On n’est pas un migrant comme un autre quand on a 17 ans. Arrivés en Belgique après un parcours semé d’embûches et de zones d’ombre, de nombreux jeunes se retrouvent livrés à eux-mêmes. À Liège, l’association Live in Color organise le parrainage de ces MENA, afghans pour la plupart, par des volontaires. Faire ses courses, trouver un logement, appréhender le fonctionnement culturel et institutionnel de la Belgique: le quotidien est au centre de cette démarche visant l’intégration.
Été 2015. Les images de migrants exténués arrivant en Cité ardente créent l’émotion. Chef d’entreprise dans le secteur de la communication, Nadine Lino décide avec quelques amis de mobiliser les forces vives citoyennes. Grâce à Facebook et au bouche-à-oreille, vivres et vêtements sont rassemblés, stockés et distribués en l’espace d’un week-end. Un franc succès qui marque le début de l’asbl Live in Color, installée dans les mêmes locaux que la boîte de Nadine Lino, Lusis Communication. Au cours des mois qui suivent, l’association déploie diverses activités orientées vers «le mieux vivre ensemble avec un accent sur la citoyenneté et l’enfance», comme nous l’explique Fabian Tasset, responsable du programme de parrainage au sein de l’association.
Au centre de la Croix-Rouge de Bierset, Live in Color met ainsi sur pied une école des devoirs. Et prend conscience qu’au-delà des besoins matériels et pédagogiques, la demande affective est immense. Naît alors l’idée d’un programme de parrainage MENA (mineurs étrangers non accompagnés), devenu aujourd’hui la principale activité de l’asbl, qui assume une approche artisanale et fondée sur le «dynamisme entrepreneurial». Limitées à la province de Liège, ses activités reposent en grande partie sur le réseau personnel et professionnel des initiateurs. «En termes d’approche pour faire connaître et financer l’association, le fait que Nadine Lino vienne du monde de la communication se ressent très fort, estime Fabian Tasset. En ce sens, nous nous distinguons pas mal de l’associatif classique. Nous nous sommes par exemple tournés vers le privé et non vers l’institutionnel pour obtenir des fonds pour le parrainage. Nous avons quelques subsides, mais minoritaires, et nous sommes essentiellement axés sur le volontariat, avec un réseau de personnes ressources qui peuvent donner un coup de main: une camionnette pour le déménagement d’un jeune, la recherche d’un logement, etc.»
Aujourd’hui, Live in Color coordonne le parrainage de quelque soixante mineurs et celui d’une petite vingtaine de «jeunes adultes» de 18 à 23 ans. «Le parrain s’engage à voir le jeune au moins trois fois par mois, pendant une durée de minimum trois ans et au moins jusqu’à sa majorité. Il ne s’agit pas d’organiser des activités pour lui, mais de l’intégrer à son quotidien. L’objectif du parrainage, c’est d’apprendre la langue et de découvrir comment les choses fonctionnent en Belgique afin de favoriser l’autonomie. Comment faire des courses? Quand aller chez un médecin? Comment s’adresser à un adulte? À une femme? Comment se conduire à table, avec les animaux de compagnie? Les chocs culturels sont partout. Or, au cours des décennies précédentes, on a pu observer que les effets de communautarisation étaient inévitables à partir du moment où il n’y a pas cette logique de la main tendue, estime Fabian Tasset. Le fait de pouvoir construire une relation forte permet de faire tomber certains clichés, certaines frontières. Prenons simplement l’exemple d’un jeune qui dirait ‘Allahou Akbar’ dans le bus en parlant au téléphone. Pour lui, cela veut juste dire ‘Dieu est grand’. Mais ici, ce sera perçu comme un cri de guerre. Quand on est parrain ou marraine et qu’on a développé une relation de confiance, on pourra se permettre d’expliquer ces choses.»