Lundi. 12 h 20. Dix minutes avant l’ouverture officielle, un premier coup de sonnette impatient retentit dans les locaux de Saf-ti. Infirmiers et éducateurs terminent d’avaler rapidement leur casse-croûte en bavardant des derniers détails pour peaufiner l’aménagement des lieux. «Dès qu’on a eu le feu vert pour le projet, on a tout monté en trois mois. On était épuisé, mais on l’a fait», confie Marylène Tommaso, l’infirmière en chef, non sans une pointe de fierté. Trois mois plus tard, 183 consommateurs se sont déjà inscrits dans la salle, soit 60% de la population estimée d’usagers de rue à Liège. En moyenne, cela représente 35 consommateurs différents accueillis chaque jour. «Dans le secteur, ça fait 10 ans qu’on attend cette salle. Pouvoir y participer, c’est comme un rêve», se réjouit Claude, éducatrice.
À 12 h 30, les portes s’ouvrent et déjà un premier cas d’école se pose. Dans une démarche de réduction des risques, les infirmiers encouragent les usagers qui s’injectent à privilégier l’inhalation, mode de consommation un peu moins nocif. Depuis l’ouverture, la proportion d’injecteurs est passée de deux tiers d’usagers à la moitié des usagers. Mais cet après-midi, un habitué semble bien vouloir prendre le chemin inverse. «On a essayé de réfléchir à tous les cas de figure, mais le projet vient de commencer et, des questions comme ça, il en survient tous les jours», commente l’infirmière en chef, pas désarçonnée pour un sou. Pendant que l’équipe débat, l’homme, nerveux, crie haut et fort qu’il ira se plaindre chez le bourgmestre si on ne le laisse pas se piquer! «On part du principe que les usagers sont les experts de leur consommation. Si un usager consomme depuis 30 ans, qui suis-je pour lui dire comment il doit se comporter? Ce sont des adultes. Si on lui interdit de s’injecter, il ira se piquer en rue et on aura raté notre objectif», argumente Claude.