Quatre à la maison

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Justice

Quatre à la maison

Que faire quand on est avocate, qu’on travaille en solo comme toute la profession, et qu’on a parfois l’impression de ne pas faire son boulot comme on le voudrait? Katia, Clémentine, Noémie et Margarita se sont posé cette question et ont trouvé la réponse: fonder «Casa Legal», une asbl – la première lancée par des avocats en Belgique – active dans le domaine du droit des étrangers et du droit familial. Son objectif: prendre en charge les bénéficiaires dans leur entièreté, que ce soit d’un point de vue juridique ou social. Le tout en travaillant collectivement. Une petite révolution…

Julien Winkel Images : Alex GD 21-12-2020
Quatre à la maison

Jusqu’ici le ciel tirait un peu la gueule. Mais alors qu’Amelia (nom d’emprunt) prend place derrière quelques tables disposées en carré, un rayon de soleil finit par percer les nuages, traverse la baie vitrée juste en face d’elle, et se pose sur son visage de jeune fille.

Quelques minutes plus tôt, Amelia est apparue presque soudainement, sans se faire remarquer, dans le hall d’entrée de Casa Legal. Pull à col roulé, doudoune blanche, jean troué, sneakers aux pieds, elle ressemble à toutes les gamines de son âge, celles que l’on peut croiser le soir, un classeur à la main, dans le bus ou le tram, à la fin des cours. Mais alors qu’elle commence à parler en chipotant à son masque et en plissant les yeux à cause de la lumière, on se rend compte que son histoire est un peu plus complexe que ça. À peine majeure, Amelia est née en Belgique. Elle y a toujours vécu, elle y étudie. Mais ses origines, et celles de ses parents, sont à aller chercher quelque part du côté de deux anciennes républiques soviétiques, entre Europe orientale et Caucase. Problème: en situation irrégulière, ses parents ne se sont jamais trop souciés de certaines formalités. Du coup, Amelia ne possède pas la nationalité belge, pas plus qu’elle n’était connue, jusqu’il y a peu, des services de ses pays d’origine. Amelia se situe dans une sorte de no man’s land. Malgré toutes ces années ici, son français parfait teinté d’accent bruxellois, sa scolarité, elle n’a pas de papiers, rien. «Dès que je me fais contrôler par la police, on m’embarque», lâche-t-elle mi-amusée, mi-incrédule. 

«En tant qu’avocates, nous travaillons maintenant en binôme, ce qui est un gros changement. Et puis nous collaborons avec des assistants sociaux, ensemble, dans la même pièce. Cela permet de vraiment améliorer les choses.» Clémentine

À ses côtés, dans cette petite pièce dont on a ouvert les portes et fenêtres pour évacuer d’éventuels germes du Covid, se tiennent trois autres personnes. Il y a Susana, l’assistante sociale. Et Clémentine et Noémie, les avocates. Ensemble, elles tentent de dépatouiller la situation d’Amelia, qui est justement venue les trouver il y a quelques mois de cela, de son propre chef, pour tenter de mettre de l’ordre dans sa situation. Amelia a l’air d’en vouloir, elle a des projets plein la tête. Mais elle est un peu perdue dans ses démarches. Suite au travail déjà entrepris par Clémentine et Noémie, le pays de son père a fini par la reconnaître. C’est déjà ça de pris: Amelia n’est pas – plus – apatride. Mais il faut maintenant qu’elle obtienne un passeport, qui permettra ensuite aux deux avocates d’essayer de régulariser son séjour en Belgique. Un sacré boulot, qui nécessite de produire plein de paperasse et, surtout, d’avoir les idées claires.  Pas évident pour une jeune de moins de 20 ans qui jusqu’il y a peu vivait dans un squat avec son père… Autour de la table, on parle composition de ménage, acte de naissance, apostille, consulat… «Tu n’y arrives pas?», demande Clémentine à Amelia à propos des démarches pour l’obtention du passeport, qui semblent un peu s’enliser. «Non non, ça va, c’est juste que c’est un peu cher…», répond la jeune fille. 200 euros pour un passeport, c’est effectivement une jolie somme quand on se nourrit grâce aux défraiements payés dans le cadre de ses stages d’apprentissage. Susana semble pourtant avoir une solution: elle trouvera l’argent auprès de CAP Brabantia – Antenne Caritas International, la structure qui l’emploie. Noémie et Clémentine, elles, se chargeront de continuer à épauler Amelia pour l’obtention du passeport. «Tu as tous les documents?», lui demande Clémentine. «Maintenant, il faut qu’on l’obtienne ce passeport, il ne faut plus attendre des mois», continue l’avocate. «S’il y a encore un souci, dis-le nous, on peut débloquer des choses», renchérit Noémie. Tout a l’air en ordre. Un sourire derrière son masque, Amélia se lève et s’en va presque aussi discrètement qu’elle était arrivée. 

