérée par une AIS. Ils peuvent y rester plus longtemps mais Rizome préfère ne pas dépasser la limite d’un an. L’asbl a également passé un accord avec le CPAS (de Forest, où se trouve la maison de transition) pour qu’une seule assistante sociale gère le dossier administratif des sortants de prison et qu’un agent de quartier passe rapidement pour la domiciliation. La préparation au logement se prépare, bien avant le passage en maison de transition. «Notre projet logement arrive en soutien avec les services de première ligne qui opèrent en prison. Nous allons rencontrer le détenu de manière ponctuelle pour lui proposer notre projet de maison de transition et le détenu est invité à s’inscrire sur une liste d’attente pour bénéficier d’un logement en AIS ou d’un logement public. On gagne ainsi du temps.»

 

Le logement n’épuise pas l’anxiété

En trois ans, vingt personnes sont passées par la maison de transition. «Pour plusieurs d’entre elles, poursuit Nicolas Degroodt, le passage par cette maison a fait du bien, car elles ne se sont pas retrouvées perdues dans leur logement.» Comme au «Passage», les travailleurs sociaux de Rizome se chargent d’équiper le logement, ouvrir les compteurs, faire l’état des lieux, accompagner la personne au CPAS. «Cela nous prend beaucoup de temps.»

Mais tout n’est pas gagné quand le sortant de prison a intégré son nouveau logement. «Certains perdent leurs repères, se sentent seuls, avec un sentiment d’oisiveté. Ces trois années nous ont appris que l’accès au logement est certes essentiel mais quand le logement est là, la question du sens apparaît. Beaucoup nous questionnent à ce sujet, cherchent à trouver un sens à leur quotidien. Et puis, il y a souvent la question de la santé qui nous arrive en pleine face et à laquelle nous n’avions pas pensé pendant les entretiens de candidature. Le corps lâche. Les problèmes de santé étaient étouffés pendant la détention, car la personne vit dans un espace clos où le corps n’est plus stimulé. Se sentir malade, affaibli dans les semaines qui suivent la sortie n’est pas évident, sur le plan moral, pour se relancer, se réinsérer.»

Et quand cet accompagnement est terminé, il ne l’est pas encore vraiment. «Il y a deux semaines, nous avons été appelés par la toute première personne que nous avons aidée. Elle est sortie depuis deux ans et demi de la maison de transition mais, quand ça coince, c’est nous qu’elle contacte.» On ne s’attendait pas à ça, reconnaît Nicolas Degroodt. «Il y a donc pour les travailleurs de notre projet, une pression morale sur le long terme. Nous savons à présent qu’il faudra sans doute porter les dossiers longtemps et que c’est une charge de travail qui ne fera que grandir.»

Bien sûr, Rizome peut solliciter d’autres acteurs du monde associatif pour prendre le relais, mais «le fait de leur avoir trouvé un appartement, de l’avoir équipé nous a fait entrer dans l’intimité des gens. Ils ont testé notre disponibilité et n’ont pas envie de recommencer à raconter leur histoire ailleurs. C’est compréhensible et, pour nous, il est difficile de leur dire d’aller voir ailleurs. Il faudra voir comment on va déployer ce projet dans la durée. Je ne veux pas surcharger les assistants sociaux. Il y a juste la distance à trouver avec la personne. Nous représentons une ‘institution’ mais nous sommes bien plus que ça, pour eux».

Retour à Namur. Les questions que se pose Rizome interpellent également le «Passage» qui n’a pas encore l’expérience de l’engagement à long terme. Les deux sortants de prison logés par l’asbl sont des «très autonomes» et même si Philippe Defeyt reconnaît ne pas avoir perçu l’ampleur de la détresse de Cédric lors de sa première soirée hors de prison, ils ont déjà pu constater que les ex-détenus se confient à eux bien plus qu’aux travailleurs sociaux de la maison de justice, par exemple. Et que donc un lien se crée.

Philippe Defeyt en est convaincu: leur projet va encore évoluer, leur mode de fonctionnement s’adapter. Le bel appartement de Jean-Pierre ne sera finalement pas destiné au détenu qu’ils ont rencontré à la prison de Marche. «On s’est rendu compte en parlant avec lui que la meilleure façon de l’aider était de lui payer son premier loyer. Nous avons fait une convention de prêt, même si ce n’est pas sans risque.» Cette souplesse dans la réaction est aussi la force d’une association de bénévoles.

Le «Passage» doit encore se trouver. De la prison à la réinsertion, à Bruxelles comme à Namur, on tâtonne, on progresse, on cherche la meilleure sortie. Et beaucoup de détenus attendent à l’entrée du tunnel.

 

 

 

«Il est beau mon appart, non?»

Encore des volées d’escalier à gravir. L’ascenseur est en panne. «Je crois que c’est moi qui l’ai cassé en montant mon frigo», s’excuse Cédric. Cédric (prénom d’emprunt) est l’un des deux sortants de prison aidés par le «Passage». Quand nous l’avons contacté pour connaître son adresse, il a localisé son appartement par rapport à la prison de Namur. Comme si elle était l’épicentre de la capitale wallonne. Et encore de sa vie.

