Télé-Accueil, ce furent d’abord des affiches dans les bus, des encarts dans le Bot- tin. Ce furent des téléphones à cadran, des cordons en spirale triturés, des pièces brunes de vingt francs glissées in extremis dans une cabine de bord de route. «Aujourd’hui, il arrive que des personnes nous appellent dans les transports ou pendant qu’elles font la cuisine », remarque Laetitia Fontaine. Le téléphone portable a modifié les habitudes. Les appels sont parfois plus impulsifs. Mais, pour l’essentiel, rien n’a changé. Il y a toujours le besoin impérieux de parler à quelqu’un. Toujours une voix qui répond : « Je vous écoute », « Je suis là. »
Dans un building du centre de Liège, les bénévoles se relaient jour et nuit pour assurer la permanence. L’adresse est tenue secrète afin d’éviter que des appelants
en détresse ne débarquent. «Certains peuvent se montrer agressifs quand ils vont très mal. » Dans l’ascenseur exigu, on ne peut s’empêcher de sourire en pensant à madame Musquin et à la troupe du Splendid. Il fallait bien un film si déjanté à propos de tant de détresse. L’appartement est vieillot, avec vue sur la Dérivation. Le téléphone est posé sur un large bureau encombré de classeurs. La chaise est à roulettes et dossier ergonomique. Sur le mur rouge, des numéros utiles, des affichettes, des dessins de mandalas. Une fenêtre donne sur l’arrière d’un autre im- meuble tout gris. Jouxtant la cuisine, un lit d’une place, recouvert d’une couette bleue à motifs, est coincé entre quatre murs. Sur la table de nuit, un autre téléphone. «Les bénévoles qui font la nuit peuvent déplacer leur permanence dans cette chambre. Généralement, il y a un creux vers 3 heures du matin. Puis ça reprend vers 6 heures, commente Laetitia Fontaine. Avoir un lieu spécifique permet au bénévole de ne pas ramener les problèmes à la maison, de conserver un cadre. »
Trente à 35 appels arrivent ici chaque jour. La conversation dure en moyenne 20 à 30 minutes. Septante pour cent des appelants sont des femmes, 80% des appelants ont plus de 41 ans. «On observe cependant une augmentation des appels de jeunes, souvent des appels de crise», commente Aurélie Bogaerts, psychologue et formatrice chez Télé-Accueil Liège. Il existe d’ailleurs désormais un service de tchat, accessible de 19 à 23 heures, qui vise plus particulièrement ce public : l’initiative est née chez les voisins français de SOS Amitié.