Des situations pareilles, il s’en joue souvent dans les murs de Casa Legal. Lancée par quatre jeunes avocates au mois de septembre 2020, en pleine pandémie de Covid-19, cette asbl propose à ses bénéficiaires de les accompagner de façon holistique, intégrée et multidisciplinaire. Ceux-ci s’adressent toujours à Casa Legal pour des problèmes relevant du droit des étrangers ou du droit familial. Mais si cet aspect juridique et administratif constitue en quelque sorte une porte d’entrée, la jeune asbl a aussi décidé de s’occuper du volet psychosocial de la situation des bénéficiaires, souvent compliqué. Un peu à l’image de ce que font les maisons médicales dans le domaine de la santé. «Il s’agit souvent d’un public fragile, vulnérable», témoigne Susana, que son employeur, CAP Brabantia – Antenne Caritas International, dépêche une fois toutes les deux semaines – en alternance avec une collègue – pour épauler Casa Legal. «On parle de personnes ayant eu des trajets de vie très difficile, qui ont connu l’exil, la violence, les viols, qui ont laissé leur famille au pays ou y ont subi des discriminations.» 

L’approche de Casa Legal est quelque peu iconoclaste. À parler avec Susana Parraga, l’assistante sociale, et Clémentine Ebert, Noémie Segers, Katia Melis et Margarita Hernandez-Dispaux, les quatre avocates, on comprend que ces deux mondes, ceux du social et du droit, ne se croisent logiquement jamais dès lors que l’on parle de droit des étrangers ou de droit familial. En temps normal, il y a d’un côté les assistants sociaux, travaillant pour des structures de première ligne, qui n’ont de contact avec les avocats «que par mail ou par téléphone», d’après Susana. Et de l’autre, des avocats officiant la plupart du temps en solo au sein de cabinets. «Avec Casa Legal, on a voulu changer cet état de fait, explique Clémentine. Déjà, en tant qu’avocates, nous travaillons maintenant en binôme, ce qui est un gros changement. Et puis nous collaborons avec des assistants sociaux, ensemble, dans la même pièce. Cela permet de vraiment améliorer les choses. Ce à quoi vous avez assisté aujourd’hui, cette mise en confiance d’Amelia pour tenter de l’accompagner au mieux, n’aurait pas été possible sans l’approche qui est aujourd’hui la nôtre… Même dans les cas les plus affreux, comme ceux concernant des victimes d’esclavage sexuel, où celles-ci te déposent les pire atrocités, le fait qu’il y ait deux ou trois personnes face à elles fait qu’elles en parlent plus facilement.»

«On parle de personnes ayant eu des trajets de vie très difficile, qui ont connu l’exil, la violence, les viols, qui ont laissé leur famille au pays ou y ont subi des discriminations.» Susana

Comme un truc qui coince

Bruxelles, 5 juin 2019. Dans les locaux de l’asbl Smart, à Saint-Gilles, Katia, Clémentine, Noémie et Margarita se sont posées dans un coin, sur une petite table. Aujourd’hui, les quatre jeunes femmes participent au «Coopcity fest», un festival organisé par Coopcity, un «Centre d’entrepreneuriat social et coopératif», dont l’objectif est notamment d’accompagner des projets débutants d’entrepreneuriat social et de les faire aboutir. Il y a du monde, tout le petit gratin de l’économie sociale bruxelloise est présent, sans masque, à moins de 1,5 mètre. Le bonheur…