Cédric est sorti de prison depuis trois mois. Il se sent bien dans son logement mais sa tête est encore souvent dans cet espace intermédiaire qu’est la semi-détention. C’est un espace physique d’abord: «Une sorte de gros loft au-dessus de la prison avec cinq chambres pour deux personnes, surveillé par des matons en fin de carrière. Mal chauffé, pas d’eau chaude, pas équipé. Il n’y avait rien là-bas. J’étais en formation dans l’Horeca mais j’ai dû mener une vraie guerre pour obtenir un séchoir et un fer à repasser pour mon uniforme.» Cédric est resté un an en semi-détention, sans savoir quand il pourrait sortir. «Cela me rendait fou.» Il dissimule difficilement sa colère quand il évoque ce moment de son existence qui, pour lui, était pire encore que la détention proprement dite. Les contrôles, les fouilles au moment il devait sortir pour se rendre au restaurant qui l’emploie. «Ils retournaient tout dans le loft avec leurs sales chiens qui bousillent les fauteuils à la recherche de drogues. Moi, je me fâchais tout le temps contre les gardiens. Ils savaient que je devais être au restaurant à 8 h 30 et faisaient tout pour que j’arrive en retard. En prison, j’ai été aidé par un psychologue, j’avais un bon contact avec le chef des matons, Henri, un géant de plus de deux mètres, un type génial. Mais, dans ce loft, j’avais l’impression de n’être plus rien. On m’avait oublié. Je devais sortir de là par tous les moyens, quitte à m’arranger pour me faire remettre en prison.»

Cédric a un leitmotiv: il ne compte sur personne. Il se débrouille seul. En prison, il dit s’être très rapidement pris en main: sport et surtout travail. Il a été servant, cuisinier… il fallait rester en activité. «Je n’ai eu besoin de personne pour m’en sortir», répète-t-il. Mais il reconnaît que l’arrivée de «monsieur Defeyt» a bouleversé sa vie de détenu. «J’ai fait une demande de logement à leur association. Ils sont venus, trois, quatre fois me voir.» Puis Philippe Defeyt lui a annoncé qu’ils avaient trouvé un appartement. «J’étais incroyablement soulagé. Quand j’ai débarqué ici, je ne m’attendais pas à trouver quelque chose d’aussi beau, car il est beau, non, cet appart? C’est calme aussi et très abordable. Je ne paie que 460 euros par mois, charges comprises.»

«Le premier soir, je me suis senti très seul»

Cédric dit n’avoir aucune famille et n’avoir jamais eu de visite pendant sa détention. Il avait bien une compagne chez qui il allait le week-end pendant ses sorties de prison mais leur relation n’a pas duré et il ne voulait pas vivre chez elle. Le «Passage» l’a bien compris, dit-il. Mais vivre seul n’est pas évident et Cédric l’a vite appris. «Le premier soir, dans cet appartement, j’ai vu la réalité en face. J’avais juste un matelas par terre, je n’avais pas de nourriture, pas d’argent pour faire des courses, rien puisque je n’étais pas encore inscrit au CPAS. J’ai eu une sérieuse baisse de moral. Je me suis senti très seul et je me suis dit que je serais mieux en prison.» Le lendemain, raconte Cédric, les responsables du «Passage» sont venus équiper son appartement, placer une gazinière, un frigo. «Monsieur Defeyt m’a apporté une télévision et m’a donné cent euros pour faire des courses. Des gens comme ça, on n’en rencontre pas souvent.»

Cédric avait évidemment des conditions mises à sa libération: pas d’alcool, pas de stupéfiants, interdiction de retourner dans sa ville d’origine. «Je suis trop connu là-bas, j’ai fait trop de conneries. Je ne connaissais pas Namur, j’y allais parfois pour boire un verre. Il m’a fallu un peu de temps pour me repérer, savoir où était le CPAS… Avant, je consommais de l’héroïne. Je me suis sevré en prison. La crainte de Philippe Defeyt, quand il m’a rencontré, était que je reparte en vrille. Mais je lui ai expliqué que j’avais 35 ans, je trouvais qu’il était temps de faire quelque chose de ma vie, d’avoir une vie de famille.» Cédric ajoute, avec une certaine fierté: «Je viens de commencer une relation amoureuse. Une femme, seule, avec des enfants. Cela fait du bien de se sentir aimé.»

Cédric va bientôt terminer sa formation dans l’Horeca. Il aurait bien voulu y décrocher un article 60 pour y travailler mais il ne se fait pas trop d’illusions. Son casier judiciaire ne semble pas plaire au patron. Il rêve d’être peintre en bâtiment. Il a entendu dire qu’une société de logements sociaux cherchait des ouvriers dans ce cadre. Il est confiant. Il va s’en sortir. Retour un dernier moment au «loft» et à la prison de Namur. «Le Passage? Ils doivent continuer ce qu’ils font. Ils m’ont réconforté quand j’étais en semi-détention. Je considère monsieur Defeyt comme un véritable ami. Des détenus qui, comme moi, n’ont aucune visite, aucune famille, il y en a plein. Et ce n’est pas évident de s’en sortir seul.»

Martine Vandemeulebroucke

Martine Vandemeulebroucke