À cette époque, Casa Legal est en gestation et se fait accompagner par le centre. Lorsqu’elles expliquent ce qu’elles comptent faire, les quatre avocates se montrent enthousiastes. Mais on en est encore au stade de l’esquisse. Surtout, Katia, Clémentine, Noémie et Margarita travaillent encore au sein d’un cabinet, le même. C’est un peu le hasard qui les a fait se rencontrer là, même si leur intérêt partagé pour le droit des étrangers et le droit familial n’y est sûrement pas pour rien. Katia a été la première à y atterrir. Fille de médecins ayant travaillé en maison médicale – tiens, tiens… -, «très militants», Katia a alors beaucoup de travail et gagne «pas si mal» sa vie, déjà dans le domaine du droit des étrangers. Mais malgré ça, «il y avait un truc qui coinçait», se remémore aujourd’hui l’avocate. «Je voulais être compétente dans ce que je faisais, avoir de bonnes relations humaines avec mes clients et disposer d’un peu de temps pour moi à côté.» Des envies difficiles à concilier dans un milieu parfois très codifié, où la norme veut que les avocats travaillent au sein d’un cabinet, certes, mais en tant qu’indépendants et quasiment en solo. Une manière de fonctionner qui, chez Katia, la faisait enquiller les heures à n’en plus finir «au point que cela créait des tensions au niveau humain. Je devenais agressive, je me demandais si j’aidais vraiment les gens. Dans ces conditions, il y a un vrai risque d’épuisement personnel si tu veux bien les accompagner». Autre point: «Il y avait aussi quelque chose qui relevait de l’anticonformisme, sourit Katia. Quand j’ai fait mon stage, on m’a dit: ‘Voilà, tu fais comme ça, tu factures comme ça’. Au bout d’un moment, je me suis demandé si on ne pouvait pas envisager les choses autrement.»

C’est à ce moment que Noémie débarque au cabinet et prend le bureau juste à côté de celui de Katia. Nous sommes en 2014 et Noémie sort de stages où elle a travaillé pour deux avocats différents, en même temps, notamment dans le domaine du droit des étrangers et du droit familial. Une expérience «très dure dans un milieu où personne ne pense à la manière dont on travaille en groupe. Je suis un peu devenue dingue», se souvient Noémie. À son arrivée, elle sympathise avec Katia, elle «l’émotionnelle» qui semble aspirer à plus de collectivité, «qui a besoin d’avoir un autre avocat à côté d’elle». Mais «malgré le fait de connaître Katia, nous ne travaillions pas ensemble, souligne Noémie. J’étais seule avec mes dossiers». Des dossiers qui parfois la pèsent, tant la responsabilité lui paraît grande. «La vie d’une personne peut complètement changer, et cela dépend de toi. Si tu gagnes ton recours, elle peut sortir de centre fermé. Si tu le perds, elle est renvoyée dans son pays», illustre-t-elle. À ce propos, Katia parle de cette «charge émotionnelle très compliquée» à laquelle font face les avocates – très majoritaires – dans ces domaines du droit et qui les poussent souvent «à arrêter tout ou à devenir complètement blasées».

Nourries de ces réflexions, les deux avocates discutent, se mettent à rêver «d’un travail d’avocat mais qui se ferait sur un modèle d’économie sociale». «Mais à deux, nous n’avions pas l’énergie pour porter quelque chose comme ça. On s’est dit ‘On laisse tomber’», admet Katia. Débarque alors Clémentine. Française, elle a atterri à Bruxelles en suivant son compagnon, qui a trouvé du travail au sein des institutions européennes. Avant, elle avait notamment habité en Chine, en Thaïlande. Clémentine est une habituée des grands déménagements. Elle va faire la connaissance de Katia lors de travaux de consultance pour Caritas, notamment dans le domaine de la prostitution nigériane. Et finir par intégrer, elle aussi, le cabinet. «Clémentine, elle est comme moi, c’est une fonceuse», illustre Katia. La balance commence-t-elle à pencher vers Casa Legal? Ce qui est clair, c’est que l’arrivée de Margarita, en 2018, scelle le destin des quatre avocates. Diplômée en 2011, Margarita s’est d’abord rêvée un avenir dans l’Horeca avant de se réinscrire à l’ordre des avocats en 2018, date de son arrivée dans le cabinet où se trouvent déjà Katia, Noémie et Clémentine. «Très vite, on s’est connectées, se souvient Margarita. Il y a une alchimie. J’ai l’impression d’avoir trouvé, au niveau professionnel, le pendant de ce que j’ai trouvé dans ma vie privée.»

Quand on vient d’un secteur où tout le monde travaille comme indépendant, en solo, passer à une structure associative, au salariat, au travail collectif et horizontal représente un sacré saut dans l’inconnu, voire un pied de nez à tout un secteur.

Les choses vont effectivement vite. Un an après, les quatre jeunes femmes sont au «Coopcity fest». Et en septembre 2020, leur projet commence à tourner sérieusement. Si tout cela semble finalement naturel, «nous n’y serions jamais arrivées sans l’accompagnement de Coopcity, insiste Katia. Entre notre travail et la vie privée, il aurait été difficile de trouver les espaces pour faire tout toutes seules. Ce sont eux qui nous ont donné le courage d’avancer malgré les doutes».

Elles ne le diront peut-être pas comme ça, mais on a effectivement l’impression qu’être passées par une structure d’accompagnement leur a donné l’assurance nécessaire pour passer un cap, notamment culturel. Quand on vient d’un secteur où tout le monde travaille comme indépendant, en solo, passer à une structure associative, au salariat, au travail collectif et horizontal représente un sacré saut dans l’inconnu, voire un pied de nez à tout un secteur. «Travailler autrement, c’est un apprentissage, souligne Noémie. Et puis dans notre secteur, nous sommes les premières à avoir créé une asbl, à nous salarier. Dans l’imaginaire collectif, ce n’était juste pas possible, la caractéristique principale de l’avocat, c’est l’indépendance. Mais pour moi, il y a une confusion entre l’indépendance intellectuelle, que nous gardons de toute façon même en étant salariées, et l’indépendance en tant que statut de travail…»

Autre écueil: le statut d’asbl. Aussi étrange que cela puisse paraître, les avocats ne pouvaient pas, jusqu’il y a peu, constituer des asbl. Seule leur était autorisée la création de sociétés civiles à forme commerciale. Mais avec les changements opérés récemment au sein du code des sociétés, qui n’ont d’ailleurs pas fait que des heureux au sein du secteur associatif, les asbl sont désormais considérées comme des entreprises comme les autres. Seule l’affectation des bénéfices les distingue d’autres structures. Pour Casa Legal, ce changement a eu un effet heureux: «Le code de déontologie des avocats a dû être modifié pour être mis en conformité avec le code des sociétés, et il n’y a plus d’interdiction d’exercer notre activité sous forme d’asbl. C’est donc une mini révolution au sein de la profession», explique Katia.

Aujourd’hui, Casa Legal serait donc la première asbl créée par des avocats en Belgique. D’après ses créatrices, tous les bénéfices de la structure sont affectés à l’objectif social du projet, à part bien sûr ce qui sert à alimenter les salaires – fixes – Mais le fait d’être une association à but non lucratif aurait aussi d’autres avantages. «Il n’y a plus cette pression de la rentabilité, et cela nous permet de faire mieux notre travail», explique Katia. «Cela nous autorise à prendre notre temps, renchérit Margarita. Une possibilité encore renforcée par le fait que nous travaillons en collectif. En étant seule, travailler comme ça est impossible.»

Un voyage sans retour

Le travail de Casa Legal est basé sur un constat: aujourd’hui, un bénéficiaire qui souhaite se faire aider en droit des étrangers ou familial passe la plupart du temps par une asbl de première ligne, puis par son service juridique, avant d’être envoyé vers un cabinet d’avocats. Casa Legal tente de simplifier ce recours à de multiples interlocuteurs en accompagnant le bénéficiaire de bout en bout, dans l’entièreté de sa situation. Pour ce faire, elle a notamment recours à deux assistantes sociales mises à disposition par CAP Brabantia – Antenne Caritas International et qui sont présentes une demi-journée par semaine, tout en n’hésitant pas à accompagner les bénéficiaires qui le souhaitent dans leurs démarches. Avant, les quatre avocates l’espèrent, d’effectuer des engagements sur le payroll de l’asbl. «Nous aurions besoin d’assistants sociaux à temps-plein», lâchent à l’unisson les quatre avocates. 

Outre le fait d’aider les bénéficiaires, la prise en charge de leurs problèmes sociaux peut aussi avoir une influence positive sur leur dossier juridique. «Si le bénéficiaire est tellement submergé par ses problèmes qu’il n’est pas capable de raconter son parcours devant le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides – CGRA, ndlr -, cela va être compliqué pour moi de l’aider dans son dossier, illustre Clémentine. Si on peut lui offrir un accompagnement social, voire psy, la personne sera beaucoup plus en mesure de se livrer, de se raconter.»

On l’aura compris, les «clients» de Casa Legal sont pour la plupart dans une situation compliquée, même si certains travaillent. «Il y a toujours une notion de précarité ou à tout le moins une nécessité de décodage culturel», situe Clémentine. Autre caractéristique: ce sont pour la majorité des femmes. «C’est un état de fait dans le secteur. Beaucoup de bénéficiaires sont des femmes qui ont subi des violences… et beaucoup de travailleurs, d’avocats, sont aussi des femmes», constate Noémie. 

«C’est un état de fait dans le secteur. Beaucoup de bénéficiaires sont des femmes qui ont subi des violences… et beaucoup de travailleurs, d’avocats, sont aussi des femmes.» Noémie

Pour leur donner accès un maximum aux services proposés par l’asbl, celle-ci fonctionne sous le régime de l’aide juridique gratuite pour les personnes en grande précarité. Pour les autres, un système de forfait en fonction de la tranche de revenus et des types de prestation a été établi. «Fonctionner au forfait permet d’objectiver les coûts et de les prévoir, là où les avocats tarifent en général chaque acte, chaque coup de téléphone, ce qui ne donne au bénéficiaire aucune vision à long terme de ce que les démarches vont lui coûter», analyse Margarita. 

Inutile de dire qu’à ce régime, malgré les 120 à 130 dossiers suivis depuis septembre 2020 – l’asbl refuse aujourd’hui des dossiers tant elle a du travail – ce fonctionnement ne permet pas à Casa Legal de rouler sur l’or. Même si elle fait face à des problèmes de trésorerie, Casa Legal est parée jusqu’en septembre 2021. Elle tient grâce à quelques petits subsides. Mais pour la suite, il faudra trouver des solutions. «Nous avons éprouvé notre objet social, il va falloir que l’on éprouve aussi notre viabilité économique», analyse Clémentine.

Il faudra, aussi, dépasser l’écueil de toute structure associative qui se lance ou tente de se maintenir: ne pas sombrer sous la charge de travail administratif, au point de délaisser son cœur de métier. Et réussir à gérer les tensions qui ne manqueront pas d’apparaître à un moment donné ou l’autre. «Les cabinets d’avocat, ça splitte tout le temps. Plus c’est intégré, plus il y a de tensions. Il doit y avoir des résistances propres à ce métier. Nous sommes en train de suivre une formation à la gestion collective afin d’éviter ce genre de situations dans notre asbl», explique Noémie. 

«Nous avons éprouvé notre objet social, il va falloir que l’on éprouve aussi notre viabilité économique.» Clémentine

Malgré ces défis, le départ sur les chapeaux de roues et le Covid qui n’a pas facilité les choses, Katia note «qu’il y a chez nous une motivation intacte. Il y a cette envie de changer les choses, de faire de l’empowerment par le droit». Un sacré boulot, bien fatiguant, mais qui d’après Katia «est très différent de la fatigue que j’ai pu ressentir quand je faisais tout toute seule dans mon coin. Ici, il s’agit de fatigue qui est nourrie par le collectif, par le plaisir de voir que ça avance». Un plaisir auquel Noémie ne compte pas renoncer: «Maintenant qu’on a goûté aux joies du collectif, je ne pourrais pas retourner en arrière», lâche-t-elle. Ce à quoi Katia répond: «On n’a pas envie, dans deux ans, de revenir au cabinet…»

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste (emploi et formation)